Seul, sous le soleil, chassez en sécurité
SEPT BONS RÉFLEXES À ACQUÉRIR
L’été s’achève avec l’équinoxe d’automne, le plus souvent les 22 ou 23 septembre (selon les années). Autant dire que nous chassons tous à la belle saison. Ce qui peut faire craindre nombre de risques réels, d’autant plus que l’on chasse seul.
Parce qu’il évolue seul dans la nature, de manière silencieuse et aux heures crépusculaires, le chasseur (qu’il pratique l’approche ou l’affût) s’expose à des risques dont il n’a pas toujours conscience. L’engouement que suscitent les chasses d’été, notamment du renard ou du chevreuil, nous incite à acquérir de nouveaux gestes. Mais encore, les amateurs de chasse du petit gibier, tôt en saison, peuvent s’exposer aux mêmes risques. Au marais, à la passée des canards ou des bécassines, dans les chaumes, derrière les cailles ou en bord de bois et de champs, taquinant les tourterelles des bois. Focalisé sur sa proie, marchant « à pas de loup » et aux heures les plus chaudes ou crépusculaires, tout chasseur peut buter sur un serpent et s’expose donc à une morsure. La situation risque de devenir pénible et surtout très anxiogène pour la victime isolée. La plupart des conseils prodigués reposent souvent sur l’aide d’accompagnants que vous n’avez pas.
1 - La morsure de serpent
Commençons donc par les bonnes nouvelles : une majorité des morsures dites venimeuses en France ne le sont pas. « En France, un tiers seulement des morsures de vipère s’accompagnent d’une injection de venin », explique André Zarka, instructeur auprès de la Fédération française de sauveteurs secouristes. Un serpent de la taille d’une vipère ne voudra pas gaspiller son venin pour une proie qu’elle ne consommera pas. A contrario, ce sont surtout les jeunes sujets (de plus fine corpulence) qui peuvent, dans leur inexpérience, décharger une importante quantité de venin. « Soyons clairs, les morsures de vipère ne sont que très rarement dangereuses et elles touchent surtout des sujets faibles ou allergiques au venin. Néanmoins, toute personne mordue doit aller consulter un médecin », poursuit l’expert en secourisme en affirmant que la très grande majorité des personnes sont capables de marcher durant plusieurs heures après une morsure pour gagner un poste de soin.
Les bons gestes :
En cas de morsure, sèche ou non, ôtez bagues et alliance pour préve- nir tout garrot. Ménagez le membre mordu (par une écharpe si c’est au bras) et rejoignez la « civilisation ». Ne consommez aucune substance accélérant le rythme cardiaque (thé, café ou alcool). Oubliez l’aspivenin. Inutile de vous obstiner à savoir de quel serpent il s’agit, l’identification étant bien plus complexe que celle présentée dans les ouvrages, et davantage encore sur le terrain avec un serpent fuyant dans la broussaille. Le plus simple consiste à ausculter la zone de morsure. S’il s’agit d’une vipère (et donc à prendre au sérieux), elle vous laissera une trace caractéristique sur la peau : deux perforations causées par ses crochets espacés de 5 à 15 mm. Si vous observez autre chose, c’est que l’agression est bénigne car non venimeuse parce qu’il s’agit d’une couleuvre. « L’eau froide d’une eau vive par exemple est un remède partiellement efficace en plus de soulager un peu le mal, le venin des vipères est détruit par le froid. Évidemment, la désinfection de la plaie s’impose rapidement (lire encadré p. 114) », précise André Zarka.
2 - Les piqûres d’insectes
Mais dans le registre des venins, André Zarka est catégorique : « Je crains davantage une piqûre d’hyménoptère (guêpes, abeille, frelon) qu’une morsure de vipère. Si leurs effets sont très majoritairement bénins, il n’en demeure pas moins que leurs fré- quences et le nombre de morts qu’elles causent (une cinquantaine par an) imposent de s’y arrêter. » Près de 25 % de la population est allergique à leurs piqûres. « Ce sont ces personnes qui courent un vrai risque. Celles souffrant d’une allergie, quelle qu’elle soit, se devraient d’aller consulter un médecin pour définir en amont d’éventuels croisements allergènes face au venin d’hyménoptères. Si elles sont concernées, elles devront se faire prescrire un traitement spécifique et l’emporter avec elles sur le terrain. » Pour les autres, deux contextes doivent être pris au sérieux : les piqûres multiples (qui peuvent être mortelles en raison de l’effet cumulé des toxines) et celles localisées sur ou dans la gorge et éventuellement la face vous imposeront de rebrousser votre chemin.
Les bons gestes :
Pour les piqûres à la main, ôtez tout ce qui peut constituer un garrot (montre, bagues…). Les bourdons et abeilles présentent un dard à aiguillon. Une étude américaine a démontré que certaines guêpes laissent également leur dard. Après piqûre, il reste donc planté dans votre peau avec la poche de venin. L’emploi d’une petite loupe pourra grandement faciliter l’extraction propre et rapide (la propagation totale du venin depuis la poche prenant une minute). Le port d’une cagoule et/ou d’une casquette, désormais large-
ment utilisé par beaucoup de chasseurs silencieux, peut se révéler utile pour limiter le risque de piqûres sur des zones sensibles (cou et partie basse du visage). Les frelons ont un aiguillon mesurant 5 à 6 mm de longueur, permettant des piqûres intravasculaires, et la quantité de venin qu’ils injectent est plus grande, par rapport à celle des abeilles ou des guêpes (2 à 3 mm). Ces « guêpes géantes » sont donc capables de percer certaines couches vestimentaires. Évitez donc de vous approcher des ruches et des nids, c’est d’ailleurs là que ces insectes volants peuvent se révéler les plus agressifs. Avant de vider votre gibier, assurez-vous que les environs proches n’abritent pas un essaim, guêpes et frelons étant frugivores et carnivores également.
3 - Les chutes au sol ou depuis un affût
Plusieurs situations doivent alerter instinctivement la vigilance du chasseur solitaire. « Chaque année, des dizaines de personnes décèdent des suites d’une simple chute. C’est le risque le plus important pour une personne isolée, même dans un environnement naturel sécurisé (tapis herbu), explique André Zarka. Cela peut avoir des conséquences dramatiques si la personne tombe mal (notamment sur la tête). En conditions nocturnes ou semi-nocturnes, le risque est démultiplié. Personne n’est à l’abri d’une foulure en butant contre une souche, une racine, un trou ou une pierre bancale, la tête percutant une branche ou une pierre. Méfiez-vous également des prairies inclinées imprégnées de rosée. » Enfin, autre cas fréquent de blessures, les épines et particulièrement celles perforant le visage, voire l’oeil. Une situation courante en zone forestière, le chasseur étant trop concentré sur l’approche et non la végétation immédiate.
Les bons gestes :
Le port d’un chapeau ou tout autre équipement à visière est dans ce domaine une protection supplémentaire. En tout état de cause, une lampe frontale est un accessoire incontournable au même titre qu’un cou- teau, ne serait-ce que pour rechercher votre animal. Enfin, ne négligez pas la qualité de vos semelles en vous assurant qu’elles sont appropriées à votre terrain. Jacques Bouchet, responsable du réseau « Sécurité à la chasse » de l’Oncfs, prévient : « Contrairement aux apparences, la chasse depuis un mirador n’est pas sans risques. On recense un nombre significatif d’accidents parfois mortels liés à l’utilisation de ces installations. Ce sont principalement les chutes qui sont mises en cause. Elles sont généralement classées en accidentologie dans
4 - Après l’affût 5 - Le tétanos
le critère « grave » (plus de dix jours d’Itt). À cette époque de l’année, ce sont des miradors plus élevés qui sont utilisés pour le tir à l’affût. La gravité varie avec la hauteur. « Les recommandations doivent se porter sur la montée du chasseur à l’échelle, toujours avoir trois points d’appui en portant l’arme avec une bretelle, en travers du dos et bien évidemment non approvisionnée. À défaut, il est toujours possible de monter à l’aide d’une corde une fois positionné sur la plateforme, l’objectif étant d’avoir dans tous les cas les mains libres. Il existe un autre facteur risque dont on parle peu : les armes qui tombent du mirador ne constituent pas une situation anecdotique ! » Vous êtes prévenus. Jacques Bouchet relève également de graves négligences sur l’organisation de sorties : « Nous avons enregistré des accidents mortels dont la cause est un manque total d’organisation du territoire de chasse. Les chasseurs postés quittent générale- ment leur affût (même situation à l’approche) le soir, à des heures crépusculaires, et se font tirer dessus par leur collègue resté plus tardivement au poste et ignorant le partage du territoire avec un autre chasseur.
Les bons gestes :
« Un simple enregistrement préalable (sur papier avec coordonnées téléphoniques et signalement de présence sur le lieu d’affût ou du secteur prospecté prédéfini) permettrait d’éviter considérablement ce type de risque », préconise Jacques. Pour rappel, le tétanos est une maladie infectieuse potentiellement mortelle et qui est due à un bacille
dont les spores sont souvent retrouvées, entre autres, dans la terre et les fèces animales. Sont ainsi exposées toutes les personnes souffrant une plaie souillée. « Le principal danger lié à une morsure de serpent en France, quel qu’il soit, est, au-delà du venin et de la douleur qu’il entraîne, le risque tétanique », prévient André Zarka. On le sait moins, mais une simple épine végétale (ronce, aubépine…) entaillant la chair fait également courir ce risque. Les bons gestes :
Si toute plaie, quelle que soit sa dimension, doit, à ce titre, être convenablement désinfectée, le moyen le plus efficace pour lutter contre le tétanos demeure la vaccination. Une étude réalisée dans l’Hexagone démontre que près d’un tiers des Français ne sont pas à jour dans ce domaine. Les rappels sont recommandés à 25 ans, 45 ans, 65 ans, puis tous les dix ans.
6 - La foudre
En été et à plus forte raison en fin de journée ( heure de sortie de chasse), les orages sont fréquents et parfois, selon les zones, imprévisibles plusieurs heures à l’avance. Porteur d’une carabine, objet métallique, et parfois installé dans un
7 - Principes absolus
affût en hauteur, le chasseur est à ce titre bien plus exposé que les autres utilisateurs de la nature. Dans la nature, seul et confronté à l’arrivée d’un orage, le chasseur doit prendre la situation au sérieux. Si la foudre touche entre 100 et 200 personnes chaque année, près d’un quart d’entre elles en décèdent et nombreuses sont celles qui gardent des séquelles. Les réflexes doivent être guidés selon l’environnement immédiat.
Les bons gestes :
Où que vous soyez, placez-vous sur un point bas par rapport à votre environnement. En plaine, ce sera un fossé d’évacuation, en montagne, en retrait des pics et sommets, en forêt, à distance des plus hauts arbres. Évidemment, quittez votre affût quel que soit son type. Faites-vous le moins attractif possible. Pour cela, laissez votre arme ainsi que tout objet métallique éventuel à bonne distance. Enfin, l’idéal est de se recroqueviller au sol, accroupi sur une couverture en plastique (qui vous isolera du sol) ou un poncho. Les erreurs les plus courantes : - courir pour y échapper : vous augmentez vos risques en créant le phénomène de « tension de pas » ; - marcher carabine canon vers le ciel portée en bandoulière (tout comme ouvrir un parapluie). Vous consti- tuez un formidable point d’impact ; - s’accoler à une paroi ; - se tenir à l’embrasure d’une cavité, d’une porte, de n’importe quel abri ; - se réfugier sous un hangar agricole. Tout chasseur doit avoir conscience qu’en évoluant aux heures chaudes de l’été, seul, il est exposé ne seraitce que parce qu’il ne sera jamais à l’abri d’une déficience de son téléphone portable (problème de réseau ou panne). La première des idées à combattre est de croire que seule la montagne est dangereuse. Bien des coins de « douce campagne » ne présentent pas de couverture réseau efficace. Et si vous êtes pris par la nuit sans éclairage avec une cheville foulée contre une racine émergente, votre chevreuil sur les épaules, vous ne rentrerez pas chez vous avant un temps certain. Lorsque vous chassez seul et surtout loin d’une habitation ou d’un véhicule, ayez conscience qu’il faudra être particulièrement vigilant pour limiter les risques d’accident qui pourraient prendre une autre dimension. En dehors votre propre vigilance, la seule autre précaution à prendre reste de prévenir un tiers de votre lieu de sortie et de votre heure précise de retour. texte et photos Thibaut Macé