Cinéma : la Nouvelle-nouvelle Vague
Le cinéma est une illusion d'optique inventée à la fin du xixe siècle par deux entrepreneurs lyonnais qui s'appelaient les « frères Lumière » – cela ne s'invente pas ! La suite, on la connaît : Méliès, Griffith, Eisenstein, Hitchcock, Dany Boon… Dernière péripétie en date, dans cette épopée à 24 images/seconde : l'algorithme qui prédit le succès d'un film d'après son scénario !
Vault, une start-up israélienne, claironne en effet partout qu'elle possède la martingale absolue : grâce au big data, elle sait déterminer à l'avance ce qui est susceptible de faire un carton plutôt qu'un bide. Sa promesse est simple : à partir de l'analyse mathématique d'un certain nombre de paramètres du scénario (thème, fréquence des effets spéciaux, types de personnages, etc.), elle peut prédire à 75 % d'exactitude la rentabilité d'un long métrage. Une offre attrayante, quand on sait qu'à Hollywood seul un quart des productions rentrent dans leurs fonds. Fini l'instinct, finie l'écriture, finie la littérature, finis les scénaristes légendaires et dépressifs qui ont fait la gloire du cinéma. Voici venu le temps de la machine ! Autre tendance de l'époque, parfaitement incompréhensible pour votre serviteur : le speed watching, visionnage en accéléré de films ou séries TV. Guettés par la boulimie d'images, certains jeunes multiplient par deux, voire trois, la vitesse de défilement de ce qu'ils regardent, afin de pouvoir ingurgiter un maximum d'images en un minimum de temps. Ce phénomène est suivi de très près par les studios. Faudrat-il que Daniel Craig coure plus vite dans le prochain James Bond ? Bientôt les images par injection intraveineuse ? Dans un esprit voisin, l'un des patrons de Netflix aux États-unis a révélé que la plateforme planchait avec les majors sur des montages (et re-montages) « spécifiques » des films et séries, pour les adapter aux écrans de téléphone. Il y aurait davantage de gros plans et les oeuvres seraient drastiquement raccourcies. On craint par avance la version smartphone de 2001, l’odyssée de l’espace, de Kubrick, réduite à cinq minutes, à voir fiévreusement en accéléré, entre deux stations de RER.
Dans un célèbre article sur le cinéma, publié à la NRF dans les années 1930, Malraux terminait sa longue démonstration esthétique sur le 7e art en ces termes : « Par ailleurs, le cinéma est une industrie. » Terminons donc cette mélancolique et modeste mélopée-ci en paraphrasant André : « Par ailleurs, le cinéma redeviendra peut-être un jour un art… »