L'indigénisme, combien de divisions?
Dans un mouvement politique, il y a souvent une coupure entre la minorité agissante et la base sympathisante, politiquement moins aguerrie. Dans le cas de l'indigénisme, néanmoins, c'est l'existence même de la base qui est sujette à caution. « Les réunions non mixtes de L’UNEF ne répondent à aucune demande identifiable des étudiants, commente un dirigeant du syndicat concurrent, la FAGE. C’est une initiative de leur bureau national. » Pour la FAGE, la démarche reste incompréhensible, sur le fond comme sur le plan tactique. « De notre point de vue, elles vont leur coûter des voix dans les facultés. » Mi-février 2018, après des mois de battage médiatique et de polémique, la page Facebook du camp décolonial de Reims interdit aux Blancs, organisé à l'été 2017, comptait seulement 2 922 followers. Cent fois moins que celle de l'association Égalité et réconciliation du polémiste honni Alain Soral, fermé par Facebook en décembre 2017, pour incitation à la haine (288 000 followers). Le Parti des indigènes de la République, qui existe depuis treize ans, n'a aucun élu. Les rares listes qui s'en disaient proches ont essuyé des revers humiliants aux municipales de 2014, même dans les communes a priori les mieux disposées (4,67 % au premier tour à Bondy). Aux antipodes du mouvement pour les droits civiques américain des années 1950 et 1960, qui mobilisait des centaines de milliers de Noirs issus des classes populaires, la mouvance indigéniste et décoloniale semble formatée par des diplômés, pour des diplômés. On pourrait même ajouter : des diplômés employés dans le public, car les théoriciens du décolonialisme sont très majoritairement fonctionnaires ou contractuels de la fonction publique. Ce qui explique peut-être leur discrétion sur une authentique discrimination : les 4,4 millions d'emplois de fonctionnaires français et le million d'emplois des professions « réservées » quasiment inaccessibles aux étrangers, même européens... •