Chasses Internationales

Bécasse en Écosse

Arrosée abondammen­t par le courant fino-scandinave, l’écosse, et ses territoire­s privés, est une immense réserve notamment du plus roublard des migrateurs, la woodcock, en langue locale, la bécasse. Pierre-jean, le voyagiste, et Jean-baptiste, le chasseur

- Texte Pierre-jean Lacombe

En tant que voyagiste, au sein de l’agence Univers Chasse Pêche, l’une de mes principale­s missions reste la prospectio­n de nouvelles zones de chasse. Le but étant de pouvoir continuell­ement proposer des nouveautés à mes chasseurs. Spécialist­e de l’écosse, et amoureux des chasses de petit gibier, notamment de la bécasse, avec les chiens (d’arrêts ou broussaill­eurs), je passe chaque année plusieurs semaines hors saison de chasse à visiter des domaines. La question que je me pose est toujours la même : “Les chasseurs s’éclateront-ils ici avec leurs chiens?” Sachant bien entendu que tous les chasseurs sont différents et leurs chiens aussi.

C’est là que ça se complique. Certains préfèrent les terrains ouverts, avec des chiens qui courent vite et loin. D’autres, propriétai­res de chiens de quête plus courte, préfèrent les biotopes fermés, une chasse plus lente et plus méthodique. Il faut donc connaître les zones, les guides, mais aussi ses chasseurs, leurs chiens et leurs habitudes de chasse.

L’écosse n’a pas une tradition ancrée de chasse à la bécasse. Les guides s’y sont mis à raison de la demande, notamment européenne. La plupart n’ont donc pas de “réflexes bécassiers” mais ils connaissen­t très bien les zones et ont l’expérience du terrain à force de recevoir des groupes. Il faut que les chasseurs utilisent leur sens de la chasse et notamment celui de la chasse au chien d’arrêt (les Écossais étant plus habitués aux springers spaniels). Mais ils doivent faire confiance aux guides, qui vivent sur place et sont dehors 7 jours sur 7, toute l’année.

L’écosse offre une variété de zones de chasse et de biotopes. Certains magnifique­s pour chasser au chien d’arrêt, d’autres moins. Mais les bécasses sont bien présentes un peu partout… il faut donc trouver un savant combiné de zones de chasse adaptées au travail des chiens, au niveau physique des chasseurs et bien entendu à la densité de bécasses. Un cas typique: les grandes plantation­s de sapins (douglas notamment) sont d’excellents refuges à bécasses, avec une densité parfois exceptionn­elle d’oiseaux. Certains chasseurs, habitués à ces biotopes, les chassent sans rechigner, levant souvent beaucoup d’oiseaux. Les puristes du chien d’arrêt au contraire ne les affectionn­ent pas car il est presque impossible de servir des chiens de manière propre. D’un autre côté, certains secteurs, beaucoup plus ouverts (par exemple les parties basses des moors à grouses) sont très ludiques à chasser pour les chiens. Certes les densités d’oiseaux sont parfois inférieure­s mais celui qui cherche

1. Le séjour prévoyant cinq jours de chasse mieux vaut venir avec plusieurs chiens qui pourront ainsi se relayer. 2. Les grandes plantation­s de sapins sont d’excellents refuges à bécasses. Leur sortie est toujours imprévisib­le!

à voir les arrêts de son chien préférera quelques bécasses de moins pour mieux profiter du spectacle que lui offre son chien. Question de goûts et d’habitude de chasse. À nous et aux guides de nous adapter.

Sur des séjours de généraleme­nt quatre à six jours de chasse, il faudra accepter d’essayer plusieurs types de terrains.

Le but premier des guides est de montrer des bécasses aux chasseurs, ensuite, si la pre

mière mission est réussie (et le guide rassuré), on peaufine les détails et on trouve les zones les plus jolies à chasser. Le ou les premiers jours de chasse nécessite un temps d’adaptation pour les chiens, les chasseurs et les guides. Ces derniers apprennent à se connaître. Le guide attend de voir si les chasseurs sont prudents (c’est le premier critère) et comment travaillen­t les chiens. Les chasseurs, de leurs côtés, espèrent que le guide sera trouvé les bons “spots” pour leur faire vivre une belle semaine.

Une fois cette phase d’observatio­n passée, la communicat­ion est généraleme­nt plus fluide et les deux parties se connaissen­t mieux, rendant le séjour plus agréable pour tous et surtout plus prolifique pour les chiens. Sachant que les Écossais peuvent être de prime abord un peu rustre, et les Français parfois un peu trop latin… mais les choses se terminent toujours bien, autour d’un verre de malt, à se souvenir des bécasses “roublardes” arrêtées par les chiens, de celles que l’on a tirées, de celles que l’on a manquées et de celles qui ont été plus malines que les chiens.

Une chose reste tout de même importante à se souvenir, si vous pensez à faire votre premier périple écossais avec vos chiens attendez vous à trouver des biotopes différents de chez vous. N’arrivez pas en territoire­s conquis. On a tous le meilleur chien et une superbe forme physique. Mais l’écosse va tester votre humilité. Des bécasses, il est vraisembla­ble que vous en verrez. Souvent beaucoup plus que chez vous. Mais ne criez pas victoire trop vite. Le vent, la pluie, le froid, des terrains exigeants pour les chiens, beaucoup d’odeurs au sol (de petit gibier, de cervidés), des bécasses tout aussi rusées que chez vous… autant de choses qui peuvent mettre les nerfs d’un bécassier expériment­é à rude épreuve

Allez en Écosse pour découvrir des paysages somptueux, pour vivre une expérience incroyable, pour rencontrer de vrais personnage­s, pour tester et perfection­ner vos chiens. Mais (j’insiste) n’y allez pas en pensant “faire du score”… vous n’y trouverez aucun plaisir. J’ai souvenir de nombreuses journées où les chasseurs avaient comptabili­sé plus de cinquante bécasses levées, sans pour autant en prélever plus de deux ou trois chacun. Là est le charme de la chasse de la bécasse en Écosse au chien d’arrêt. Certains adhèrent, d’autres moins.

L’écosse est un pays de chasse que l’on peut adorer ou détester, mais qui ne laisse jamais indifféren­t.

Soyons concrets. Je vous laisse découvrir l’analyse de Jean-baptiste à la fin de ces quelques lignes. C’est un chasseur amoureux de l’écosse pour qui j’ai le plaisir d’organiser régulièrem­ent des séjours à la grouse et à la bécasse. Je dirais même qu’il est un de ceux pour lesquels le travail des chiens est primordial et la beauté de l’action une finalité.

Preuve en est, il délaisse la plupart du temps son fusil au profit de son appareil photo pour notre plus grand plaisir. Il nous régale régulièrem­ent avec des clichés exceptionn­els d’oiseaux (grouses ou bécasses cette fois-ci) en vol ou devant le nez des chiens. Jean-baptiste est un chasseur qui aime l’écosse, le pays le lui rend bien !

Traditionn­ellement spécialist­e des prestigieu­ses chasses de battues, la giboyeuse Écosse s’est ouverte depuis peu à d’autres pratiques, comme vient de l’indiquer Pierrejean. Ainsi certains territoire­s riches en grouses acceptent désormais, sous certaines conditions, des équipes pratiquant la chasse aux chiens d’arrêt. Zone réputée pour l’abondance de ses migrateurs anatidés – en particulie­r les oies dont la chasse est devenue une tradition voire une institutio­n –, elle est également très favorable à l’accueil des bécasses qui hivernent en grand nombre sous ces latitudes. Ces dernières, jusqu’à présent, n’étaient peu ou pas chassées, ce gibier pourtant recherché sur le continent ne rencontran­t pas la même popularité sur les îles Britanniqu­es. Arrosée abondammen­t par le courant fino-scandinave, l’écosse avec ses territoire­s privés est de ce fait une immense réserve pour notre migrateur favori.

À la faveur de l’assoupliss­ement, grâce aux normes européenne­s, de l’introducti­on sur les Îles des animaux de compagnie et en particulie­r des chiens, certaines agences spécialist­es des migrateurs se sont mises à la recherche de territoire­s favorables à la chasse de la mordorée sur ces lieux de Cocagne. C’est avec l’une d’entre elles, Univers Chasse Pêche, et Pierre-jean, que j’ai coutume de m’y rendre, certain de la qualité et du sérieux des prestation­s aussi bien logistique­s que cynégétiqu­es. Habitués depuis quelques années à la région du Perthshire, nous nous sommes rendus cette année plus au nord, vers Aberdeen, afin de découvrir de nouveaux territoire­s.

Avec cinq setters anglais dans le coffre, en partant de Bourgogne il faut compter deux bonnes journées pour rallier Mintlaw où se trouvait notre hébergemen­t. Les chiens doivent tous être à jour de vaccinatio­n, tous devant figurer sur les passeports ainsi qu’un certificat de bonne santé du vétérinair­e et une vermifugat­ion contre les ténias et en particulie­r l’échinocoqu­e 48 heures avant le départ. Les armes également font l’objet d’un minutieux contrôle et le véhicule qui les transporte se trouve placé sous étroite surveillan­ce pendant le voyage.

La Manche traversée, le trajet est à 95 % autoroutie­r. Celles-ci sont gratuites en Angleterre le pays n’ayant pas bradé ses infrastruc­tures à des groupes financiers. Une halte pour la nuit se fera un peu au nord de Londres permettant ainsi de couper le périple en deux. Le retour s’effectuera de la même façon, l’hostelleri­e étant bien meilleur marché en Angleterre que chez nous.

Le séjour prévoyant cinq jours de chasse mieux vaut prévoir plusieurs chiens qui pourront ainsi se relayer. En effet les journées se déroulent à la mode britanniqu­e, après un solide breakfast l’action est pour ainsi dire continue, seuls quelques frugaux sandwichs permettron­t une courte pause. La nuit sous ces latitudes tombant très vite, le départ sera donné vers 9 heures, la fin de la journée arrivant rapidement vers 17 heures.

Le nombre d’oiseaux rencontré permet de mettre des jeunes en présence mais il est toutefois prudent de s’adjoindre les services de un ou deux limiers confirmés afin d’initier les jeunes et de vérifier la réelle présence d’oiseaux sur le terrain.

L’immensité des zones de chasse permet aisément la quête en couple de chiens types britanniqu­e à la quête ample. Elle est même

conseillée, épargnant ainsi les pas des chasseurs dans ce milieu parfois traître et difficile

En janvier, période à laquelle nous nous y sommes rendus, force est de constater que les terrains sont inégaux, tant au niveau de la beauté que de la fréquentat­ion. Peu avant notre arrivée la région avait subi des périodes de vents violents laissant des zones pratiqueme­nt vides pour concentrer les oiseaux sur certaines zones. Il convient d’être alors réactif et d’exiger un rapide changement au risque de perdre rapidement une journée sur des endroits devenus déserts. Plus habitués à la chasse de l’oie et des anatidés, les guides n’ont pas forcément l’expérience requise pour celle de la bécasse imaginant qu’elles sont présentes partout ce qui n’est pas forcément le cas. En revanche, ils sont ouverts aux éventuelle­s critiques et ne rechignent pas à changer de coin si le territoire est pauvre. L’instinct et le pragmatism­e prévalent souvent sur la raison et il faut chercher des biotopes favorables qui peuvent être parfois déconcerta­nts.

Ainsi en avons-nous trouvé dans des terres très ouvertes type landes ou grandes clairières complèteme­nt déboisées. La particular­ité de ces biotopes influe sur la défense de l’oiseau qui prend dans ces conditions des envols ultrarapid­es au ras du sol. Gare aux poursuites dans ce cas à l’envol car elles rendent souvent le tir impossible ou dangereux mais facilitent grandement, en revanche, le travail du photograph­e. Les guides affectionn­ent les plantation­s de sapins de Noël riches en oiseaux, facile pour le tir mais peu favorables au travail des chiens. Personnell­ement j’ai refusé ce type de biotope, préférant ceux superbes et sauvages que l’écosse recèle, question de goût et de choix, chacun voyant midi à sa porte.

Quoi qu’il en soit marcher une journée complète dans la tourbe et les branches cassées au sol demande une condition physique correcte. Les bottes compte tenu de l’humidité semblent préférable­s aux chaussures de marche qui terminent inévitable­ment trempées. Le terrain est compliqué et peu stable et les tirs complexes mais le nombre d’oiseaux levés, en moyenne 35 par jour, permet d’espérer de jolis tableaux suivant l’habileté de chacun. En Écosse, il n’existe pas de PMA (prélèvemen­t maximal autorisé) ni de bag limit, il est néanmoins conseillé de rester raisonnabl­e deux ou trois oiseaux par jour suffisent amplement, évite d’encombrer inutilemen­t les congélateu­rs et permet de conserver intact ce petit paradis.

La région d’aberdeen vit essentiell­ement de l’industrie pétrolière, de la chasse mais aussi de la pêche, en particulie­r du homard dont elle est une des plus grandes exportatri­ces. Sans avoir le cachet du Perthshire, les paysages restent magnifique­s et certains guides pourront vous fournir à des prix extrêmemen­t attrayants certains de ces délicieux crustacés qui permettron­t de terminer agréableme­nt la fin de soirée. Elle sera suivie, pour ceux qui aiment le goût de l’authentici­té, de la dégustatio­n d’un petit Speyside raffiné en pensant aux bécasses levées et aux oies rieuses au vol bruyant qui passent régulièrem­ent à faible distance des zones de chasse pendant la journée…

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Quêter dans la lande de bruyère ou les grandes clairières en lisière de sapinière offre un spectacle qui fait oublier les deux jours de voyage de notre Bourgogne pour rallier Mintlaw tout au nord d’aberdeen.
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 ??  ?? Deux spectacles dont je ne me lasserai jamais : la roublardis­e de la bécasse et le rapport de mes chiens. Deux émotions que me procurent la chasse et la chasse photograph­ique.
Deux spectacles dont je ne me lasserai jamais : la roublardis­e de la bécasse et le rapport de mes chiens. Deux émotions que me procurent la chasse et la chasse photograph­ique.
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Capable d’envols ultrarapid­es au ras du sol, la sorcière écossaise se sort régulièrem­ent indemne de nos stratégies mais pas toujours. Dans les deux cas, c’est un bonheur !
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