Contre la haine en ligne : éduquer plutôt que réprimer
C’est l’une des propositions remises sur la table, depuis l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty : interdire l’anonymat en ligne. Portée par Xavier Bertrand (LR), elle est aussi soutenue par le ministre Jean-Michel Blanquer, dans l’idée de mettre fin à « l’impunité » de la haine sur Internet. Mais ce débat, s’accordent les spécialistes, nie le consensus scientifique sur la question. Déjà, l’anonymat sur Internet n’est plus possible depuis une loi de 2004, qui oblige les sites à conserver les données d’identification des internautes. Ensuite, d’après une étude sociologique établie en 2016, les personnes anonymes sont moins agressives que les autres lors de débats en ligne. Plus que la loi, c’est « le sentiment d’impunité » qu’il faut combattre, avance Divina Frau-Meigs, sociologue spécialiste des contenus haineux et directrice du Centre de liaison de l’enseignement et des médias d’information (Clemi). « C’est quand le discours de haine devient silencieux qu’il est le plus difficile à combattre, avance-t-elle. Par ailleurs, l’anonymat peut aussi, dans certains cas, permettre de protéger les plus faibles, comme les femmes battues qui cherchent de l’aide. » Cette mesure, avertit-elle, « risquerait d’aboutir à un musèlement généralisé, comme dans les pays antidémocratiques ». Sa solution : l’éducation aux médias. « Il ne faut pas dédouaner les plateformes et les États, qui sont – en théorie – les premiers chargés du sujet ! Mais on est aussi en capacité d’agir sans le savoir. Un truc tout bête : le signalement de contenus, ce n’est pas une dénonciation. C’est une demande d’analyse. Et on peut tous le faire. » Rappel utile, quand les dirigeant·es se trompent de solutions.