Émilie Bussereau avec Brocard de la Chapelle.
Implanté dans le Val d’Oise, le Haras de la Chapelle est l’un des acteurs du jumping français. Écurie de compétition et de propriétaires, cette structure familiale et franco-québécoise élève, travaille et fait le commerce des chevaux de sport dans le respect des traditions et de la bienveillance. Rencontre.
«On travaille fort en ce moment », lance Julien Bussereau en nous accueillant en ce lundi matin. Sa femme, Émilie, et lui ont dû interrompre leur réunion pour venir au-devant de nous. Un rituel hebdomadaire qui leur permet de faire le point au lendemain des concours et de répartir le travail de la semaine. Il est 9h30, les traits sont un peu tirés, la fatigue se fait sentir mais le ton est jovial, le sourire franc. La veille, les deux cavaliers pros étaient à Villers-Vicomte dans l’Oise, pas très loin de la « maison ». Une bonne sortie, Émilie a terminé 5e du Grand Prix à 1,40 m avec Artist De Capucine (selle français de 10 ans, par Diamant de Sémilly). Ajouté au fait qu’en ce moment les nuits sont courtes pour Julien qui effectuent régulièrement des rondes nocturnes autour des prés pour surveiller les chevaux, suite aux actes de mutilations qui se multiplient ces derniers mois. À 32 ans, c’est lui qui a repris les rênes du Haras de la Chapelle avec sa femme, en jouant un peu des coudes et avec le consentement - plus ou moins mutuel - de ses parents (les fondateurs du haras) qui continuent de veiller au grain….
Une structure en évolution
Situé à 15 minutes à peine de Pontoise, le Haras de la Chapelle se niche en contrebas d’une petite vallée entourée de verdure, bordant le château de Labbeville, le long de la route menant à Vallengoujard. La structure se présente en plusieurs parties sur un domaine total de 13 hectares. À l’origine, lorsque Pascale et Jean-Louis Bussereau, les parents de Julien, acquirent la propriété en 1988 (son année de naissance, faut-il y voir un signe…), il n’y avait alors que deux hectares. Il s’agissait d’une écurie de courses construite par un lord anglais aprèsguerre. Après avoir été apprenti jockey à Maisons-Laffite, puis cavalier pro de CSO, Jean-Michel Bussereau décide de se lancer à son compte avec sa femme (alors ingénieure en informatique). « J’étais juste amateur mais j’ai toujours été passionnée par les chevaux », se souvient cette dernière avant d’ajouter, « on est parti de zéro, puis petit à petit, on s’est agrandi. En 1995, on a racheté six hectares de plus, puis en 2003 la maison ». Une vaste longère qui faisait partie des communs du château voisin. C’est ainsi que la petite entreprise Bussereau démarre, avec une quinzaine de propriétaires et 35 boxes : « je faisais tout, tout seul, je n’avais pas de personnel, ni de palefrenier. Pascale allait nourrir les chevaux avant de partir au travail. Aujourd’hui, j’ai passé le flambeau », renchérit Jean-Louis. Actuellement la structure compte 70 propriétaires et près de 170 chevaux, dont une quarantaine de chevaux d’élevage, sa marotte. À l’instar des « anciens », Émilie et Julien vivent aussi sur place dans une autre maison faisant partie du domaine. Pour gérer cette importante structure familiale, ils
Actuellement la structure compte 70 propriétaires et près de 170 chevaux, dont une quarantaine de chevaux d’élevage.
sont (bien) entourés d’une dizaine de personnes à plein temps. Un cavalier pro, Thomas Lecouteux, s’occupe par exemple de la partie propriétaire et monte les chevaux de commerce, en quelque sorte le « bras droit » de Julien. Mathieu Roussé, lui travaille plutôt avec Émilie dont dépendent aussi une groom et une autre cavalière, Marie. Alexandre Franquis, le chef d’écurie s’occupe des chevaux et des installations, en perpétuel travaux de modernisation et d’optimisation. Sans oublier petites mains et stagiaires qui mettent de l’huile dans les rouages. « On a une super équipe, j’ai mis un peu de temps à la créer mais je suis content », lance fièrement Julien. Pascale et Jean-Louis, ses parents font aussi partie de cette dream team. Pascale tient scrupuleusement la comptabilité, Jean-Louis s’occupe de la partie élevage. Ce dernier est d’ailleurs juge référent Ile-de-France et national, et par ailleurs président du Comité départemental d’équitation du Val d’Oise. Certes le jeune « entrepreneur cavalier » paraît plus chanceux et plus entouré que son père à ses débuts, mais les temps ont changé, et, de l’avis de tous, « il est difficile de se lancer et surtout de pérenniser dans ce métier », sans base ni structure solides.
Discipline : CSO
Julien, lui, ce qu’il aime, c’est « toucher à tout ». Organiser, faire travailler les cavaliers, aller en concours… Tombé tout petit dans la marmite, en selle quand les autres apprenaient à peine à marcher, aujourd’hui finalement il monte peu. Monter les chevaux, ça c’est le job d’Émilie, sa femme et partenaire. À 33 ans, cette cavalière pro d’origine québécoise les travaille et les valorise, et notamment les chevaux de l’élevage familial. « On essaie de les vieillir le plus possible, on ne les vend qu’au moment où l’on peut le mieux juger de leur qualité », souligne Pascale Bussereau. « On prend notre temps, on fait attention à respecter leur évolution. Si un cheval est tardif, il fait quelques concours à
« On était 14 pendant le confinement, on a eu de la chance, tout le monde a joué le jeu et beaucoup travaillé » JULIEN BUSSEREAU
4 ans, puis on le remet au pré », ajoute Julien. « On est à l’écoute, si on les pousse, on fait du mauvais travail, on les casse physiquement et moralement. » Et Jean-Louis de surenchérir,
« un cheval, il faut toujours lui donner sa chance. Si je décèle une qualité, on lui donne le temps », un précepte qui sonne comme un adage propre à d’autres ténors du CSO, tel Bosty. Au sein de la structure, Émilie détient ainsi un rôle clé, c’est elle qui tire les chevaux vers le haut à partir de 5 ans, après un débourrage maison. Pour les éduquer, les jeunes sont très peu enrênés. Julien aime les travailler aux longues rênes à partir de 3/4 ans,
« pour travailler la bouche, la mise en main et la locomotion, sans le poids du cavalier ».
Pour mener à bien sa mission, la jeune femme doit travailler 8 à 10 chevaux par jour. Tous les quinze jours, elle est coachée par Laurent Elias en CSO et Maxime Collard sur le plat. Et en pleine saison, elle est en concours cinq à six jours sur sept avec plusieurs chevaux d’élevage ou de propriétaires. Avec leurs trois camions (deux poids-lourd et un van), les Bussereau peuvent transporter jusqu’à vingt chevaux. Un staff impressionnant ! Car les cavaliers de Julien sortent également
La dream team du Haras beaucoup, écurie ddeejlua mChpapineglleo,ubnleigéeq.uipe Au final, le clan Busesneorreeatupaarfsauitedméevnetlopper une organisoargtaioninsébei. en rôdée et qui a porté ses fruits lors du premier confinement. Avec 90 chevaux au box, il ne fallait pas chômer. Le personnel a d’ailleurs été logé sur place.
« On était 14 pendant le confinement, on a eu de la chance, tout le monde a joué le jeu et beaucoup travaillé. On a maintenu un lien avec les propriétaires, Julien envoyait des vidéos tous les jours, les gens étaient rassurés et contents », se souvient Pascale. Car même si tous les chevaux vont en extérieur très régulièrement (paddocks et balades), ils ont toujours été travaillés. « 60 % du travail des chevaux est réalisé dehors, à l’extérieur de la carrière. On fait beaucoup de trotting pour leur donner de la condition, les aérer. », souligne Julien. Le Haras de la Chapelle, qui a triplé de volume en 15 ans, devrait poursuivre son développement. Pascal et Jean-Louis peuvent être sereins, les « jeunes » assurent la relève. Ici, tout le monde est à fond ! Et ce n’est qu’un début. Des aménagements sont en cours pour moderniser et faire évoluer les bâtis. Un haras en héritage, ça s’entretient !