POUR LES MATEUSES
Au-delà des quelques noms connus (Cindy Sherman, Dorothea Lange, Diane Arbus, Sally Mann), combien de femmes photographes oubliées, discréditées, effacées au profit de leurs homologues masculins. Qui connaît la Britannique Yevonde Cumbers (1893-1975), alias « Madame Yevonde », pionnière de la couleur dans les années 1930 ? Qui a déjà entendu parler de la féministe norvégienne Solveig Lund (1868-1943) et de ses portraits de femmes en costumes traditionnels ? Par sa taille mais surtout par son ambition, cette Histoire mondiale des femmes photographes est un pavé jeté dans la mare de la photographie. Un véritable manifeste politique. Pour dresser cet inventaire de trois cents créatrices, sur une période allant de l’invention du médium jusqu’à l’aube du XXIe siècle, les historiennes de la photographie Luce Lebart et Marie Robert ont fait appel à près de cent soixante autrices du monde entier pour élargir le spectre de leurs recherches au-delà de l’Occident. Au fil de ces courts portraits émaillés de superbes clichés, on découvre que l’appareil photo est un outil d’émancipation pour les femmes, qui leur permet d’obtenir une autonomie financière et d’influer sur le cours du monde. Armée de son Kodak, l’Anglaise Alice Seeley Harris (1870-1970) a ainsi dénoncé les atrocités commises sur le peuple congolais. Le premier lanceur d’alerte de l’histoire contemporaine était donc une femme photographe.
Une histoire mondiale des femmes photographes, sous la direction de Luce Lebart et Marie Robert. Éd. Textuel, 504 pages, 69 euros.