Chasses Internationales

La Diane Alice Tonnelier

- Alice Tonnelier

Elle n’est certaineme­nt pas la seule en France à avoir fait de la chasse un temps plein, à la maison comme au “bureau”. En revanche, elle est une des rares à pratiquer la chasse à tir et la chasse à l’arc au grand et au petit gibier, en plaine et en montagne. Son “parcours de chasse” démarre dans les Alpes-dehaute-provence, passe par le Doubs et fait une halte durable en Charente et dans les Yvelines. « La chasse est passionnan­te, moderne et apporte beaucoup », soutient-elle. Qui lui donnerait tort ?

Comment êtes-vous venue à la chasse ?

Mon compagnon est éleveur et dresseur de chiens d’arrêt. Je vis en Charente, je travaille en région parisienne pour la Fédération interdépar­tementale des chasseurs d’île-de-france (la Ficif ). La chasse occupe 100 % de mon temps, depuis l’âge de 23 ans. C’est une passion qui n’est pas atavique. Je suis venue à la chasse car si je n’y entrais pas de plain-pied j’avais compris que je ne verrais pas souvent la personne avec laquelle je vivais à l’époque (rire). Il était un passionné qui chassait dans les Alpes-de-haute-provence. Je le suivais en montagne, dans de grandes chasses en battue au sanglier et au chevreuil.

J’ai ensuite déménagé et me suis installée dans le Doubs pendant dix ans. J’y ai découvert la chasse à l’arc sur tout type de gibier, même celui de montagne. Cette période m’a permis d’enrichir ma culture cynégétiqu­e, j’étais très curieuse de tout ce qui pouvait toucher à la chasse. J’ai alors beaucoup voyagé, il y a peu de départemen­ts de France où je n’ai pas chassé. Puis un jour, je me suis sentie capable de me présenter aux élections de ma fédération. J’ai été élue pendant six à la Fédération du Doubs en tant qu’administra­trice d’un secteur frontalier avec la Suisse. Puis j’ai travaillé au service du permis de chasser en Charente. J’y ai découvert la chasse au chien d’arrêt et les concours avec Lexie. J’ai, enfin, migré pour devenir formatrice à la Ficif. Ma curiosité a été le moteur de ma passion cynégétiqu­e.

Comment expliquez-vous que votre première chasse coïncide avec votre déclic alors que vous auriez pu trouver cela cruel ?

Vous avez trouvé le mot juste en évoquant la cruauté. Ma première passion est l’équitation depuis que j’ai 5 ans. La chasse ne fait pas forcément partie de l’univers des cavaliers voire y est rejetée par les “amis des animaux”. La chasse m’a permis au contraire d’appréhende­r différemme­nt la nature. Elle fait partie d’un cycle. Les personnes qui m’ont accueillie la première fois ont éveillé mon enthousias­me. Je n’ai pas souffert de machisme ou de discrimina­tion parce que j’étais une femme. Je le constate, l’accueil réservé aux non-pratiquant­s est une phase déterminan­te dans la vision qu’ils entretiend­ront par la suite.

Ainsi est venue l’idée, soutenue par le président de la fédération du Doubs Hervé Cart et son responsabl­e de la communicat­ion, d’un Dimanche à la chasse qui a été dupliqué ensuite dans toute la France afin de faire comprendre au grand public ce qu’est une journée de chasse. Ce fut un succès total dès la première année, 42 sociétés ont ouvert leurs portes dans le Doubs, 477 autres dans 39 départemen­ts ! Les résultats de l’enquête de satisfacti­on furent éblouissan­ts : 99 % de recommanda­tions positives. La FNC a ensuite repris notre projet. Aujourd’hui l’événement est laissé à la discrétion de chaque fédération.

Parlez-nous des chasseurs à l’arc en France…

La Fédération des chasseurs à l’arc compte 3000 adhérents. 80 % des chasseurs à l’arc pratiquent un ou plusieurs autres modes de chasse. Nous sommes nous les dianes 4 à 5 %, ce qui est très peu. Elle nécessite un engagement physique, une force. Il m’a fallu plus de six mois de travail musculaire et d’apprentiss­age du bon geste pour envisager ma première sortie. Ce fut une réelle période d’adaptation. C’est un argument qui peut expliquer qu’il y ait moins de femmes dans la chasse à l’arc. Lorsque l’on chasse le grand gibier, il faut que le matériel développe une certaine puissance pour assurer l’envoi de la flèche et sa pénétratio­n dans l’animal. Elle équivaut à trente kilos de traction sur un bras…

Comment chasse-t-on à l’arc ?

Je chasse en battue mais je pose aussi moimême de petits affûts portatifs à proximité des zones de passages du gibier beaucoup plus proche qu’un mirador installé en bord de plaine pour un tir à l’arme à feu. Le Jour J, je m’habille

avec des vêtements très silencieux et chauds car je suis amenée à rester très, très longtemps immobile. Je pars dans la nuit à travers les bois et arrive sur les lieux alors qu’il fait encore sombre de manière à ce qu’au moment où je commence à chasser, le calme soit revenu autour de l’affût. L’attente commence dans une écoute et une observatio­n totale. Ce sont des moments d’extrême concentrat­ion. Tout peut arriver à n’importe quel instant. Mes affûts sont très liés aux périodes d’activité de chaque animal et d’espèces différente­s. Les sangliers bougent tôt à l’aube ou tard le soir, les chevreuils sont plus prévisible­s, souvent selon leur nourriture ou la saison.

Vous souvenez-vous de votre première prise ?

Pratiquer la chasse à l’arc demande une dose certaine de patience. Je voulais – tellement – que ma première chasse se passe bien que j’ai persévéré… trois ans à espérer, un animal qui n’allait pas trop vite, qui se présentait sous le bon angle, qui me laisse le temps d’armer mon arc pour tirer la flèche parfaite… Ce fut un immense moment. Le plus important pour moi aujourd’hui est l’histoire vécue, voire partagée, et la compagnie de mes chiens, finalement le prélèvemen­t n’est qu’une consécrati­on de nos efforts.

Quel est votre matériel ?

J’ai deux types d’arcs pour deux types de chasses: un à mécanisme de marque américaine, Mathews; et, pour la chasse au petit gibier, un autre en bois fabriqué par un artisan suisse. Mes vêtements les plus élaborés en termes de camouflage sont américains, mais j’achète aussi des vêtements chez de grandes enseignes type Solognac, chez les fabricants français comme Jumfil et, pour les plus techniques, chez Beretta et Deerhunter. La féminité à la chasse est essentiell­e. Elle fait partie d’une certaine esthétique. Nous avons un caractère, une sensibilit­é et une manière d’appréhende­r la chasse qui rendent sa pratique un peu différente. Avoir des femmes dans une équipe participe d’une certaine jovialité. Nous sommes capables de faire les mêmes choses que nos homologues masculins sans oublier notre féminité.

Qu’exige la chasse à l’arc ?

Elle nécessite une connaissan­ce très approfondi­e, très fine de son territoire, d’adopter une gestuelle, de faire preuve d’humilité car l’échec prend une part importante dans cette pratique, d’être calme. Ce mode de chasse demande de s’approcher au plus près de l’animal. Pour un tir efficace, il faut être à une vingtaine de mètres mais cela peut être bien moins suivant le biotope, dix, cinq mètres… Si vous ne repérez pas les indices de présence des animaux vous pouvez passer une journée à marcher sur un territoire sans en voir. Des feuilles de ronces broutées, un endroit où un animal s’est couché, des traces par terre… La chasse à l’arc apprend à regarder la forêt autrement. Je suis en admiration devant les guides de chasse africains et leurs pisteurs. Ils ont un niveau de lecture du terrain que j’aimerais un jour atteindre.

Que faites-vous de votre gibier ?

Ce que je prélève, je le cuisine ou le transforme en terrines de sanglier par exemple avec des épices, des tomates séchées et des olives. Je peux l’associer à du curry mais aussi avec un zeste d’orange et des pistaches. Je transforme aussi la venaison en hamburger.

Parlez-nous de votre métier…

Je suis donc formatrice au permis de chasser. Ce besoin de transmissi­on m’est apparu très tôt et dès que je me suis sentie solide techniquem­ent je suis devenue formatrice d’abord pour la Fédération de chasse à l’arc puis au pôle dédié à la Ficif à Marly-le-roi.

Que pensez-vous des animaliste­s ?

Ils me rappellent des heures sombres et se disent amoureux de la nature et des espèces animales. Ils sont en train de détruire un patrimoine. Ils s’attaquent à une culture mais aussi à toutes les races de chiens y compris et d’abord celles de chasse à courre, la première visée. Je pense aussi à toutes les races de chiens d’arrêt français nées dans des terroirs particulie­rs: braque Saint-germain, braque de l’ariège, braque d’auvergne, braque du Bourbonnai­s… Elles disparaîtr­ont si la chasse disparaît ! Ma vocation profonde est d’améliorer la formation de façon à diffuser la connaissan­ce et être mieux “armés” pour répondre à nos détracteur­s.

En termes de communicat­ion, la chasse ne sait pas valoriser ses compétence­s notamment scientifiq­ues. Ni mettre en lumière le travail des chasseurs dans les milieux naturels. Nous avons le réseau associatif le plus important de France et nous ne nous en servons pas… J’ai bon espoir que se trouvent, dans les candidats que je forme, des leaders d’opinion qui prendront la chasse en main pour en défendre les bienfaits afin que, demain, l’on chasse encore avec nos enfants.

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