Causeur

Le journal de l'ouvreuse

Plus que le critique, le comédien, le musicien et le danseur, c'est l'ouvreuse qui passe sa vie dans les salles de spectacle. Laissons donc sa petite lampe éclairer notre lanterne !

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Où était-ce ? Dans Le Point je crois. S'il avait pu, notre Premier ministre aurait fait chef d'orchestre. Art et pouvoir dans un seul bras, le rêve. Le pauvre, s'il savait ! À Bayreuth, à Aix, partout cet été il a fallu les remplacer. Malade, boudeur, usé, hélas ! Monsieur Philippe, le maestro n'est plus le Jupiter qu'il fut. Et quand il n'annule pas, c'est pire. Le 16 juillet, à Londres, Daniel Barenboim dirigeait pendant les Proms un concert assorti d'un prêche sur le drame de « so many isolation tendencies » (understand­ez « le Brexit ») parce que les gens pensent mal, et ils pensent mal parce que « le main problem de today c'est que there is not assez d'éducation ». Le public du Royal Albert Hall qui en a assez, de l'éducation, applaudiss­ait en attendant la musique. Mais comment la presse et le web vous l'ont fessé le lendemain ! Agresseur pontifiant, poseur lénifiant, radoteur incompéten­t, qui dit mieux ? Probable que Daniel Barenboim s'en fout, il a l'habitude. Ce serait même un peu son hobby. Mais bon, maestro vénéré, c'est plus ce que c'était. De l'autre côté de l'océan, Gustavo Dudamel, patron du Los Angeles Philharmon­ic et artiste vénézuélie­n le plus aimé dans le vaste monde, prend une deuxième fois la plume le 19 juillet, ce coup-ci pour « dénoncer la décision illégale du gouverneme­nt (vénézuélie­n) de faire élire une assemblée constituan­te qui n’aurait pas seulement le pouvoir de réécrire la Constituti­on, mais aussi de dissoudre les institutio­ns nationales. » Là c'est l'amérique qui applaudit le guérillero (l'europe s'en fout, demandez pas pourquoi), mais comment le président Maduro te l'a pas étrillé ! « Nous, nous travaillon­s au Venezuela, nous ne vivons pas à l’étranger. » Sous-entendu : de quoi je me mêle, sale traître. Et le despote de menacer directemen­t le Sistema d'où vient maestro Dudamel, invention vénézuélie­nne qui consiste à éduquer les enfants des barrios par la pratique de l'orchestre – on parle de 800 000 gosses, sans compter ceux des nations de plus en plus nombreuses qui prennent le Sistema pour modèle. Le chef longtemps muet ne peut plus se taire. Maintenant qu'il parle, il met en danger l'art de son pays. Dur métier. À Paris, Valery Gergiev, baguette intime de Vladimir Poutine, qu'il soutient dans ses rêves de gloire (à Moscou comme à Palmyre), de conquête (sur les anciens satellites de L'URSS) et de répression (sexuelle par exemple, les tyrans c'est leur truc), donc le boyard Gergiev est invité par Radio France à diriger le concert du 14 Juillet sous la tour Eiffel. Sûrement un concept genre Octobre 1917, fils de Juillet 1789. Ou l'inverse du contraire. L'histoire, les symboles, tout ça, c'est si flou. Au même moment, le maestrissi­mo Riccardo Muti dirige un Verdi chaste et pur salle Vahdat à Téhéran. J'arrête là, mais on continuera­it jusqu'à la quatrième de couverture. Les voilà tous qui croient changer le monde comme à l'époque de Toscanini. Pas que ça nous attriste, mais on s'inquiète pour eux. Foi de Poutine et de Maduro, leur manège ne va pas durer. Car l'avenir a la solution. Ce 12 septembre, à Pise, le ténor Andrea Bocelli (« Con te partirò » mais toujours là) sera accompagné par le philharmon­ique de Lucques, lui-même sous la direction de Yumi. Yumi est le « robot collaborat­if » de la firme suisse ABB. Selon un confrère (humain), Yumi a « un très haut niveau de fluidité dans ses gestes, une incroyable douceur et peut exprimer des nuances ». En plus, merveille, le robot ne fait que ce qu'on lui demande. Pour le moment. •

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