Causeur

Entretien avec Catherine Procaccia

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Causeur. Les étudiants administra­teurs de la LMDE étaient-ils conscients de l'étendue du désastre ?

Catherine Procaccia.

Sans l’ombre d’un doute. En 2013, la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN) a été appelée en renfort, pour tenter de remettre de l’ordre dans la gestion de la LMDE. Les cadres envoyés en mission ont vu arriver les administra­teurs élus de L’UNEF avec une liste d’étudiants VIP dont il fallait traiter les dossiers en priorité !

À partir de quel moment peut-on dire que L'UNEF sait forcément que la LMDE est en crise ?

Mes premières questions écrites au Sénat sont un peu antérieure­s à 2009. À cette période, ma fille était étudiante. La LMDE était injoignabl­e, je me suis rendue dans une agence. Les files d’attente s’étiraient sur le trottoir. Une de ces agences était tout près de l’université de Jussieu. Comment les élus étudiants auraient-ils pu ignorer qu’il se passait quelque chose ? Ils savaient. Ils faisaient remonter quelques dossiers défaillant­s, comme des faveurs, pour montrer leur utilité, et puis ils encaissaie­nt leur petit pécule tous les mois. Pas si petit que cela, du reste. 1 200 euros par mois lorsqu’on est étudiant, ce n’est pas rien.

Le service était défaillant, mais y avait-il vraiment des conséquenc­es dommageabl­es pour les affiliés ?

Une étudiante avait besoin d’une prothèse pour marcher. La LMDE l’a fait lanterner pendant un an avant de s’apercevoir que son dossier relevait en fait de l’assurance maladie... Lors de sa première année, le fils du sénateur PS Ronan Kerdraon, qui a cosigné un rapport sur le régime étudiant avec moi, a reçu sa carte Vitale en avril. Ses parents pouvaient avancer l’argent des soins éventuels. Ce n’était pas le cas de tous. Les étudiants étrangers, encore plus perdus que les autres, repartaien­t de France sans n’avoir jamais reçu leur carte Vitale, dans l’indifféren­ce. C’était une catastroph­e.

Pourquoi les administra­teurs n'ont-ils jamais rendu de comptes ?

Parce qu’on ne leur en a jamais demandé ! Personne n’a tenté de faire fonctionne­r correcteme­nt cette mutuelle. Elle privilégia­it les recrutemen­ts politiques, à l’image de ma collègue sénatrice Laurence Rossignol, chargée de mission à temps partiel à la LMDE de 1993 à 2011, pour un travail qui ne lui prenait vraiment pas beaucoup d’heures par semaine. L’état a laissé faire, et pas seulement quand le PS était au pouvoir. J’ai été très agréableme­nt surprise en 2017 lorsque la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a annoncé son intention de reprendre ma propositio­n de supprimer purement et simplement le régime étudiant. Au cours de mon mandat de sénatrice, c’est certaineme­nt ce que j’aurai fait de plus directemen­t utile, pour le plus grand nombre de personnes. J’en suis fière. Quant aux administra­teurs qui se sont bien recasés, tant mieux pour eux. •

 ??  ?? Caroline De Haas, en campagne pour les législativ­es dans la 18e circonscri­ption de Paris, 7 mars 2017.
Caroline De Haas, en campagne pour les législativ­es dans la 18e circonscri­ption de Paris, 7 mars 2017.

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