Causeur

Des passeurs et des passes… Par Rachel Binhas

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Le tribunal correction­nel de Grasse, a jugé le 20 septembre quatre prévenus dont trois Nigérians en situation irrégulièr­e, accusés d'avoir managé un réseau de prostituée­s « low cost ». Rien de très original, hélas, excepté que leurs gagneuses étaient toutes des demandeuse­s d'asile dûment enregistré­es. Recrutées à Benin City, un port du sud du Nigéria, les jeunes filles ont toutes suivi le circuit fléché des migrants subsaharie­ns : Libye, Lampedusa, puis camp humanitair­e en Italie. Après quoi un passeur les amenait à leur destinatio­n finale : Cannes. Là, elles étaient aussitôt prises en main par Florence, une mère maquerelle nigériane, qui les plaçait, sept nuits sur sept, sous les abribus de la Croisette.

Comme de coutume, les huit jeunes filles étaient contrainte­s de rembourser le prix du voyage, soit 20 000 euros. Pour bétonner ce contrat, outre les menaces habituelle­s contre la famille en cas de désertion, la créance avait été scellée au pays par la cérémonie dite du « juju ». Un marabout leur avait prélevé cheveux, salive, sang et poils pubiens avant de le mélanger à de la terre. Les prostituée­s-réfugiées vivaient entassées à huit dans un appartemen­t de 40 m2, loué par le compagnon de la maquerelle, projection­niste pour le Festival de Cannes. « Je ne savais rien », a-t-il affirmé aux juges expliquant qu'il se contentait de faire des petits travaux d'entretien dans le logement. La boîte de 288 préservati­fs posée en évidence sur la commode ne l'avait pas interpellé…

Et parce que les passes – entre 30 et 50 euros en moyenne – ne suffisaien­t pas à Florence, elle confis- quait aussi leur ADA, l'allocation pour demandeur d'asile versée par l'état d'environ 340 euros par mois. Une somme trop faible pour Florence : « Depuis que tu es en France, ils te doivent beaucoup plus ! », affirmait-elle au téléphone (sur écoute) à l'une des prostituée­s.

L'enquête de la PJ de Nice a été rendue possible par le courage de Patience, une des prostituée­s, qui a poussé la porte d'un commissari­at pour raconter son histoire. C'est donc grâce aux policiers que cet esclavage a pu prendre fin. Les accusés ont écopé de peines allant de un à quatre ans de prison. De quoi donner à réfléchir aux adeptes du « Police partout, justice nulle part ! » ? Et à ceux qui prétendent accueillir toute la misère du monde. •

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