Causeur

Le salarié américain a gagné la lutte des classes

- Par Alexandre Mendel

Aux États-unis, traverser la rue pour trouver un emploi n’est pas un vain conseil, mais une réalité quotidienn­e. Il suffit de se promener dans n’importe quelle ville américaine pour trouver, placardées sur les vitrines des grands magasins ou des restaurant­s, des affiches de recrutemen­t vantant les qualités sociales de l’entreprise (mutuelles, retraites). Avec seulement 3,7 % de la population active au chômage, jamais depuis 1969 le salarié américain n’avait connu une telle position de force. Car la perspectiv­e d’un manque de main-d’oeuvre incite les patrons à augmenter doucement, mais sûrement leurs salariés : de 4 % en moyenne cette année alors que l’inflation n’est que de 2 %. Ainsi, en octobre, le géant américain Amazon a relevé le salaire minimum de ses employés de 11 à 15 dollars de l’heure, soit une augmentati­on d’un peu plus de 36 %. Le patron milliardai­re d’amazon, Jeff Bezos, ne fait pas la charité : il craignait qu’un grand nombre de ses 250 000 salariés aux Étatsunis (auxquels il faut rajouter 100 000 saisonnier­s) aillent voir ailleurs à l’approche de Noël. Bilan des courses : le moral des salariés américains est si haut que personne – pas même l’aile gauche du Parti démocrate – ne met la question de l’emploi au centre du débat politique. Entamé sous Obama avant de s’accélérer durant l’ère Trump, le retour au plein emploi va-t-il durer ? Pas certain. Poussée à son comble, la pénurie de main-d’oeuvre risque d’entraîner la faillite d’entreprise­s inaptes à répondre à la demande des clients. Simultaném­ent, l’augmentati­on des salaires pourrait créer de l’inflation et conduire la Réserve fédérale à augmenter ses taux d’intérêt, ce qui affaiblira­it la croissance, de l’ordre de 3 % cette année. Le déficit record d’un trillion de dollars (soit un milliard de milliards de dollars !) complète ce cocktail potentiell­ement explosif en vue de l’élection présidenti­elle de 2020. Mais, en bon stratège, Donald Trump pourrait jouer à qui perd gagne en imputant la responsabi­lité d’une éventuelle récession aux démocrates du Congrès. En meeting à la fin de la campagne des « midterms », le président américain l’annonçait déjà : « De toute façon, ma réélection sera plus facile avec l’aide des démocrates ! »

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