Creuse : les hipsters sont dans le pré Par François-xavier Ajavon
Dans son dernier recueil de poèmes Configuration du dernier rivage, Houellebecq fait un éloge amoureux de la Creuse. Il voit ce pays comme un « best of d’arbres remarquables », et chante tout à la fois la « magnificence des tilleuls dans le soir de juin » et « l’étrange ambiance sexuelle entretenue par les serveuses du château Cazine ». On le comprend : ce département mal-aimé est le véritable joyau du Massif central. Mais chut, il ne faut pas le répéter, cela encouragerait le déferlement insupportable des bobos en bermuda ! Le phénomène a d'ailleurs commencé. On annonce l'inauguration de la première étable en forme de yourte construite en France. Venu des Pays-bas, ce concept permet aux animaux de rompre leur isolement cruel grâce à la forme circulaire des lieux. Pour l'inauguration, le promoteur de l'opération a même convoqué des food-trucks ! La hipstérisation des esprits ne s'arrête pas là. Avec le flux continu de néoruraux passés de la pub au fromage bio ou à la chambre d'hôte, les Creusois voient apparaître des phénomènes surnaturels tels que l'organisation d'une course en auto-stop. La « Mad Jacques », dont la ligne d'arrivée se trouve dans le charmant petit village creusois de Chéniers, opposera des casse-cou adeptes de ce sport extrême qui consiste à lever le pouce en regardant passer les voitures. Le tableau ne serait pas complet s'il n'y avait pas, comme dans toute émission de télé-réalité qui se respecte, des « activités » à réaliser : « On a des défis qu’on peut faire n’importe où, comme chanter Frère Jacques avec un des conducteurs, ou faire un chifoumi avec un agent installé à une barrière de péage », explique l'organisateur à nos confrères de La Montagne. Il va de soi que le paisible village se transformera ensuite en « dance floor », sous la Lune éternelle avec l'installation d'un « toboggan aquatique géant ». Ce mélange des passions de l'autostopisme, du bruit et de la convivialité festive promet une grande célébration païenne. Pourvu qu'on trouve la place de mettre un food-truck !•