Le salarié américain a gagné la lutte des classes
Aux États-unis, traverser la rue pour trouver un emploi n’est pas un vain conseil, mais une réalité quotidienne. Il suffit de se promener dans n’importe quelle ville américaine pour trouver, placardées sur les vitrines des grands magasins ou des restaurants, des affiches de recrutement vantant les qualités sociales de l’entreprise (mutuelles, retraites). Avec seulement 3,7 % de la population active au chômage, jamais depuis 1969 le salarié américain n’avait connu une telle position de force. Car la perspective d’un manque de main-d’oeuvre incite les patrons à augmenter doucement, mais sûrement leurs salariés : de 4 % en moyenne cette année alors que l’inflation n’est que de 2 %. Ainsi, en octobre, le géant américain Amazon a relevé le salaire minimum de ses employés de 11 à 15 dollars de l’heure, soit une augmentation d’un peu plus de 36 %. Le patron milliardaire d’amazon, Jeff Bezos, ne fait pas la charité : il craignait qu’un grand nombre de ses 250 000 salariés aux Étatsunis (auxquels il faut rajouter 100 000 saisonniers) aillent voir ailleurs à l’approche de Noël. Bilan des courses : le moral des salariés américains est si haut que personne – pas même l’aile gauche du Parti démocrate – ne met la question de l’emploi au centre du débat politique. Entamé sous Obama avant de s’accélérer durant l’ère Trump, le retour au plein emploi va-t-il durer ? Pas certain. Poussée à son comble, la pénurie de main-d’oeuvre risque d’entraîner la faillite d’entreprises inaptes à répondre à la demande des clients. Simultanément, l’augmentation des salaires pourrait créer de l’inflation et conduire la Réserve fédérale à augmenter ses taux d’intérêt, ce qui affaiblirait la croissance, de l’ordre de 3 % cette année. Le déficit record d’un trillion de dollars (soit un milliard de milliards de dollars !) complète ce cocktail potentiellement explosif en vue de l’élection présidentielle de 2020. Mais, en bon stratège, Donald Trump pourrait jouer à qui perd gagne en imputant la responsabilité d’une éventuelle récession aux démocrates du Congrès. En meeting à la fin de la campagne des « midterms », le président américain l’annonçait déjà : « De toute façon, ma réélection sera plus facile avec l’aide des démocrates ! »