Causeur

BDS : RICHARD FERRAND BOYCOTTE LES FAITS À

Pourquoi le secrétaire général d'en Marche ! persiste-t-il à nier qu'il a soutenu politiquem­ent et financière­ment des partisans du boycott d'israël ?

- Par Jean-paul Lilienfeld

la faveur d’une vidéo découverte sur Facebook, qui affirmait que Richard Ferrand, secrétaire général d’en Marche !, soutenait activement l’associatio­n France Palestine Solidarité (AFPS), par l’intermédia­ire de son groupe local Centre-bretagne Solidarité, je me suis précipité sur le blog de ce probable futur ministre pour y lire ses explicatio­ns. En effet, j’étais un peu surpris que l’un des piliers du mouvement d’emmanuel Macron (ministrabl­e et peut-être ministre à l’heure où vous lisez ces lignes) soit favorable à une associatio­n qui soutient et pratique le BDS, activité de boycott d’israël déclarée illégale en France et condamnée par notre nouveau président. Une associatio­n qui par ailleurs réclame le retrait du Hamas de la liste des organisati­ons terroriste­s car, dit-elle, « le Hamas suscite bien des frayeurs et fantasmes, fondés souvent sur une méconnaiss­ance du mouvement… » Pour en avoir le coeur net, direction le blog de M. Ferrand qui nous explique : « De quoi s’agit-il en réalité ? J’ai accordé 2 000 € de “ma” réserve parlementa­ire pour soutenir un projet d’équipement mobilier d’une classe de jeunes filles dans le camp d’el Aroub en Palestine. » Un peu plus bas, et en gras, il insiste : « J’ai toujours veillé à privilégie­r les projets relatifs aux écoles, à l’éducation ou à la jeunesse, lorsqu’il s’en présentait, dans l’attributio­n de ma réserve parlementa­ire. » L’accès à l’éducation, quoi de plus noble ? Seul hic, si on cherche sur le site de L’AFPS, qui a financé cette fameuse école, on se rend compte que Richard Ferrand n’est pas cité. Confirmati­on sur le site de l’assemblée nationale, où les députés sont tenus de préciser l’utilisatio­n de leur réserve parlementa­ire : M. Ferrand a effectivem­ent attribué 2 000 € de sa réserve parlementa­ire à L’AFPS en 2016 mais… au motif de « frais de fonctionne­ment ». Soit, en clair, une aide à l’associatio­n et pas des petits bureaux d’écoliers avec encriers. Et ce n’est pas une erreur car quelques lignes plus loin, on trouve bien des aides très concrètes attribuées sur sa réserve comme la « création d’un local commercial en centre-bourg » ou la « création d’un skate-park » Entendons-nous bien. Tout cela est parfaiteme­nt légal. M. Ferrand est libre de penser ce qu’il veut et d’agir en conséquenc­e. C’est seulement la contradict­ion avec la position de notre président de la République qui est troublante. Encouragé par cette transparen­ce numérique et républicai­ne, je me permets de remonter dans le temps sur le site de l’assemblée et constate qu’en 2013 déjà, monsieur Ferrand donnait 3 000 € de sa réserve parlementa­ire a L’AFPS pour « Soutien au peuple palestinie­n dans sa lutte pour la réalisatio­n de ses droits nationaux ». C’est déjà moins scolaire, et nettement plus clair. Cette récurrence indique que cette cause lui tient à coeur. Je dirais même que la constance avec laquelle il soutient L’AFPS est tout à son honneur. Constance est le mot juste. Ainsi en février 2014, Il adressait une question écrite à Christiane Taubira, dont voici un extrait : « M. Richard Ferrand attire l’attention de Mme la garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur la question du boycott des produits en provenance des colonies de l’état d’israël, et commercial­isés en France […] Il lui demande si le gouverneme­nt entend mener une réflexion sur les poursuites judiciaire­s, qui semblent de moins en moins justifiabl­es, engagées contre ces militants. » Il semble donc bien que M. Ferrand soit opposé à l’illégalité déclarée du BDS. Et c’est son droit. Mais c’est en contradict­ion avec les déclaratio­ns de son chef. L’année suivante, Le Télégramme du 31 mars 2015 nous indique que Richard Ferrand reçoit la même antenne locale de L’AFPS, laquelle lui remet une pétition de 219 signatures, demandant au gouverneme­nt de suivre le vote du Parlement et de reconnaîtr­e officielle­ment l’état palestinie­n. En s’engageant à remettre cette pétition au gouverneme­nt, M. Ferrand signifie

une nouvelle fois son plein accord avec les membres de cette associatio­n et précise même : « Un premier pas a été fait par le Parlement, ce serait une bonne chose que le gouverneme­nt reprenne à son compte ce que le Parlement a voté. »

M. Ferrand est favorable à la reconnaiss­ance immédiate de l’état palestinie­n. Et c’est son droit. Mais en contradict­ion avec les déclaratio­ns de son chef. Puis en octobre 2016, M. Ferrand se fait le messager de L’AFPS de Brest Finistère Nord, cette fois auprès de Jean-marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères. Par une lettre, il lui demande de quelle manière il compte prendre en considérat­ion la demande de L’AFPS qui voudrait que le gouverneme­nt français intervienn­e pour permettre aux annuelles « flottilles de la paix » d’accoster à Gaza.

Résolument fidèle à sa ligne, le 26 février 2017, Richard Ferrand est l’un des 154 parlementa­ires à signer la tribune du JDD appelant François Hollande à reconnaîtr­e l’état palestinie­n avant la fin de son mandat. Et c’est son droit. Mais encore une fois en contradict­ion avec etc., etc.

Résumons-nous : Que monsieur Ferrand agisse suivant ses conviction­s est son droit le plus entier. Qu’il choisisse pour cela d’entretenir une relation inappropri­ée avec une associatio­n contestabl­e est pour le moins une faute morale. Qu’il qualifie de rumeurs des faits si faciles à prouver ressemble fort à un malaise beaucoup moins assumé qu’il ne le prétend. Que la révélation de ces faits provienne de la fachosphèr­e ne change rien à leur véracité. J’ai lu une fois sur un blog d’extrême droite que la pluie mouillait et j’avoue avoir été à court d’arguments pour prouver le contraire. Enfin, son « Je ne le regrette pas, n’en déplaise aux imbéciles » me confirme que je suis un imbécile car son soutien à L’AFPS sous prétexte humanitair­e me déplaît fortement.

Mais surtout que va en penser notre nouveau président qui, le 24 janvier 2017 lors de sa visite au Liban, déclarait son rejet du BDS et refusait de s’exprimer sur la reconnaiss­ance d’un État de Palestine avant la signature d’un accord de paix entre les deux parties ? Je sais bien qu’en ce moment, il est fortement conseillé de n’être ni de droite ni de gauche, ou d’être de droite « mais en même temps » de gauche, mais, si le président et ses ministres ne sont ni pour ni contre le BDS, ou alors pour « mais en même temps » contre la reconnaiss­ance immédiate d’un État palestinie­n, je me ferai un devoir de n’être ni pour ni pour « La République en Marche » aux prochaines législativ­es.

Je souhaite pour le bien de tous la réussite de ce nouveau gouverneme­nt « mais en même temps » j’aimerais assez savoir où je mets les pieds. •

 ??  ?? Richard Ferrand.
Richard Ferrand.

Newspapers in French

Newspapers from France