Faune, les véritables menaces
Alors que vient de paraître Animaux disparus, Histoire et archives photographiques, faisons le point sur les réelles menaces qui pèsent sur la faune.
Il faut certainement être anglais pour se permettre d’être auteur, artiste, peindre magnifiquement les oiseaux, s’intéresser aux espèces animales disparues (en remontant aux mammouths) et être expert en pièces rares d’histoire naturelle, quitte à tenir boutique. Le sens de l’étiquette et l’esprit trop cartésien qui nous caractérisent nous empêchent probablement, pauvres Français, d’exceller de la sorte dans divers domaines, pourtant liés les uns aux autres. So french… Enfant, Errol parcourt les salles des museums afin d’observer fossiles et animaux naturalisés. Adolescent, un peu d’argent en poche, il achète ces mêmes pièces qu’il trouve, bradées, dans quelques brocantes et se constitue ainsi son cabinet de curiosités. C’était bien avant la mode qui a relancé il y a quelques années ce principe ancien. Errol se découvre deux autres passions : l’ornithologie et les arts graphiques. Esprit pratique, il va mêler les deux. Un véritable déclic se produit lorsque, recherchant un ouvrage sur les oiseaux disparus, il constate qu’il n’en existe pas : « By God ! Je décide de rédiger le mien ». Et de mêler cette fois-ci la plume et le pinceau. Ainsi, en 1987, paraît une somme – rééditée depuis –, Extinct birds. Décidément protéiforme, notre ami poursuit parallèlement une ancienne quête : collectionner les photographies « immortalisant » les espèces éteintes d’oiseaux et de mammifères ; « je suis parti du principe qu’aujourd’hui, les gens préfèrent une mauvaise photo à une bonne peinture ». Ces documents sont anciens, remontant aux années 1870, ou récents, en sépia ou en couleurs. Mihistorien, mi-détective, notre homme découvre ainsi une série de photos que conservait une vénérable dame de plus de 90 ans, veuve d’un chercheur qui s’intéressa à la fin des années 30 aux derniers représentants du pic à bec ivoire ( Campephilus principalis, États-Unis d’Amérique). Ces documents furent oubliés dans un tiroir durant soixante-dix ans… Aujourd’hui, Animaux disparus, Histoire et archives photographiques (paru chez Delachaux et Niestlé) rassemble ces photos rares illustrant pour la toute dernière fois tel ou tel animal à jamais disparu. Ce peut être un petit oiseau comme un mammifère, tels le cerf de Schomburgk (Thaïlande), le couagga (zèbre des plaines), le thylacine autrement plus connu sous le nom de tigre de Tasmanie, le bubale de Jackson (Magh-
reb), le tétras de bruyère (Usa), le courlis esquimau ( Amérique du Nord) ou la nette à cou rose (Inde et Birmanie). C’est bien l’esprit naturaliste, et non un goût « déclinologue » trop souvent commun chez les écolos français, qui guide notre limier érudit.
La destruction des habitats, danger n°1
Nous avons demandé à Errol Fuller si la chasse « sportive » était responsable, seule, de la disparition des espèces. Selon lui, un seul cas est connu : celui du pigeon migrateur d’Amérique ( Ectopistes migratorius), littéralement détruit au cours de parties de chasse (ou de tir ?) au XIXe siècle. Le dernier sujet aurait été chassé par un adolescent de l’Ohio qui décida de faire empailler ce gibier devenu très rare. L’espèce était pourtant omniprésente du Mexique au Canada, au point de représenter 40 % de l’ensemble des oiseaux du continent toutes espèces confondues ! Le dernier pigeon migrateur, captif, mourut au zoo de Cincinnati le 1er septembre 1914. Pendant ce temps-là, de l’autre côté de l’Atlantique, l’ancien monde se suicidait. Le dodo, quant à lui, n’est pas véritablement chassé mais capturé pour nourrir les équipages des bateaux accostant à l’île Maurice dès 1598. En moins d’un siècle, il disparaît. C’est le premier exemple connu d’espèce animale définitivement supprimée par l’homme ou du fait de ses activités. Depuis la liste s’est allongée, et il s’avère que le chasseur n’est finalement pas responsable de ces disparitions, tout au plus fragilise ou accélère-t-il un processus plus puissant, aux origines autres. Les autres et principales raisons de la disparition des espèces animales sont liées essentiellement – jusqu’à présent – à la destruction des habitats. Sans territoire, point de salut. Errol Fuller insiste sur un point : plus l’espèce a une aire de répartition limitée, plus elle est potentiellement menacée. D’autant plus lorsque l’espèce est endémique à une île ou à un archipel. Non seulement l’animal est rare, mais son habitat est spécifique, donc fragile. Finalement, le fait que le dodo, sujet insulaire, symbolise la disparition animale ne relève pas du hasard. L’île, terre de tous les dangers diton. Avec l’homme débarque une foule de prédateurs ou de concurrents : chats, chiens, chèvres, rats, puces, vermines diverses… Lesquels détruisent, infectent ou entrent en compétition alimentaire avec les oiseaux principalement, qui plus est les spécimens peu ou non volants. Aussi, depuis le XVIe siècle, les découvertes maritimes et l’essor de la navigation qui s’en suit ont signé la mort de nombreuses espèces. Le même phénomène se reproduit de nos jours, mais sur la terre ferme, à cause d’un accroissement de la population humaine inouï, lequel s’ac- compagne dans un premier temps de la destruction des forêts (brousse, savane, jungle, etc.), du défrichage et de l’assèchement des marais en vue de récolter du bois, puis de développer pâtures et cultures. Parallèlement, les carnassiers sauvages sont piégés et empoisonnés par les éleveurs. Enfin, stade suivant, l’urbanisation et ses infrastructures (grillages de tous poils) refoulent toujours plus loin la faune sauvage, tandis que les matières polluantes (pesticides, herbicides, insecticides, engrais…) détruisent les animalcules à la base de l’alimentation de nombreuses espèces, ou corrompent leur métabolisme, réduisant leur fertilité et leur résistance naturelle. Le tableau n’est pas joyeux, si ce n’est que la chasse y est quasi absente. Maigre consolation. L’honnêteté imposerait à nos détracteurs de le reconnaître. Au chasseur de s’investir davantage, malgré tout, dans la préservation des habitats et des espèces. Afin de tenir son rang… François-Xavier Allonneau