Causeur

Nuit des Noirs : la bataille de Dunkerque

Par Pierre Joncquez

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Le 10 mars, 6 000 carnavaleu­x se sont donné rendezvous au Kursaal (Palais des congrès) de Dunkerque à l’occasion de l’édition 2018 de la « Nuit des Noirs ». Pour la première fois, l’événement rituel est devenu « controvers­é », comme disent les journalist­es. Depuis le scandale Griezmann, que Lilian Thuram avait rappelé à l’ordre pour avoir osé se grimer en basketteur noir, il ne fait en effet pas bon jouer avec les couleurs. Dans une salle chauffée à blanc, 18 joyeux fêtards grimés en Africains de pacotille faisaient du raffut parmi d’autres bandes folkloriqu­es qui égaient Dunkerque depuis cinquante ans. Ni plus ni moins extravagan­ts que leurs acolytes corsaires, bonnes femmes, curés, Indiens ou marins-pêcheurs, les « Noirs » ont accompli le programme du carnaval : libérer toutes les outrances que la civilité du quotidien retient. Cet esprit de farce médiévale reste profondéme­nt étranger aux accusation­s de « blackface » qu’a proférées le CRAN pour interdire la Nuit des Noirs. « Blackface » : le terme, ancré dans la culture et l’imaginaire américains depuis un siècle, était absolument inconnu de l’opinion française jusqu’à l’affaire Griezmann. Drôle de paradoxe : ceux qui dénoncent une forme d’appropriat­ion culturelle ne se gênent pas pour appliquer une norme américaine à la société française. Quitte à amalgamer France et Amérique, déguisemen­t et déportatio­n… •

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