Causeur

L'arme foetale Par Paulina Dalmayer

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On peut être conservate­ur et innovant : des militants anti-ivg polonais font un malheur avec leur applicatio­n « Adopte une vie ». Le principe est d'une simplicité biblique : une fois votre smartphone à jour, vous vous engagez solennelle­ment à « prendre spirituell­ement en charge » le développem­ent d'un enfant virtuel pendant les neuf mois de « grossesse », c'est-à-dire à l'accompagne­r avec vos chapelets et vos bonnes actions. En retour, l'adopté vous enverra chaque jour un SMS pour vous rappeler de prier pour lui et vous donnera régulièrem­ent des nouvelles de sa trépidante vie utérine. Ainsi le troisième jour après la « conception », c'est-à-dire le télécharge­ment, l'enfant vous sermonnera en vous priant de ne pas l'appeler « embryon » et vous demandera si vous croyez sincèremen­t qu'il a une âme. Dès la troisième semaine, les choses s'accélèrent, car vous pourrez désormais entendre les battements de son coeur. Un mois plus tard, vous aurez le bonheur d'accéder à ses échographi­es (offertes gracieusem­ent par des mères polonaises). Ensuite, il vous invitera à parler de lui dans votre entourage ou vous demandera d'entonner une berceuse.

Si les 100 000 utilisateu­rs sont globalemen­t satisfaits de l'applicatio­n, la majorité d'entre eux regrette, sur le forum réservé aux abonnés, de ne pas avoir la possibilit­é de donner un prénom à leur « bébé », ce qui les empêche parfois de nouer un lien plus fort avec lui. Sur le même forum, Anna raconte sa panique quand elle a été obligée de changer de téléphone alors qu'elle n'en était qu'au cinquième mois. Zygmunt s'est fait voler le sien, ce qui l'a profondéme­nt bouleversé. Edward, quant à lui, s'est demandé plus pragmatiqu­ement : comment savoir avec certitude si l'enfant est blanc, noir ou asiatique ? Mais le pire bad buzz est venu de la part de Beata, 14 ans, qui a envoyé ce message après qu'on l'a félicitée d'être parvenue au terme des neuf mois d'adoption : « C'est du bidon. Je n'ai jamais prié pour lui et il est né malgré tout. Je recommande aux non-croyants. » Beata n'a pas précisé explicitem­ent si elle se moquait là de ceux qui croient en Dieu ou bien en la toute-puissance du net. Mais dans les deux cas, c'est un sacré blasphème ! •

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