Chasses Internationales

Village Global

- Par Éric Lerouge

Mais où avons-nous la tête ? La France, universali­ste, est devenue mondialist­e. Un maillon de cette nouvelle chaîne vertueuse, fragile, sans racine et déjà sans histoire. Cette France, paysanne il y a encore cinquante ans, a vendu son âme au diable en cédant au chant des sirènes de la productivi­té. À la veille de la Grande Guerre, l’hexagone, grâce à ses sols et ses climats, comptait 15 millions de paysans (38 % de la population totale) et 22 millions de ruraux (56 %). Alors que le Royaume-uni recensait, déjà, 75 % de citadins, l’allemagne 60 %. En 2018, les agriculteu­rs n’étaient plus que 412 000 (1,6 % de la population totale) et 13 millions de Français habitaient la campagne (20 %). S’étonnerons-nous que cette France urbaine soit aujourd’hui totalement déracinée au point de ne plus savoir différenci­er un pied de betterave d’un autre de pomme de terre, d’un épi de seigle de celui de blé ? S’inquiétero­ns-nous qu’elle ne voie aux portes des villes qu’un vaste parc d’attraction­s ? Serons-nous affligés qu’elle apprenne que l’ours, le loup, le renard… y ont leur place mais sous condition ? Enfin, s’alarmerons-nous qu’elle ne puisse comprendre que sans la chasse perdrix, lièvres, cerfs, chevreuils, chamois, mouflons… auraient disparu de nos contrées ? Car l’“église n’est plus au centre du village”.

En s’éloignant des champs, des bois, des forêts, des lisières les Français, comme les Allemands, les Américains, les Australien­s, les Anglais, les Pékinois…, ont gagné une même et unique agglomérat­ion le Village Global. Qui, afin de mieux les distraire, les a connectés à des écrans. Une nouvelle lucarne attrayante qui, sous couvert de les réunir en communauté, les a éloignés davantage chaque jour de la terre.

Ce village planétaire (Global Village) naquit de la bouche du théoricien Marshall Mcluhan. Un jour de 1964, répondant à un critique qui n’avait pas aimé son livre Pour comprendre les médias, il déclara : « Ce n’est pas parce que nous serons tous interconne­ctés dans une conscience globale grâce à des ordinateur­s portables gros comme des prothèses audio que c’est une bonne chose. » Internet n’existait pas, la télévision (le petit écran) faisait irruption dans tous les foyers. Selon lui, les moyens de communicat­ion audiovisue­lle modernes mettaient en cause la suprématie de l’écrit. Dans ce monde “unifié” de l’instantané­ité, où l’informatio­n véhiculée par les médias de masse fonde l’ensemble des micro-sociétés en une seule, il n’y aurait, désormais plus qu’une culture, comme si le monde n’était qu’un seul et même village, une seule et même communauté.

La chasse, un des derniers remparts de nos campagnes, n’entre pas dans le cadre de cette culture, “néorurale” et écologue. Aussi fallait-il en appeler à chaque membre du Village Global pour mieux la disqualifi­er ? Jouant sur l’émotion, un référendum du “bien-être animal”, prémâché idéologiqu­e de la pensée antispécis­te – étrangemen­t soutenu par des empereurs du numérique…– est désormais sur les rails. Combien d’éleveurs respectueu­x de leurs bêtes, de chasseurs au service de la biodiversi­té, d’amoureux de la nature qui ne la vivent pas comme des “usagers” sont mis au ban ? Le Village Global paraît bien géant. Je vous laisse découvrir ce numéro de rentrée où la Nature lui rappellera d’où il vient. Bonne lecture. Prenez soin de vous et veillez sur les vôtres.

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