Causeur

Entre revenus du patrimoine et patrimoine, l'état a choisi.

- Par Jonathan Siksou

Si la « flat tax » sur les placements financiers est un coup de pouce pour les actionnair­es, elle s’avère être un coup de poing contre le patrimoine. Et il pourrait avoir du mal à s’en relever. Prenons l’exemple du propriétai­re d’un monument historique (MH), qui perçoit par ailleurs 100 000 euros de dividendes par an. Il pouvait, en réinvestis­sant cette somme dans les travaux d’entretien de son domaine, la déduire de sa déclaratio­n. Ce revenu n’était donc pas imposable et permettait de maintenir vivant un témoin de notre passé. Mais plus soucieux de production économique que de patrimoine historique, le gouverneme­nt a décidé de taxer à hauteur de 30 % les dividendes, quelle que soit leur ampleur, en supprimant toutes les déductions fiscales. Notre actionnair­e amoureux de vieilles pierres paiera donc 30 000 euros d’impôts, mais devra mettre de sa poche pour restaurer sa toiture classée. Une « aberration », pour Renaud de Châtillon, ancien membre du conseil général des Mines à Bercy (à l’origine de l’élaboratio­n du texte), aujourd’hui retraité. En imaginant la première ébauche de cette loi, il ne pensait pas qu’elle serait remaniée au point de pénaliser les propriétai­res de monuments historique­s. « Il y avait jusquelà un fléchage de l'état disant “je choisis que votre argent aille en direction du patrimoine”, explique-t-il, cela encouragea­it à remettre un monument sur pied, c'était un contrat moral. Mais l'état dit maintenant “achetez des tickets de loto”. Tout le monde n'est pas joueur ! » Le problème est sérieux, car les propriétai­res, qui ne sont pas tous milliardai­res, devront supporter la charge de restaurati­ons non défiscalis­ées tout en payant L’IFI (impôt sur la fortune immobilièr­e). Le remplaçant de L’ISF ruinera la majorité d’entre eux tout en n’apportant que quelques millions dans les caisses de l’état. Un vrai gâchis quand on sait qu’un monument historique ouvert au public est souvent l’unique attrait touristiqu­e des petites communes. L’ancien haut fonctionna­ire ne cache pas son amertume : « Après notre défaite industriel­le, notre principale ressource en matière de commerce extérieur est le tourisme. Va-t-on le perdre aussi ? Car les propriétai­res de monuments historique­s sont de vrais acteurs économique­s et culturels. Le grand projet d'emmanuel Macron est de restaurer le château de Villers-cotterêts. Coût estimé : 150 millions d'euros. Le président veut imposer sa marque en rénovant un château, c'est très bien. Mais cela se fera au détriment de la rénovation de tous les autres. » On se demande si Macron, qui s’emploie à popularise­r le patrimoine, ne va pas surtout le paupériser. •

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