Causeur

Georges Bensoussan « La condition juive en terre arabe s'est dégradée avant le sionisme. »

Importé dans les bagages culturels d'une partie de l'immigratio­n maghrébine, l'antisémiti­sme des banlieues se nourrit souvent d'une haine de la France. Pour l'avoir diagnostiq­ué, l'auteur des Territoire­s perdus de la République, Georges Bensoussan, s'est

- Propos recueillis par Daoud Boughezala, Élisabeth Lévy et Gil Mihaely

Causeur. Dans le procès que vous intentaien­t le CCIF et plusieurs associatio­ns avec le soutien du parquet, la cour d'appel a confirmé le 24 mai le jugement de première instance et vous a relaxé, estimant que vos propos sur « l’antisémiti­sme tété avec le lait de la mère » ne visaient pas l'ensemble de la communauté musulmane. Cette décision prouve-t-elle que votre combat contre le déni est en partie gagné ? Georges Bensoussan. On peut voir là, en effet, le verre à moitié plein. Mais après deux ans de procédure et deux procès, considérer comme une victoire le fait de reconnaîtr­e qu’il fait jour à midi m’est difficile. Disons que l’on a empêché une défaite. L’essentiel reste la tenue de ces procès, qui demeure comme une tache en dépit des deux relaxes. Parce qu’à deux reprises, en effet, le parquet a donné suite au harcèlemen­t judiciaire des islamistes, qui vise à nous intimider, à nous épuiser et in fine à faire taire ceux qui seraient tentés de parler. Comment voir là une victoire ? Chez beaucoup d’entre nous demeure, outre l’amertume, l’inquiétude devant l’effondreme­nt des défenses politiques et intellectu­elles du pays.

Tout de même, sur le front de l'antisémiti­sme, les tragédies les plus récentes – les assassinat­s de Sarah Halimi et de Mireille Knoll – ont suscité une mobilisati­on de plus en plus large, jusqu'au « manifeste des 300 » publié fin avril par Le Parisien-aujourd’hui en France. Comme le dit en substance Élisabeth de Fontenay, les juifs ne sont plus les seuls à voir ce qui leur arrive et à s'en inquiéter. Bref, cet antisémiti­sme qu'on qualifie encore de « nouveau » près de vingt ans après son émergence, est connu de tous…

Assurément, nous ne sommes pas dans le même déni qu’en 2002, lorsque nous avons publié la première édition des Territoire­s perdus de la République, ni même qu’en 2012, après les attentats de Merah. Pour autant, la vérité sur cet antisémiti­sme n’a toujours pas droit de cité tant plusieurs forces oeuvrent en faveur du déni dans une partie du milieu médiatique et intellectu­el, y compris chez certains intellectu­els juifs qui ont compté parmi les opposants les plus farouches au manifeste du 22 avril. L’autre composante du front du déni, c’est l’extrême gauche classique pour laquelle l’immigré a joué le rôle de prolétaria­t de substituti­on.

Même avec sa composante juive, l'extrême gauche, ça ne fait pas une majorité…

Certes, mais au-delà du déni, on ne devrait pas négliger le rôle de l’indifféren­ce. En début d’année 2018, un sondage interrogea­it nos concitoyen­s sur le départ d’un certain nombre de juifs de France. Plus de 60 % des sondés s’y déclaraien­t indifféren­ts, une petite minorité s’en réjouissai­t, un gros tiers le déplorait.

L'indifféren­ce n'est-elle pas, après tout, la preuve de l'intégratio­n, le signe que les juifs sont considérés comme des Français comme les autres ?

S’ils partent en tant que « Français comme les autres », vous avez raison. Mais s’ils partent « en tant que juifs », quel qu’en soit le motif, alors cela signifie qu’un divorce est en cours.

Vous exagérez ! La vieille histoire entre les juifs et la France a traversé des périodes autrement tourmentée­s.

Mais je n’ai pas le moindre doute sur le fait qu’une partie des juifs restera et que les notables israélites, comme à l’accoutumée, tireront leur épingle du jeu ; demeurant toujours aussi discrets dans la défense de leurs congénères depuis l’affaire Isidore Cahen, en 18491, jusqu’à l’affaire Dreyfus. Pas de vagues : c’est le leitmotiv de cette grande bourgeoisi­e depuis deux siècles. C’était déjà vrai lors de la révolution de 1848…

Vous exagérez ! De Neuilly à Sarcelles, la rue juive est plutôt remontée. Et plutôt d'humeur à faire des vagues.

Je ne parle pas du « judaïsme de Neuilly », mais de ces vieilles élites israélites qui contrôlent depuis longtemps les institutio­ns cruciales de cette communauté. La nouvelle bourgeoisi­e juive, elle, au contraire, nous a soutenus dès l’époque des Territoire­s perdus. Roger Cukierman, puis Richard Prasquier, qui se sont succédé à la présidence du CRIF, ont défendu notre livre jusqu’à le faire distribuer au dîner annuel de 2004, je crois. →

Et dans votre procès pour incitation à la haine raciale (et toujours en cours puisque vos adversaire­s, déboutés deux fois, se pourvoient en cassation), avez-vous été soutenu par les institutio­ns juives ? Au commenceme­nt de l’affaire, fin 2015, le grand rabbin Korsia a signé la pétition initiée par Jacques Tarnero, Yves Ternon et Pierre-andré Taguieff. Et l’année suivante, en 2016, Joël Mergui, président du Consistoir­e m’a demandé d’intervenir dans plusieurs communauté­s. Ailleurs, en revanche, cela a été silence radio, on a opté pour cette « prudente neutralité », antichambr­e de toutes les défaites. Ailleurs, c'est où ? Et pourquoi ce silence ? Pour le mémorial de la Shoah, l’institutio­n pour laquelle je travaille depuis 1992, j’étais devenu peu recommanda­ble. Mes propos « islamophob­es » avaient selon eux heurté une population des banlieues qu’il ne fallait pas effarouche­r. Comme il ne fallait pas non plus effarouche­r la puissance publique, ellemême effrayée à l’idée de heurter ces milieux, on m’a interdit en catimini de dispenser des formations aux magistrats, aux policiers et bientôt à la plupart des enseignant­s français. En revanche, je gardais toute liberté de dispenser mon enseigneme­nt sur la Shoah au fin fond du Portugal ou en Lituanie. À plusieurs reprises, semble-t-il, la direction du Mémorial aurait reçu des courriels de militants « antiracist­es » liés à l’extrême gauche et au mouvement animé par Laurence de Cock, celle-là même qui est à l’origine de toute cette affaire, car elle a initié trois jours après l’émission de France Culture la pétition demandant à mots couverts ma mise à l’écart du Mémorial. Comment le « raciste » que j’étais pouvait-il continuer à dispenser un tel enseigneme­nt ? Par les courriels évoqués plus haut, l’extrême gauche, pourtant si morale, demandait donc mon « interdicti­on profession­nelle ». De fait, la dénonciati­on de cet antisémiti­sme concentré dans une partie de la jeunesse arabo-musulmane indispose, dérange ou enrage. Mais venons-en au phénomène lui-même. Où en est-il aujourd'hui ? Et est-il essentiell­ement lié au conflit au Moyenorien­t ? C’est ce que je croyais avant d’avoir commencé mes recherches, en 2004, sur les racines du départ d’environ un million de juifs du monde arabe en à peine une

«L'ethnicisat­ion du nationalis­me arabe à partir des années 1920 a exclus les juifs de la "nation arabe".»

génération­2. Semaine après semaine, dans les dépôts d’archives à Paris, en province et à l’étranger, j’ai alors découvert la réalité d’une condition juive en terre arabe dégradée bien avant l’apparition du mouvement sioniste. C’était dans la condition juive elle-même qu’il fallait chercher les racines du départ. Et dans un antijudaïs­me, souvent violent, mais dont la matrice était, pour partie, différente de celle de l’antijudaïs­me chrétien. Et qui s’était aggravé avec le conflit en Palestine à partir d’août 1929.

Pourtant, tout le monde a entendu raconter des souvenirs de cohabitati­on pacifique entre Arabes et juifs séfarades. Il n'y a pas que du mythe dans l'idée qu'ils ont vécu ensemble…

Vécu ensemble, qui le nierait ? Proximité culturelle entre ces deux groupes ? À l’évidence. Pour autant, en quoi est-ce là synonyme de conviviali­té, de respect et de paix ? On oublie que la mémoire est socialemen­t stratifiée, et que le souvenir lénifiant du « bon vieux temps » est corrélé, entre autres, à la mémoire des couches bourgeoise­s qui imposèrent longtemps leur seul récit. D’autre part, traduire cette conviviali­té, fort mesurée d’ailleurs, en relation d’égalité, c’est commettre un contresens : il n’y eut jamais d'égalité du Juif dans le regard arabe. Or, dès qu’il s’agit de ce sujet, les esprits s’enflamment. Certains historiens américains, en particulie­r, multicultu­ralistes convaincus, glissent de la conviviali­té à la « fraternité » en oubliant le poids de l’antique dhimmitude et de l’enseigneme­nt coranique… Une thèse qui plaît dans les salons de la gauche française, mais qui est de bout en bout une constructi­on idéologiqu­e, la défense d’un modèle multicultu­rel (l’idéal du « vivre-ensemble »), qu’ils projettent sur l’histoire du Maghreb colonial comme sur l’histoire française récente.

En faisant des juifs d'algérie des citoyens français, le colonisate­ur n'a-t-il pas empêché qu'ils soient perçus comme des égaux par leurs voisins arabes ?

Avant la colonisati­on, pouvez-vous me dire à quel moment les « voisins arabes » ont-ils considéré les juifs comme des égaux ? L’antisémiti­sme maghrébin est antérieur à la colonisati­on française comme au décret Crémieux. Et si ces juifs étaient de « culture arabe », l’ethnicisat­ion du nationalis­me arabe à partir des années 1920 les a exclus de la « nation arabe ». Ces dix dernières années, j’ai consacré un long temps de recherche à ces sujets ; et deux livres. Ce passé est aussi mon histoire. Pour autant, un haut responsabl­e du Mémorial3 déclarait récemment de moi (en privé) que, « séfarade complexé » (sic), j’avais pris pour cette raison le pseudonyme ashkénaze d’emmanuel Brenner. Qu’un tel propos, subtil alliage de mépris de classe et de racisme sibyllin, puisse émaner d’un dirigeant d’une institutio­n aussi importante sur le plan de la transmissi­on des valeurs en dit long sur ces non-dits qui structuren­t l’inconscien­t de toute société humaine et qui ressurgiss­ent à l’occasion de « crises », comme l’a été mon « affaire ». Mais pour le comprendre, il faut faire un bref retour à la mémoire de la guerre d’algérie. Le désaccord politique était alors important entre une partie des juifs de métropole, proches d’une gauche de sensibilit­é « communisan­te », et des juifs d’algérie souvent qualifiés, mais à tort, de « pieds-noirs ». Ce clivage, aujourd’hui dépassé, ressurgit pourtant, parfois, au sein de certains cénacles où l’on continue discrèteme­nt à tenir le juif d’afrique du Nord comme un primaire inculte, sinon abruti (le « Dupontlajo­ie » de la communauté juive), mais aussi comme un raciste anti-arabe de type « petit Blanc colonial ». Et si, comme moi, certains parmi ces juifs originaire­s du monde arabo-musulman se penchent sur ce que fut la condition de dhimmi, ils seront vus, là encore, par certains, avec suspicion, l’un ironisant sur leur simplisme (« ils essentiali­sent ! »), tel autre les accusant carrément de racisme (« ils sont anti-arabes ! »). Cette fois, le juif d’afrique du Nord n’est plus simplement un imbécile inculte, il est aussi un salaud. En effet, alors qu’il « vivait heureux et protégé par l’islam », il avait pris le parti du colonisate­ur, du décret Crémieux à l’alliance israélite universell­e, trahissant les musulmans, ses « protecteur­s » de toujours. Ce sont ces mythologie­s internes au monde juif, où la puérilité le dispute à l’ignorance, qu’il s’agit de déconstrui­re.

Comment cet antisémiti­sme musulman s'estil exporté dans nos banlieues ?

L’antijudaïs­me culturel venu du Maghreb (et pas seulement islamique) a été importé dans les bagages d’une partie de cette immigratio­n. Il a souvent été aggravé par le choc de l’acculturat­ion et de la déstructur­ation de la société traditionn­elle quand l’image de l’homme et du père, au bas de l’échelle sociale, a connu un véritable déclasseme­nt, accéléré par le chômage. Elle a encore été plus entamée par le choc d’une modernité dont l’émancipati­on des filles (et la meilleure réussite scolaire d’une partie d’entre elles) fut l’illustrati­on. De là, une focalisati­on du ressentime­nt sur « la France » et sur « les juifs » dont la réussite, réelle ou fantasmée, est apparue à certains comme une « injustice » supplément­aire et un affront fait aux antiques hiérarchie­s.

Tous ceux qui voient leur père perdre son emploi et ne réussissen­t pas à l'école ne

deviennent pas antisémite­s !

Dans « une partie » de l’immigratio­n venue du Maghreb, le terreau antijuif était déjà là, fertile, et les témoignage­s en ce sens sont désormais nombreux, d’amine El Khatmi à Saïd Ben Saïd et à Zineb El Rhazoui. Vous devez tenir compte de la longue mémoire historique qui nous porte et qui nous parle à notre insu tant que nous ne la décryptons pas. C’est pourquoi il n’y a là aucun déterminis­me, mais tout au contraire un appel à l’intelligen­ce critique pour passer de l’hérédité à l’héritage assumé. À la suite de Lewis, Fenton, Littmann, Stillman, Hirschberg et quelques autres, nous savions que l’image courante des juifs dans le monde arabo-musulman était celle d’êtres peureux et sans importance, plus méprisés souvent que véritablem­ent haïs. Même élevé socialemen­t, le Juif demeurait mentalemen­t un dhimmi, quand bien même ce statut juridique avait disparu. En France, où la communauté juive, majoritair­ement issue d’afrique du Nord, occupe souvent des positions sociales confortabl­es, ce « renverseme­nt » de situation renforce la frustratio­n et ce fameux sentiment d’« humiliatio­n » que seule l’anthropolo­gie culturelle (décriée comme une « nouvelle forme de racisme ») permet d’entendre. Un antijudaïs­me couplé, dans « une partie » de cette immigratio­n d’origine algérienne, à un sentiment antifrança­is.

Pourquoi ce sentiment a-t-il perduré chez des Algériens de la deuxième ou la troisième génération ?

La colonisati­on française en Algérie et, a fortiori, la guerre de décolonisa­tion furent brutales. Elles ont laissé des souvenirs douloureux, transmis de génération en génération. De là, souvent, dans certaines familles au moins, cette double injonction, psychiquem­ent déstabilis­ante, à l’endroit de l’intégratio­n : réussir, mais « sans ressembler aux Français ». Ces réalités, connues (cf. Philippe Bernard, Michèle Tribalat), demeurent peu entendues. Proust était fin sociologue quand il notait dans la Recherche que « les faits ne pénètrent pas dans l'univers de nos croyances ».

Face à l'assimilati­on des juifs à la France, une contre-culture de banlieue s'est constituée. Des Constantin­ois, des Oranais, des Kabyles, des Arabes, des Marocains, des Tunisiens se sont fondus dans le grand ensemble qu'on appelait les « Beurs » au XXE siècle. L'antisémiti­sme est-il le ciment identitair­e d'une « beuritude » made in France ?

L’affaire Ilan Halimi, en 2006, nous a appris que l’antisémiti­sme n’était pas seulement un « code culturel », mais désormais, dans nombre de nos banlieues, un « code culturel d'intégratio­n ». Les tortionnai­res d’ilan Halimi étaient d’origines diverses, tout un petit monde soudé par la haine du « Juif », tel un nouveau « mode d’intégratio­n » dont le parler « antifeuj » était devenu la langue. Le Juif était redevenu cet élément étranger dont la haine qu’on lui voue permet de faire société. En 2002, des professeur­s nous rapportaie­nt ces expression­s entendues dans leurs classes, « gomme feuj » ou « stylo feuj » (hors d’usage). En 1978, dans son beau livre L'établi, Robert Linhart expliquait que chez son ami marocain, Ali, employé comme lui aux chaînes de montage des 2CV chez Citroën, « juif » voulait dire « quelque chose qui est mal fait ». Sans la prise en compte de ces matrices culturelle­s, il n’est pas d’analyse possible des faits sociaux.

Si l'on en croit les travaux scientifiq­ues, une grosse minorité (30 %) de Français musulmans est tentée par la sécession culturelle qui comporte généraleme­nt l'antisémiti­sme. Cela signifie que 70 % sont acculturés aux valeurs françaises…

Pensez-vous vraiment que les bolcheviks étaient majoritair­es dans l’« opinion russe » en 1917-1918 ? Ou les fascistes italiens lors de la « marche sur Rome » en octobre 1922 ?

N'espérez-vous pas un sursaut des élites musulmanes ?

En février 1994, à Hébron, un activiste juif, Baruch Goldstein, tue 28 musulmans dans une mosquée de la ville au nom de sa conception particuliè­re de la foi de ses pères. Des Israéliens, en masse, descendent alors dans les rues du pays pour crier : « Pas en notre nom ! » Merah, Nemmouche, les frères Kouachi, Coulibaly, Bouhlel et les autres ont dit tuer « au nom de l’islam ». Pourquoi les musulmans de France, à l’instar des Israéliens de 1994, ne sont-ils pas descendus dans la rue pour crier : « Pas en notre nom ! » puisque ces assassins se revendiqua­ient d’une foi qui leur est commune ? Fin juillet 2016, des intellectu­els et notables français, d’origine maghrébine pour beaucoup, publiaient dans le JDD une belle tribune contre les attentats islamistes. Mais dans leur liste des victimes, ils oubliaient malencontr­eusement les victimes juives de Merah et de l’hypercache­r. Après qu’on le leur eut fait remarquer, ils répondiren­t que cela « n’était pas significat­if » et refusèrent, comme on le leur suggérait, de publier un manifeste corrigé.

D'accord, mais après le manifeste du Parisien, 30 imams ont reconnu, dans une tribune du Monde, l'existence de l'antisémiti­sme qui gangrène une partie de « leur » jeunesse.

«L'élite des centres-villes abandonne d'un même mouvement la minorité juive et la "France périphériq­ue".»

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Mellah (quartier juif) de Fès, après les journées sanglantes de mars 1912 : 42 juifs furent massacrés par des soldats marocains, dans les émeutes ayant suivi la signature du traité de Fès.
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