À QUAND LE PRÉSERVATIF JURIDIQUE ?
Faute de pouvoir câliner sa prochaine en présence d'un huissier, comment éviter qu'un flirt finisse au tribunal ?
On se souvient de la campagne en faveur de l’usage des préservatifs dans les rapports sexuels de toutes natures pour éviter la propagation des MST, dont le redoutable sida. « Sortez couverts » était le slogan, assez bien trouvé, d’une action nécessaire de santé publique.
Les derniers événements survenus dans le sillage de l’affaire Harvey Weinstein, et particulièrement le déchaînement du « délathon » (autre formule faisant mouche produite par l’agence Élisabeth Lévy Conseil, promise à un destin qui rendra jaloux Stéphane Fouks) rend indispensable la mise au point d’une nouvelle protection des acteurs de la grande scène de la rencontre sexuelle postmoderne.
Il ne s’agit plus seulement d’éviter de mettre sa vie, et celle de ses partenaires de jeux érotiques, en jeu par insouciance ou perversion, mais de se garantir dans la durée contre d’éventuelles mises en cause publiques infondées par celle (ou, plus rarement, celui) avec qui vous avez entretenu, furtivement ou non, des relations intimes.
Si l’on part du principe que tous les mâles de l’espèce humaine ne sont pas des sus scrofa domesticus – en dépit, paraît-il, d’une certaine proximité génétique
avec cet animal –, il convient de donner aux gentlemen des moyens de se défendre contre la calomnie, qui peut frapper n’importe qui. Beaumarchais, puis Rossini, a jadis évoqué ce phénomène avec un talent certain…
Dans le cas de figure qui nous préoccupe aujourd’hui, on se trouve dans une situation de « parole contre parole ». Sur quoi va donc se fonder l’opinion, c’està-dire vous et moi, pour trancher entre la balance et le balancé, le présumé harceleur et la présumée victime d’agression sexuelle ? Testis unus, testis nullus (« un seul témoin, pas de témoin »), cet axiome juridique romain qui a longtemps perduré dans notre droit est aujourd’hui battu en brèche par l’idée que la parole de la présumée victime vaut plus que celle du présumé coupable. La balance de sexe féminin est créditée d’une présomption de véracité de ses dires, ce qui ne suffit pas, heureusement, à faire embastiller d’office le malheureux mis en cause, mais peut lui créer de sévères dommages en matière de réputation, voire être la cause de sa ruine matérielle et morale.
Comment sortir de cette impasse qui ouvre la voie à tous les abus ? Jusque-là, le contrat amoureux et/ ou sexuel restait d’ordre strictement privé, et n’était soumis à aucune intervention des autorités civiles ou religieuses si les protagonistes n’entraient pas dans la voie de l’officialisation de leurs liens par le mariage, ou le pacs. Il faut donc d’urgence inventer le « préservatif légal », qui protégera les amants d’un soir, d’une semaine ou d’un an des risques liés à la versatilité des sentiments humains. Cela pourrait se faire par un « contrat amiable d’entrée en relation sexuelle », semblable au « constat amiable » d’accident automobile, où les rencontres produisant de la tôle froissée ne dégénèrent pas en affrontement physique ou judiciaire, mais se règlent civilement entre personnes de bonne foi.
Le cadre de cette relation sera alors défini en commun en cochant les cases prévues à cet effet, allant dans les moindres détails de l’accord, y compris concernant des pratiques que la décence m’interdit d’évoquer dans un magazine de bonne tenue. Pas question, après coup, que l’un ou l’autre maquille le formulaire après avoir, par ruse ou par force, contraint la partenaire à des actes auxquels elle n’aurait pas explicitement consenti. Elle possède un double du contrat, qui pourra être opposé au tricheur. On m’objectera que cette paperasserie précoïtale file un rude coup au romantisme de la rencontre amoureuse, qui a nourri deux millénaires de littérature mondiale, mais on pourra se consoler en estimant que l’établissement du contrat peut pimenter des préliminaires que certains goujats, particulièrement des jeunots, ont tendance à zapper un peu vite. •