Le gay savoir chinois
Le groupe chinois Kulun, poids lourd des jeux vidéo, qui avait déjà acheté une bonne partie de Grindr en janvier 2016, en est le propriétaire unique depuis deux ans. Rappelons aux âmes innocentes que l’application Grindr, développée en 2009 par l’américain Joel Simkhai, permet de discuter et d’échanger des photos avec des abonnés « homosexuels, bisexuels ou bicurieux » géolocalisés. Elle compte 27,5 millions d’utilisateurs, dans 192 pays dont l’iran, l’irak, le Kazakhstan et la France qui totalise 500 000 utilisateurs.
À l’époque, le rachat de Grindr n’avait nullement attiré l’attention du Comité des investissements étrangers aux États-unis. Ce dernier considérait sans doute que tout cela n’était que de l’amusement. Pourtant, en avril 2018, l’agence Reuters avait rapporté que les informations personnelles de millions d’américains, y compris des messages privés et leur statut VIH, se baladaient dans la nature. L’ONG Aides appelait déjà au boycott.
Ce n’est qu’en mars dernier que l’administration Trump a pris conscience que Pékin avait toute latitude pour récupérer (et utiliser) des données pour éventuellement influencer des responsables politiques américains. En pleine guerre commerciale sino-américaine, branle-bas de combat : Washington s’oppose a posteriori à la vente (une nouveauté dans le commerce !), interdit Grindr d’introduction en Bourse et impose à son propriétaire une revente obligatoire d’ici 2020.
Les Chinois acquiescent… mais ne font strictement rien. Les choses se tassent et on reparle aujourd’hui d’une introduction en Bourse, mais hors de Chine. Et les Grindériens qui ont eu la légèreté de semer aux quatre vents photos et commentaires intimes jurent – un peu tard – qu’on ne les y prendra plus. •