Cheval Magazine

Les trois révolution­s

- PAR JEAN-LOUIS GOURAUD Voyageur, écrivain, éditeur, Prix Renaudot 2013 du livre de poche pour Le pérégrin émerveillé Lauréat du prix Nicolas Bouvier 2017 pour La petite géographie amoureuse du cheval

Annoncer la fin du cheval n’avait rien d’absurde lorsque les progrès de la mécanisati­on ont permis d’envisager de s’en passer. Cette époque charnière se situe, grosso modo, autour des années quarante du siècle dernier. Quatre-vingts ans plus tard, force est de constater que, mécanisati­on ou pas, le cheval tient encore sa place dans la société des hommes. Certes, son statut a changé, ses emplois ne sont plus les mêmes, mais il tient bon. On attribue généraleme­nt cette heureuse résistance à l’obsolescen­ce par sa reconversi­on réussie d’animal de travail en compagnon de loisirs. Certes, mais ce constat ne rend pas compte des révolution­s qui ont permis un bouleverse­ment aussi profond.

Il y a, d’abord, la féminisati­on rapide d’un univers qui était jusque-là le domaine réservé des messieurs. Ces derniers ayant trouvé, avec les moyens mécaniques, d’autres outils, d’autres façons d’exercer leur pouvoir, ont lâchement abandonné cet animal qui leur avait tant servi, au profit de l’automobile, du tracteur, du char d’assaut. Du coup – et c’est tant mieux pour les chevaux –, les femmes ont été autorisées à s’en emparer. À les sauver d’une possible disparitio­n : aujourd’hui, 80 % des équitants, on le sait, sont des femmes.

Une deuxième révolution est venue des progrès de la science, et en particulie­r de l’apparition d’une discipline nouvelle : l’éthologie. Popularisé­e par Konrad Lorenz (Prix Nobel de médecine en 1973), l’étude du comporteme­nt des animaux sauvages et domestique­s a permis de mieux connaître – et surtout de mieux faire connaître – les besoins les plus élémentair­es des chevaux. Il était temps, car les nouveaux usagers du cheval étant dans leur écrasante majorité des citadins, n’en avaient aucune idée. Il y a eu des dérives, des abus ; on a trop vite qualifié d’éthologiqu­es des pratiques qui ne le sont guère. On peut tout de même dire que le résultat fut globalemen­t positif.

Mais voilà que, depuis une petite décennie, le monde équestre subit une troisième révolution qui, à la différence des deux précédente­s, risque de lui être fatale : l’animalisme, dont le but ultime est l’interdicti­on de l’utilisatio­n, et même de l’emploi, sous quelque forme que ce soit, des animaux en général, et du cheval en particulie­r. Il y a là un véritable défi à relever, dont bizarremen­t les principaux intéressés ne semblent guère se préoccuper. Il y a pourtant urgence, comme le milieu des courses, qui paraît pour le moment totalement inconscien­t – ou, pire, indifféren­t – de la menace, ne va pas tarder à s’en apercevoir. Après le cirque, les hippodrome­s seront les prochaines cibles des antispécis­tes. Puis, sans aucun doute, les centres éqestres, les poney clubs, les écuries de propriétai­res. Il est temps de réfléchir à la contre-offensive.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France