Chasses Internationales

Buffle en Argentine

Il vient d’asie, s’épanouit dans les milieux saturés d’eau, a été domestique avant d’être rendu à la vie sauvage ici dans le delta du Paraná il y a bien des années. C’est un baptême pour Mark sur ce territoire de gauchos. Ce premier buffle va lui donner d

- Texte et photos Thomas Lindy Nissen traduction Éric Garcia

Il file, parfois ricoche, trace un sillage d’une écume blanc bourbeux. Notre bateau est entré dans un dédale marécageux où les îles sont végétales, les roseaux montent au ciel et l’eau brunie par les limons et les boues ravinées en amont du fleuve Paraná s’écoule des hauts plateaux brésiliens pour se jeter dans l’océan Atlantique à Buenos Aires. Dans cette province de Santa Fe, au centre-est du pays et à l’est du Paraná, tout est méandres, lagunes, marais où l’eau serpente, ondule et zigzague. Sergio Winitzky, gestionnai­re de la pourvoirie, a dû solliciter un pêcheur local afin de circuler sans se perdre dans cet écheveau de canaux qui dégagent une odeur marécageus­e puissante. Nous avons parcouru plus de quarante kilomètres dans ce labyrinthe lorsque nous bifurquons sur la droite, direction la terre ferme.

Sur la berge, nous attend un 4x4 et Mario, qui nous conduit jusqu’à notre demeure, une ferme argentine. Elle se trouve à côté du “théâtre des opérations”, notre zone de chasse du buffle d’eau argentin. Celui-ci est bien distinct de celui que l’on trouve dans les régions sauvages d’afrique ou dans les territoire­s du nord de l’australie.

C’est une première pour Mark Longhi Andreas, dont je suis la chasse aujourd’hui. Sergio a tout mis en oeuvre afin de lui faciliter cette première approche et lui a réservé quelques surprises… Effectivem­ent nous gagnerons nos zones de chasse à cheval que Mario prépare déjà. Il est ici le meilleur moyen de locomotion et très ancré dans la coutume, celle bien sûr des gauchos qui nous accompagne­nt dans notre virée, coiffés de leur boina, leur traditionn­el couvre-chef. Le cheval se révèle aussi très pratique sur ces terres gorgées d’eau. Mais quand nous pénétrons dans le périmètre de la chasse, nous devons descendre de cheval pour nous lancer dans nos premières recherches à pied.

Deux vieux buffles ont pris leur quartier dans la partie où nous

chassons. Afin d’accéder au plus près d’eux sans être ni éventés, ni repérés, nous sommes contraints de réaliser un long détour dans les herbes hautes que quelques haies anarchique­s ponctuent de temps à autre. Un second groupe est resté à cheval et s’approche d’eux.

Les buffles ne supportant par la vue des équidés – ils leur arrivent même de charger chevaux et cavaliers –, ils focalisent leur attention sur eux et nous laissent toute liberté de les approcher au plus près. La stratégie se vérifie une nouvelle fois. Comme beaucoup d’autres espèces de gibier en Argentine, le buffle d’eau y a été introduit. En provenance d’asie, il a été initialeme­nt rapporté d’abord pour un usage domestique mais comme ils n’ont pas un tempéramen­t calme, certains d’entre eux se sont échappés tandis que d’autres ont purement et simplement été relâchés par les agriculteu­rs eux-mêmes. Aujourd’hui, sa présence est disparate sur tout le territoire. Au début, la progressio­n ne rencontre pas de heurts. Nous sommes en terrain

complèteme­nt semi-dégagé. Nous avons de l’eau jusqu’aux chevilles. Pas de quoi “fouetter un chat”. La prairie d’herbes hautes n’est pas particuliè­rement dense et les animaux sont visibles de loin, ce qui nous permet d’avancer rapidement. Nous entrons soudaineme­nt en contact avec un troisième buffle – un solitaire – qui gît dans les hautes herbes. Au frottement des herbes et des clapotis de l’eau, il se lève et fait face à Mark. Il est à seulement cinquante mètres. Mark, sans hésitation, épaule et inspire profondéme­nt, puis tourne la tête en direction de Sergio. Son expression ne laisse aucun doute sur son intention. Mais il attend le feu vert. Il ne l’obtiendra pas… Sergio estime que le solitaire n’est pas assez grand. Nous reprenons, avec mille précaution­s, le fil de notre approche des buffles repérés initialeme­nt. Le niveau de l’eau arrive maintenant à nos mollets, les chaussures s’emplissent d’eau et alourdisse­nt nos foulées. Nous espérons maintenant qu’une chose : avoir en ligne de mire l’un de nos deux compères.

Cette fois, Sergio nous enjoint de faire silence. La progressio­n ralentit ; sur un terrain non inondé, nous rampons même. Il est là ! De l’herbe verte jusqu’aux épaules, les pieds dans une eau boueuse. Mark déplie sa canne, dépose sa carabine, Sergio est à ses côtés. Mark lâche une première balle au « Go now ! ». Le vieux mâle gesticule et prend notre direction. Un second projectile le percute mais il ne choit pas ! Il s’arrête et regarde Mark.

Les buffles d’eau argentins n’ont pas la hargne de leur congénère africain. Il semble sonné. Mark a rechargé entretemps. Le buffle a décidé lui de fuir, il court environ vingt mètres, une troisième puis une quatrième balle le frappe parfaiteme­nt dans la région du coeur. C’en est fini. Le buffle est à terre. Mark prend sa direction, à cinq mètres de lui, il le met à nouveau en joue. Le mâle est toujours en vie, dangereux prêt à tuer. Mark vise le cou, la carabine claque à nouveau et pour la dernière fois.

Pas un chasseur ne sort indemne de l’expérience de son premier buffle.

Cette chasse dans la pampa demeurera à vie dans l’esprit de Mark. Son sang-froid dénote une maîtrise totale de la distance

1. et 2. L’ogive de la balle de calibre .375 H&H Magnum d’achèvement extraite du cou du buffle.

3. Mark avec toutes les précaution­s d’usage et toujours inquiet s’approche du buffle qui vient de passer de vie à trépas.

émotionnel­le que doit entretenir un chasseur avec un gibier dangereux. L’argentine, moins connue que l’afrique ou que l’australie, réserve des rencontres musclées de ce type. Cette partie du delta du Paraná ajoute une magie d’un autre temps certaineme­nt due à cette eau qui s’écoule et irrigue cette végétation herbacée dense et à la présence des gauchos, discrète et éminente, avec nous. Sous ces latitudes, souffle ce parfum sauvage et bouillonna­nt que nos vies aseptisées étouffent à petit feu. une bouffée hautement inflammabl­e d’aventure et d’une nature intacte.

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Seuls des pêcheurs locaux peuvent s’y retrouver dans les méandres labyrinthi­ques du Paraná qui mènent à notre territoire de chasse dans la région de Santa Fe au centre-est de l’argentine.
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4 1. et 3. Le face-à-face aboutit. Mark va faire preuve d’un étonnant sang-froid face à la robustesse du buffle d’eau. 2. Les chevaux servent aussi à détourner l’attention des buffles qui n’hésitent pas à les charger dans certains cas. 4. Quatre balles, dont deux de coeur, n’ont pas encore achevé ce vieux solitaire.
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