Triste cire
Silvio et les Autres, de Paolo Sorrentino Sortie le 31 octobre 2018
S’il est un secteur culturel italien que les années Berlusconi ont profondément fragilisé, c’est bien le cinéma, qui fut jadis l’un des fleurons du 7e art en Europe. Les cinéastes transalpins ont donc le droit d’avoir la dent dure vis-à-vis du leader de Forza Italia. C’est ainsi qu’en son temps, le surdoué Nanni Moretti, avec Le Caïman, s’était fendu d’un portrait à charge d’autant plus réjouissant qu’il n’épargnait personne. Aujourd’hui, le très surestimé Sorrentino nous livre « son » Berlusconi. Le discours « critique » se résume en fait à pointer les ravages de la chirurgie esthétique, qui font ressembler Berlusconi à une figure du musée Grévin. Pour le reste, il faut se contenter d’une avalanche longue de deux heures trente d’images « berlusconiennes », décalques appliqués des chaînes privées italiennes entre vulgarité et mépris, idioties et trivialités. Sorrentino se lance même dans une sorte de défense et illustration de Berlusconi à travers le vieux discours de la banalité du mâle : Silvio serait, après tout, un homme comme les autres, victime de ses amis (tous des traîtres), de sa femme (une abominable harpie), des juges (ces salauds qui veulent faire respecter la loi commune et l’intérêt général) et, in fine, de ce peuple italien si gris et si terne et finalement si peu reconnaissant. Mais alors si Berlusconi est aussi inconsistant, à quoi bon faire son portrait ? C’est un gros et lourd marteaupilon pour écraser cette mouche qu’on voudrait à tout prix nous vendre comme inoffensive... Mais on ne traite pas de vulgarité par une surenchère de vulgarité, pas plus qu’il n’est sérieux de faire passer Berlusconi pour une sorte d’oie blanche et candide. Chaque nouveau film de Sorrentino est désormais la répétition monocorde d’une série de clips désincarnés que ne renierait pas des fabricants d’accessoires de luxe toujours prompts à décrire un couple comme une prostituée et son mac. Heureusement, les spectateurs potentiels que nous sommes ne sont pas obligés de jouer les clients... •