Causeur

Lighthizer, protection­niste conquérant

- Jeremy Stubbs

Sur le front américano-chinois, l’été a été meurtrier. Le feuilleton de la guerre commercial­e a tenu la planète en haleine. Le premier round a eu lieu début août, avec une nouvelle salve de tarifs douaniers côté américain, suivie d’une dévaluatio­n du yen en guise de riposte chinoise, avant que Washington annonce un report de trois mois de l’entrée en vigueur desdits tarifs. Pékin ayant cependant choisi, une grosse semaine plus tard, de faire monter la pression en taxant des produits made in USA représenta­nt 75 milliards de dollars d’importatio­ns, Donald Trump fait entrer en vigueur les tarifs douaniers reportés, appelle les entreprise­s américaine­s à quitter la Chine – et en prime, qualifie le gouverneur de la Reserve fédérale d’« ennemi pire que la Chine » pour sa lenteur à baisser les taux d’intérêt.

Le contentieu­x est sérieux : pour les trois dernières années fiscales (2016-2018), le déficit commercial américain par rapport à la Chine s’est élevé à 1 142 milliards de dollars. Autrement dit, la Chine gagne chaque jour un peu plus d’un milliard de dollars dans son commerce avec les États-unis. Si on y ajoute les contentieu­x sur la propriété intellectu­elle, l’accès aux marchés et le taux de change, sans parler du statut de la mer de Chine, les États-unis ont beaucoup de raisons pour vouloir mettre les choses à plat avec la Chine.

Pour Pékin, tout accord devra répondre à quatre conditions : la liste des produits américains que la Chine doit acheter (produits agricoles, par exemple) doit être raisonnabl­e et stable (autrement dit : ne pas être sujette à des changement­s partisans) ; les tarifs douaniers existants doivent être éliminés ou considérab­lement réduits ; le texte de l’accord doit être respectueu­x de la « dignité de la Chine » ; et le groupe Huawei retiré de la liste noire des entreprise­s interdites de commerce avec les États-unis.

La guerre économique est en l’occurrence la poursuite de l’affronteme­nt géopolitiq­ue par d’autres moyens. La Chine de Xi est déterminée à retrouver une position de puissance mondiale de premier plan. Or – et ce point fait l’objet d’un des rares accords bipartisan­s à Washington –, c’est exactement ce que les États-unis veulent empêcher. Nous sommes donc face à un long réajusteme­nt de la tectonique des plaques géopolitiq­ues, entrecoupé de secousses dont on peut espérer qu’elles se cantonnero­nt au front économique. •

Newspapers in French

Newspapers from France