Chronique Républicaine

Estelle, rescapée d’Irma

TÉMOIGNAGE

- Brigitte Beaumert

Poilley. Depuis une quinzaine de jours, Estelle Laurent est revenue vivre provisoire­ment chez ses parents à Poilley, avec son fils de 4 ans. Son mari, lui, est resté à Saint-Martin pour s’occuper de leur maison dévastée. Tous trois ont vécu au coeur de l’ouragan Irma qui s’est déchaîné sur leur île dans la nuit du 5 au 6 septembre.

« Notre maison se situe en bord de mer, là où les vents ont été les plus forts, jusqu’à 417 km/heure » explique Estelle. Heureuseme­nt, la population avait été alertée plusieurs jours avant et a pu être évacuée. « Nous avons eu la chance de pouvoir nous réfugier dans un appartemen­t acheté récemment à Anse Marcel. Il est dans une résidence en béton qui a pu résister à l’ouragan ».

L’impression d’entendre des TGV dans la pièce

La nuit n’a pas été plus calme pour autant. « Nous étions en périphérie de l’oeil du cyclone, là où les vents sont les plus violents. On avait l’impression que des TGV passaient dans les quatre coins de la pièce, les murs bougeaient, le sol tremblait. Nous avons dû nous relayer pour appliquer et maintenir des matelas sur les fenêtres pour éviter qu’elles explosent. », se souvient Estelle, encore très marquée par cette nuit d’effroi. « On entendait aussi beaucoup de bruit, à cause des morceaux de ferrailles emportées par le vent qui heurtaient l’appartemen­t ».

La jeune femme a, semble-til, été plus traumatisé­e que son fils. « Arthus a dormi jusqu’à cinq heures du matin, lorsqu’il s’est réveillé les vents les plus violents étaient passés. En revanche c’est lorsqu’on a pu sortir vers 10 h et qu’il a vu tous les dégâts qu’il a été le plus choqué, après il ne voulait plus sortir ».

Trop de dégâts et d’insécurité pour rester

Lorsque le couple a pu rejoindre son quartier, un deuxième choc l’attendait. Si sa maison était encore debout, elle n’avait plus de toit, avait été envahie par l’eau et de nombreux débris jonchaient les alentours. Pire, certaines maisons voisines étaient entièremen­t détruites. « Il y a des situations bien pires que la nôtre » reconnaît Estelle Laurent.

Impossible toutefois de vivre dans la maison, sans eau, ni électricit­é et très endommagée. Plus d’école non plus pour Arthus, elle a été submergée par la mer. Et beaucoup d’insécurité : « il y a eu beaucoup de pillages, pas seulement de magasins mais aussi des maisons et on n’a vu aucun militaire, on a été livré à nous-mêmes et nous avons dû organiser tout seuls la surveillan­ce. Il y avait d’ailleurs un couvre-feu à 18 h 30 par mesure de sécurité ».

Face à cette situation, Estelle a décidé de rejoindre la métropole avec son fils et venir vivre quelques mois chez ses parents à Poilley. « Seule, je serais restée, mais avec mon fils c’était trop compliqué » précise-t-elle. Elle a laissé derrière elle son mari, resté pour s’occuper de la réparation de la maison et de ses affaires immobilièr­es sur l’île.

Le retour, toutefois, n’a pas été simple. Un premier départ a été annulé… En raison de l’annonce du passage d’un deuxième ouragan. « On a eu très peur que ça recommence mais il était finalement beaucoup moins fort et a peu touché l’île ». Estelle et Arthus ont pu s’envoler pour Pointe-à-Pitre, où ils sont restés trois jours avant de pouvoir embarquer dans un avion militaire. « C’était très mal organisé » regrette-t-elle.

Des voisins solidaires

À Poilley, heureuseme­nt, Estelle a pu s’installer chez ses parents avec Arthus. « Le pire c’est qu’on y était déjà en vacances quinze jours avant l’ouragan, on aurait mieux fait d’y rester » précise la jeune femme avec une pointe d’humour. Elle est très reconnaiss­ante envers sa famille et les voisins qui l’ont aidée. « On est arrivé juste avec un sac à dos, on a trouvé beaucoup de solidarité ici » précise-t-elle.

Arthus, lui, a déjà repris le chemin de l’école, à Poilley. Mais pour sa mère, une chose est sûre, la situation n’est que provisoire. « Dès que ce sera possible, nous retournero­ns à Saint-Martin, je ne me vois pas vivre ailleurs. Et ce qui me rend optimiste, c’est que, après l’ouragan de 1995, l’île s’est reconstrui­te en trois mois ».

Malgré tout, Irma n’est pas près de s’effacer de la mémoire d’Estelle et de sa famille. « Même ici, je me réveille en pleine nuit dès que j’entends le vent souffler ». Et à SaintMarti­n, les craintes resteront fortes à chaque saison des ouragans.

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Estelle Laurent se remet tant bien que mal de ses émotions chez ses parents à Poilley.

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