Causeur

Trump, captain America

- Roland Jaccard

Comme Marilyn Monroe et John Wayne, Donald Trump appartient au panthéon de la pop culture américaine. Sa vulgarité et ses mauvaises manières n'empêchent pas le président américain de répondre efficaceme­nt aux grands défis d'un monde de plus en plus instable.

Certains s’étonnent qu’un intellectu­el raffiné, nihiliste de surcroît, puisse afficher ouvertemen­t son soutien à un personnage aussi peu raffiné et intempesti­f que Donald Trump. Je les comprends. Mais ils me semblent aveugles à tout ce qu’il incarne : une Amérique conquérant­e, primitive, avec un colt dans une main et une Bible dans l’autre. L’amérique d’elvis et de Clint Eastwood, l’amérique d’andy Warhol et de Marilyn, l’amérique dont Johnny Hallyday ou Eddie Mitchell rêvait. Une Amérique populaire où le meilleur et le pire se côtoyaient sans que l’on sache précisémen­t où se trouvait la frontière entre eux, sinon dans les affaires. Et pour les affaires, reconnaiss­ons que Donald Trump n’a rien à apprendre. On me rétorquera que c’est l’amérique des années 1950 que j’évoque, celle de ma jeunesse, dont j’aurais la nostalgie. Et que j’aime Donald Trump parce qu’il y revient. Sans doute. Ce fulgurant flash-back serait donc, me dit-on, à contre-courant de l’histoire. Le progrès, incarné hier en Amérique par Barack Obama, le serait aujourd’hui en France par Emmanuel Macron. L’avenir serait au multicultu­ralisme et à un monde pacifié et pacifique où chaque pays n’aurait qu’un ennemi : le changement climatique et les menaces qu’il fait peser sur nos enfants. Nous avons été si abjects dans notre rapport à la Nature – et incidemmen­t aux femmes – qu’il faut mettre un terme à notre irresponsa­bilité. Le vieil homme blanc a commis trop de dégâts sur toute la planète : il doit disparaîtr­e des écrans. Ce genre de fables pour midinettes aurait fait sourire Raymond Aron. En effet, qu’on s’en réjouisse ou non, chaque homme a pour ennemi un autre homme, quand ce n’est pas lui-même. Et la guerre, sous quelque forme que ce soit, permet d’évacuer cette pulsion de mort qui nous ronge. Ne pas en tenir compte, c’est se rendre coupable d’un idéalisme mortifère, ce que tout le monde voit, sauf les aveugles, dans l’union européenne en pleine dislocatio­n. Donald Trump veut des frontières. Donald Trump veut des relations bilatérale­s. Donald Trump veut rendre les Américains fiers de leur pays. Donald Trump a conscience que l’islam est aujourd’hui aussi dangereux que le fut le communisme avant la chute du mur de Berlin. Donald Trump admire Poutine. Et ne redoute pas de s’opposer à la Chine. Qui pourrait le lui reprocher ? Mais le fond du débat oppose ceux qui ont une vision progressis­te de l’histoire et ceux qui en ont une vision cyclique. Pour les premiers, Donald Trump est non seulement odieux, mais anachroniq­ue. Pour les seconds, il signifie que le jeu planétaire est régi par l’éternel retour – ou l’énantiodro­mie pour revenir à Héraclite. John Wayne est à nouveau à l’affiche. Une aubaine pour les amateurs de westerns dont je suis. •

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Coiffé d'un Stetson, Donald Trump lance la semaine du « Made in America » à la Maison-blanche, 17 juillet 2017.

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