Chasses Internationales

Vers un “New Deal”?

- (*) Fondatrice de Résilience Nature (resilience­nature.com) spécialist­e de la conservati­on et l’utilisatio­n durable des ressources de la biodiversi­té. Marianne Courrouble*

Depuis longtemps nombre de parcs nationaux africains ne protègent plus la faune sauvage faute de moyens, mais pas seulement. Leurs écosystème­s disparaiss­ent graduellem­ent sous l’effet de la déforestat­ion, du braconnage et la multiplica­tion des conflits homme/faune sauvage. Certains sont devenus ce qu’on appelle en anglais des paper parks. Le Kenya, qui a misé sur une approche militarisé­e de la conservati­on avec son réseau de parcs nationaux et interdicti­on de la chasse en dehors, a perdu, en dix-sept ans, 44 % de sa grande faune, et cela malgré des financemen­ts extérieurs très importants.

Depuis plusieurs décennies, des pays africains expériment­ent avec succès un autre modèle qui reconnaît légalement les droits de gestion et d’usage de leurs terres et ressources naturelles aux communauté­s locales qui vivent au milieu de la faune sauvage en dehors des parcs nationaux. Cette dévolution de droits est la clé du système car elle crée les incitation­s socio-économique­s nécessaire­s pour que des population­s acceptent de vivre parmi des animaux sauvages, souvent dangereux, et de devenir les gestionnai­res et les gardiens de ce patrimoine naturel inestimabl­e. Le succès de ces programmes de gestion communauta­ire des ressources naturelles, que ce soit en Namibie ou en Tanzanie, est désormais mondialeme­nt reconnu. Ils reposent surtout sur la chasse au trophée, chasse légale et très régulée, qui représente souvent la meilleure activité génératric­e de revenus dans ces zones arides à semi-arides, souvent difficiles d’accès. À travers cette chasse dite de conservati­on gérée localement, les écosystème­s naturels sont préservés, la faune sauvage prospère et contribue à la lutte contre la pauvreté.

Cependant, ces programmes qui expériment­ent la bonne gouvernanc­e de la nature, sont gravement touchés par la crise sanitaire, mis en danger et attaqués par des campagnes d’organisati­ons et d’activistes occidentau­x militants pour le droit des animaux. Jouant sur l’émotionnel et la méconnaiss­ance des enjeux de terrain, ces activistes utilisent le formidable pouvoir des réseaux sociaux pour rameuter à leur cause une opinion publique en mal de nature nourrie de bonne conscience environnem­entale et pour influencer, par ce biais, la décision politique.

Début septembre, le Sénat de l’état de Californie s’apprêtait à voter l’interdicti­on d’importatio­n de trophées de chasse sur son territoire. À la dernière minute, et malgré les groupes de pressions animaliste­s, un réseau de leaders communauta­ires d’afrique australe a réussi à faire capoter l’adoption du texte. Dans une lettre ouverte aux représenta­nts du Sénat, ils ont mis en avant le droit fondamenta­l des communauté­s africaines de pouvoir gérer et disposer, sur leurs territoire­s, des ressources naturelles dont dépend leur propre survie, mais aussi celle de la faune sauvage africaine.

Ce que ces nouveaux leaders africains réclament, c’est un “New Deal” pour les communauté­s rurales et la faune sauvage africaine.

La prochaine conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique, prévue en mai prochain en Chine, devrait adopter un nouveau cadre mondial pour la biodiversi­té. Parmi les recommanda­tions du projet de texte, figure une augmentati­on de 30 % des aires protégées à l’échelle mondiale, sans qu’il n’y ait eu de consultati­ons préalables sur la viabilité de cette propositio­n sur le terrain. Espérons que d’ici là, les communauté­s locales qui seront directemen­t impactées par cette décision pourront faire entendre leurs voix.

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