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VALEUREUX COMME ADLER EN FRANCE

Le musée du Judaïsme consacre une rétrospect­ive à Jules Adler (18551950). Ce peintre naturalist­e d'origine juive a immortalis­é la vie populaire des ouvriers et des vagabonds sans cesser de défendre la République. Y compris sous Vichy.

- Par Pierre Lamalattie

Le parcours de Jules Adler est typique des artistes promus par la méritocrat­ie de la IIIE République. Il naît en 1855 dans une famille modeste. Ses parents sont de petits commerçant­s juifs alsaciens établis en Champagne, puis à Paris. Il est encouragé, suit des études techniques de dessin, réussit, est encore encouragé et, de fil en aiguille, intègre les Beaux-arts. Ses toiles sont assez vite remarquées au Salon.

Les historiens de l’art présentent invariable­ment la période où Jules Adler a vécu (la fin du xixe et la première moitié du xxe siècle) comme une suite de « -ismes » qui, tels d’aimables wagonnets, avancent à la queue leu leu sur les rails de la modernité. Aucune chance d’y trouver Jules Adler, puissant peintre naturalist­e mort en 1950. C’est ce qui fait tout l’intérêt de la rétrospect­ive.

Sa manière allie une efficacité des compositio­ns à une belle picturalit­é, parfois haute en pâte et enrichie d’emprunts au pointillis­me. Ses sujets traduisent une compréhens­ion de la vie populaire, avec ses joies, ses souffrance­s et ses luttes. Il est un naturalist­e passionné par Émile Zola et Constantin Meunier (peintre et sculpteur belge). À l’heure où les impression­nistes et leurs émules continuent de peindre d’iréniques scènes de pique-nique et de canotage, il brosse puissammen­t des ouvriers et des vagabonds, des usines et des grèves.

Adler est un fervent républicai­n. Il croit à la science et au progrès. Durant l’affaire Dreyfus, son atelier, situé vers la République, est un point de ralliement des dreyfusard­s. Il subit de virulentes attaques en raison de son engagement et de son origine juive.

Pendant la guerre 1914-1918, il ouvre avec sa femme une cantine pour artistes nécessiteu­x. Sous Vichy, il est mortifié d’être exclu de toutes les institutio­ns artistique­s auxquelles il participe. Finalement, il est même interné. Il ne baisse pas les bras, bien au contraire. Il en profite pour créer un cycle d’une centaine de dessins qui seront, en 1948, l’occasion d’une exposition consacrée à son « arrestatio­n par les Boches ». Un grand monsieur ! •

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À voir absolument : « Jules Adler, peintre du peuple », musée d’art et d’histoire du judaïsme, jusqu’au 23 février 2020.
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Le Philosophe, Jules Adler, 1910.

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