Table de fêtes Ruinart / Kaviari
Deux cent cinquante ans les séparent. Pourtant ces deux maisons savent dialoguer comme des amis de la même génération. Dom Ruinart et son neveu Nicolas – les artisans, en 1729, de la finesse, des arômes et de la blondeur des champagnes Ruinart dont le chardonnay imprime aujourd’hui le style – et Jacques Nebot – le fondateur de Kaviari et l’un des plus grands connaisseurs de caviar au monde – ont tenu ou tiennent les premiers rôles du casting de ces belles demeures de France. Et à présent, c’est toute leur magie, d’autres acteurs à la sagacité aiguë prennent le relais.
En ce jour d’octobre dernier, deux femmes dévoilent la quintessence des deux maisons: Karin Nebot (directrice générale de Kaviari et fille de Jacques) et Valérie Radou (chef en résidence au sein de Ruinart). Paris-gare de l’est, Reims, colline Saint-nicaise, nous y sommes. Devant une architecture en U, deux sculptures, une plus contemporaine que l’autre, ressuscitent la mémoire de Dom Ruinart. Sous leur socle, sous terre, à quatre-vingts mètres, les caves, les Crayères, cathédrale de galeries médiévales inscrite au patrimoine mondial de l’unesco.
En cuisines, nous nous retrouvons “chez” Valérie, près du piano. Valérie, c’est de la dynamite bien ciblée, une humilité naturelle qui cadence une souveraine réflexion. Sur le banc central, les têtes de ses choux romanesco blanc, vert et violet ont été détaillées. Elles seront associées au célèbre turbot qu’affectionnait Bertrand Mure, dernier de la lignée à avoir dirigé la maison, qui lança en 1959 Dom Ruinart, dont le Blanc de Blancs 2007 – premier millésime du chef de caves Frédéric Panaïotis et aujourd’hui à l’honneur – est le digne héritier. Les têtes, avant d’être plongées dans la glace afin de les affermir, sont exposées à la chaleur d’un four à vapeur. Sur les plaques-plancha, une poêle accueille un fond d’huile puis les filets de turbot. À proximité, d’une casserole inox voltige les volutes d’une sauce blanche au Dom Ruinart 2007 qui liera l’ensemble avant que ne vienne couronner une quenelle de caviar.
Karin demande une planche de bois, expose des cuillères de nacre, puis ouvre une sublime boîte de caviar Kristal qui dévoile un épais cylindre compact de grains noir doré brillants. De la dentelle aux éclats de diamants. Méthodique
ment elle explique que Kaviari fait maturer tous ses caviars d’élevage d’exception fabriqués manuellement selon une méthode ancestrale. Que, tel un maître de chai, Bruno Higos, leur master en caviars, suit avec soin l’évolution des grains et leur affinage en chambre froide.
Valérie passe maintenant au dressage. Nous la quittons. Tout à l’heure, dans la salle à manger, nos coupes et nos assiettes auront la saveur délicate et l’éclat de la très haute gastronomie française. Un patrimoine vivant qui trouve sa source dans la transmission et l’innovation.
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