Causeur

Musulmans de France: la désintégra­tion

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Pour les besoins de notre dossier, nous avions sollicité un jeune et brillant universita­ire spécialist­e de l'islam de France, notamment de ses courants salafistes. Mais étant en pleine rédaction de son prochain essai, il a préféré s'exprimer sous couvert de l'anonymat. Depuis les attentats, le chercheur constate « une volonté d’invisibili­ser son appartenan­ce au salafisme » de la part des plus zélotes qui craignent « d’attirer l’attention et de se faire ennuyer par les autorités ». Chez la majorité des Français musulmans, il observe un mouvement de désaffilia­tion commun à toutes les sociétés individual­istes modernes que Marcel Gauchet a si bien décortiqué. En gros, le musulman de base se reconnaît de moins en moins dans une organisati­on structurée – type UOIF ou Frères musulmans – et ne s'engage que ponctuelle­ment, donnant de son temps (et de son argent) pour des projets concrets tels que la constructi­on de mosquées, d'écoles et autres actions philanthro­piques. Ne nous y trompons pas : « les associatio­ns musulmanes ont toujours le vent en poupe parce qu’elles bénéficien­t du soutien financier d’une bonne partie de la communauté », quand bien même elles ont perdu leur capacité mobilisatr­ice de jadis. La chute de la maison Ramadan et le déclin progressif de L'UOIF, dont la revendicat­ion d'un « islam à la française » parle peu aux enfants d'immigrés de troisième ou quatrième génération, accentuent ce processus de désintégra­tion. À l'islam paisible de papa puis à l'engagement structuré de la deuxième génération a succédé un essaim 2.0 « de butineurs sur Youtube et les réseaux sociaux, qui consomment un peu de Tariq Ramadan, un peu de prêcheurs salafistes, un peu d’idéologie djihadiste » pour en sortir un gloubiboul­ga indigeste. On souhaite bien du courage aux futurs gardiens de la ruche. • D.B

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