Causeur

Entretien avec Daniel Costelle

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Causeur. Deux fois trois heures, en « première partie de soirée », consacrées à un tel sujet, cela n'a-t-il pas effrayé la chaîne ?

Daniel Costelle. Aucunement ! La série Apocalypse procède d’une volonté patrimonia­le universell­e ; le monde tel qu’il est aujourd’hui n’est pas le fruit de la génération spontanée, il a des origines. Nos films s’opposent à la tentation ou au risque de l’oubli.

Cette fois encore, vous offrez des images inédites, comme celles des prostituée­s de Diên Biên Phu, ou encore celles de la conférence de Potsdam, qui a réuni, du 17 juillet au 2 août 1945, Winston Churchill puis Clement Atlee, Harry Truman, et pour L'URSS Joseph Staline.

Lorsque nous avons découvert la séquence de Potsdam, nous avons tous ressenti la même jubilation que si nous avions trouvé un trésor. Cette chute oubliée permet d’aller au-delà des apparences. Si les images des trois vainqueurs assis, détendus, ont été mille fois vues, nous avons déniché une scène édifiante : Truman s’assied d’abord, Staline en prend ombrage, l’invite à se relever, puis à s’asseoir à nouveau. À ce moment précis de l’histoire, Joseph Staline est le patron.

C'est aussi le moment où se forment les deux blocs…

Le mot bloc n’appartient pas à notre vocabulair­e. Il y avait la Russie d’un côté, l’amérique de l’autre. L’armée rouge est décisive dans la victoire, en 1945. Le sacrifice des soldats russes est immense : ils ont affronté les nazis à la baïonnette quand les bombardeme­nts devenaient inutiles. La Russie et Staline occupent donc la première place à la table des vainqueurs. Ce qui a certaineme­nt encouragé cet inquiétant appétit de conquêtes.

On voit en revanche des Américains saisis par le doute.

Où sont alors les véritables frontières de l’amérique ? À New York, à Paris, à Berlin ? Après Postdam, Staline gagne des territoire­s très vastes : l’armée rouge aurait fort bien pu atteindre Brest en deux jours ! La propagande soviétique, très efficace, impose la représenta­tion du prétendu impérialis­me américain. L’amérique hésite, c’est vrai, elle démobilise un bref moment, pendant lequel le pire peut se produire. Que se serait-il passé si elle avait quitté le continent européen ? Nous montrons que cette tentation était grande. Elle a choisi Berlin, et n’a plus abandonné un pouce de terrain durant près de cinquante ans. •

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