Robert Beillonnet
Sans aucun doute le coutelier en activité le plus connu de l’hexagone. Vêtu d’une notoriété méritée, Robert Beillonnet appelé aussi affectueusement “le Gros” dans la profession par ses confrères, ses amis et ses clients, est un personnage qui aurait pu sortir tout droit d’un roman de Balzac ou de Rabelais. Aucune prétention chez cet homme né à Châteldon, petite ville connue des amateurs d’eaux de sources comme la plus noble des eaux minérales naturelles à fines bulles, mais un sens inné du terroir et de la convivialité. Chez lui, le plaisir de la table n’est pas un vain mot, il aime mijoter pour les amis et aussi pour les clients, car il inscrit le processus de la rencontre dans la réalisation d’un couteau de commande.
Pas moins de deux titres de “Un des meilleurs Ouvriers de France” auréolent son parcours de coutelier, ce qui en dit long sur la qualité du Monsieur. Pourtant rien ne le prédisposait à devenir une référence dans le domaine du couteau fermant régional. C’est en effet par hasard qu’en 1982, muni d’un certificat d’aptitude professionnelle d’ajusteur, il entre comme apprenti au musée de la Coutellerie de Thiers dans sa composante associative qu’est la Maison des Couteliers.
Embauché par Angel Navarro, alors chef d’atelier, dont il deviendra le fils spirituel, il apprend la maîtrise des différents métiers que requiert la fabrication totale d’un couteau. Trempeur, polisseur, monteur, émouleur… autant de savoir-faire séparés que Thiers pratiqua à la lettre depuis sa révolution industrielle.
Après des années de pratique et d’excellence, le voici débauché par Florinox, société familiale spécialisée notamment dans la fabrication en petites séries de couteaux de poche de qualité, pour y être chef d’atelier et chef de projets. Il y demeurera jusqu’en 2001 avant de sauter le pas et de s’installer à son compte. Cette expérience dans la mise au point de prototypes lui vaut encore aujourd’hui d’être régulièrement consulté par des industriels et coutelleries importantes pour le dessin et la mise en oeuvre de nouveaux modèles. Le Gros a d’ailleurs activement participé avec quelques Thiernois convaincus à la naissance du couteau Le Thiers créé en 1994.
Robert Beillonnet est un personnage plein de bonhomie et de truculence à l’image de son site Internet qu’il convient absolument de visiter. Le ludique omniprésent cache parfois un vent de fronde comme son couteau en manche de cageot ou celui en bouse de vache reconstituée pailletée d’or dédiés à Ségolène Royal en rébellion au décret sur le commerce de l’ivoire d’éléphant rendant dormant les stocks dits Cites constitués pourtant légalement.
À son image, les couteaux de Beillonnet sont des couteaux de vie, ils chantent la France, le soleil et le bonheur de vivre. Il puise son inspiration dans le patrimoine français des couteaux régionaux qu’il réalise à la perfection avec une patte que l’on reconnaît entre toutes. Son talent transforme un couteau de poche ordinaire en un couteau d’exception. Mécanique parfaite, technique irréprochable, ses couteaux sont toujours vierges d’apparat et d’outrance.
Le Gros n’est pas à proprement parler un druide ou un leader charismatique mais un homme toujours bien disposé à l’égard de la jeune génération qu’il trouve prometteuse et qui vient parfois le consulter en son atelier. S’il délivre bien volontiers quelques conseils et techniques de fabrication, ce n’est jamais dans un esprit oligarchique. « Je fais comme ça, cela ne veut pas dire que c’est comme ça qu’il faut faire. »
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