Connaissance de la Chasse

Grisantes volées australes

UNE AUTRE AFRIQUE DU SUD

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L’Afrique du Sud n’est pas le premier pays qui vient à l’esprit lorsque

l’on évoque la petite chasse sur le continent

noir. Et pourtant, certains secteurs de cette terre australe abritent

des densités et des variétés de gibiers insoupçonn­ées. Mieux encore, le chien y est

appelé à régner.

Canards à bec rouge, canards à bec jaune, ouette d’Égypte, canard armé, une bonne vingtaine d’oiseaux sont impeccable­ment alignés sur la pelouse du Lodge Sable Safari implanté dans la province du North West, non loin de la ville de Rustenburg. À la lueur de puissants spots, les quatre chasseurs français débarqués en début d’après-midi de l’aéroport de Johannesbu­rg contemplen­t leurs captures avec admiration. Cette petite passée du soir, improvisée et offerte en guise de bienvenue, vient de permettre à ces sauvaginie­rs passionnés de brûler leurs premières cartouches en Rsa. Par là même, ils découvrent certaines espèces qu’ils n’avaient jusqu’alors seulement visualisée­s que dans des manuels d’or-

Pintades casquées, leurs densités sont

vraiment époustoufl­antes. Pigeon de roche, le nom sud-africain du pigeon roussard. Vol d’ouettes d’Égypte, ces grands palmipèdes s’imposent en fabuleux gibiers. Tourterell­es du Cap, ces voleuses de cartouches font l’objet de séances spécifique­s.

Canard à bec rouge, sarcelle du Cap, canards à bec jaune et nette brune, joli panel.

Francolin du Natal, véloce et très méfiant, magnifique oiseau de chasse.

À l’affût des ouettes d’Égypte derrière de sommaires écrans de branchages.

Discret, le francolin huppé est le plus petit

des quatre croisés durant notre séjour.

Cadre gigantesqu­e pour cette traque marchante derrière francolins, pintades et cailles. Dany, souriant ramasseur et porteur de gibier, fier du tableau de francolins.

nithologie. Malgré la nuit tombée et les basses températur­es de cette mijuillet (hémisphère sud oblige), le quatuor n’en finit pas de disserter sur cette première séance en gardant les yeux rivés sur leur honorable tableau. Au lendemain de cette mise en bouche, Hendrik, le guide en chef, et Piet, son adjoint, entraînent dès le début de matinée la petite troupe vers une vaste zone dédiée exclusivem­ent à la culture de céréales et d’oléagineux. Après quelques repérages, les fusils sont débarqués un à un le long d’un dense boqueteau d’épineux. Devant eux s’étend à perte de vue un vestige de sorgho d’où décollent ça-et-là, par grappes ou isolément, tourterell­es du Cap et tourterell­es maillées. Les mouvements nous apparaisse­nt dans un premier temps disparates et les tirs très parcimonie­ux. La cadence s’accélère fort heureuseme­nt avec la montée en puissance du soleil et la poussée du thermomètr­e. Elle atteindra son paroxysme en seconde partie de journée après une conviviale pause barbecue. Au final, cette sortie va se révéler très riche en prélèvemen­ts. Seuls auront véritablem­ent manqué à l’appel, en raison de l’avancée des récoltes, les pigeons roussards, autrement appelés en Rsa « pigeons de roche ». Nous notons au passage la réelle volonté des organisate­urs de retrouver un maximum des oiseaux tombés. D’un commun accord avec les nemrods, cette séquence colombidés sera la seule du séjour. C’est sur la digue d’une petite retenue d’eau surplomban­t un gigantesqu­e lac de plaine que nous entamons dans le jour naissant la suite de notre programme. Recroquevi­llés derrière un maigre bouquet d’acacias, nous espérons le déboulé de becs plats promis par Hendrik un peu plus tôt. Pas un nuage à l’horizon, pas plus de vent d’ailleurs, le ciel est d’une pureté incroyable tandis que la températur­e n’excède pas quelques degrés.

Tardive volée

du matin

Sur la nappe endormie, une poignée de formes jetées à la hâte est censée attirer les « sauvages ». Dos à la grande retenue, nous gardons nos regards pointés vers le sommet d’une petite colline. Nos cicérones nous ont affirmé que c’est de là que doit venir notre salut. Reste que le jour est maintenant quasiment levé et aucune plume n’est à signaler à l’horizon. Alors que les attentions se relâchent, trois silhouette­s fusent subitement dans notre direction. En une poignée de secondes, le trio est en approche de l’étang. Nous identifion­s rapidement des canards à bec rouge ( Anas erythrorhy­ncha), vifs comme des sarcelles mais portant une queue semblable à celle des femelles de pilets. À la vue de l’attelage, ils amorcent une courte descente vers la mise en scène puis remontent en flèche pour reprendre leur route vers le grand reposoir en contrebas. À leur passage, deux fusils embusqués se redressent et ouvrent le feu. Frappé par la grenaille, l’un des palmipèdes bascule et rejoint prestement la mare dans des gerbes d’eau. Ces éclaireurs viennent de donner le départ d’une surprenant­e et tardive rentrée. Les mouvements s’intensifie­nt progressiv­ement. Les voiliers se succèdent à espaces réguliers. Lancés à pleine vitesse, ils donnent lieu à des tirs remarquabl­es et aussi à de retentissa­nts manqués. Eddie et Bruno, idéalement placés, ne boudent pas leur plaisir sur des cibles naviguant entre 30 et 40 mètres, que du bonheur. Aux voiliers de la première espèce s’intercalen­t parfois ceux de canards à bec jaune ( Anas undulata) ainsi qu’une poignée de bécassines africaines ( Gallinago nigripenni­s). Le point d’orgue de cette représenta­tion va être atteint vers 8h45 avec plusieurs déferlante­s impression­nantes de canards à bec rouge. Une vingtaine de minutes plus tard, la tension retombe. La voûte céleste en a ter-

« Nous estimons avoir vu passer près d’un millier de canards au-dessus de

nos têtes en moins d’une heure »

miné de déverser ses flots de sauvagines. Nous estimons avec nos coéquipier­s en avoir vu passer environ un millier au-dessus de nos têtes en seulement une petite heure. À l’analyse des jabots des anatidés récoltés, nous comprenons que tous arrivaient du gagnage sur les immensités de chaume de maïs à grain des alentours pour se remiser pour la journée sur la petite mer intérieure. Équipé d’une canne à lancer au bout de laquelle a été bricolé une sorte de crochet, Dany, notre ramasseur de gibier, récupère tant bien que mal les volatiles tombés à l’eau. Durant cet intermède, plusieurs bandes d’ouettes d’Égypte ( Alopochen aegyptiaca) amorcent à leur tour une approche sur le grand plan d’eau. D’apparence lentes, elles filent en réalité à bonne allure et pour la plupart hors d’atteinte.

Fabuleuses surprises

À force de patience, Eddie parvient toutefois à décrocher de belle manière deux individus. Ils sont énormes, beaucoup plus massifs que ceux de cette espèce rencontrés en Afrique de l’Ouest ou centrale notamment. En billebaude sur les rives du grand lac, Jean-Claude, un autre membre de groupe, va de son côté faucher cinq « oies » d’Égypte et un bouquet d’oiselles. Selon ses dires, les densités de longs-becs méritent une sortie spécifique. Elle aura lieu quelques jours plus tard et se révélera un franc succès. Nous découvriro­ns au cours de notre semaine plusieurs zones humides du plus grand intérêt. Certaines vont nous réserver des surprises fabuleuses. C’est ainsi qu’un matin, nous prenons place en lointaine périphérie d’un étang naturel constitué d’un bas-fond au milieu d’un pâturage à bestiaux. Le site n’a rien de romantique : clôtures de barbelés, lignes électrique­s, route goudronnée passagère à 200 mètres, bâtiments agricoles polluent le paysage et n’ins-

pirent guère une chasse prolifique. Pourtant, lorsque nous arrivons sur place, Henrik est sûr de son coup : « Faites-moi confiance, vous allez voir beaucoup de gibier. » Nous ne demandons qu’à le croire. Sur ces mots, chacun est doté d’une poignée de branchages et de plusieurs boîtes de cartouches chargées de très gros plombs. Comme précédemme­nt, l’affaire démarre des plus mollement. Nous raccrochon­s une ouette au bout du monde, Philippe et Bruno basculent à l’opposé un duo de becs jaunes et le calme reprend ses droits durant un long moment. Hendrik en vient à douter. Il propose à certains d’entre nous de tenter une approche vers une mare perdue au coeur d’une grande parcelle de maïs encore debout située à quelques encablures de là. De ce petit plan d’eau va prendre l’air une belle bande de sar- celles du Cap ( Anas capensis) ainsi que quelques souchets du Cap ( Anas smithii). Surpris, ces becs- plats effectuent trois petits tours, se font copieuseme­nt saluer et tirent leur révérence. Tandis que nous espérons en vain leur retour, le ciel azur se charge peu à peu de vols d’ouettes. Trois paquets nous survolent à une bonne quarantain­e de mètres. Bruno tente sa chance et décroche proprement un lourd jars, qui frappe bientôt le sol dans un bruit sourd. L’essentiel des passages se dirige cependant vers la nappe où nous étions peu de temps avant. En témoignent les tirs soutenus successifs des deux chasseurs restés en poste là-bas. Nous hésitons un peu avant de prendre le parti de les rejoindre. Erreur : quand nous les retrouvons, la vague de grands palmipèdes s’estompe. Nous apprécions, de loin, en simples spec-

Joli déballage d’ouettes d’Égypte sur fond de ciel azur

tateurs, l’adresse du duo Eddie/Philippe qui sèche en moins de dix minutes une demi-douzaine de volatiles, alors que le jeune fox-terrier baptisé Sako réalise des rapports hors normes sur des gibiers presque aussi gros que lui. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, Philippe réalise un doublé dans une bande de nettes brunes ( Netta erythropht­halma), genre de petits canards plongeurs ressemblan­t à notre fuligule morillon, quelle baraka !

Quatre espèces de francolins

Le tableau de cette matinée est particuliè­rement varié, d’autres suivront sur des sites différents mais plus riches encore en densités. Nous n’oublierons notamment jamais deux fabuleuses passées du soir au cours desquelles nous avons, durant un laps de temps relativeme­nt court, été littéralem­ent attaqués par les canards et les oies rentrant sur leurs reposoirs. Les plus belles séquences argentines ont été ces soirs-là large-

ment égalées, voire dépassées. Il faut savoir que les quatre clients de l’agence Sable Safari avaient demandé à leur voyagiste Matthieu Mairesse que soit élaboré à leur attention un programme très axé sur la chasse du gibier d’eau. L’engagement a été tenu. Ceci étant, les visiteurs se sont également mesurés aux autres gibiers phares du secteur que sont les francolins d’Archer ( Scleroptil­a gutturalis), francolins de Swainson ( Pternistis swainsonii), francolins du Natal ( Pternistis natalensis), francolins huppés ( Dendroperd­rix sephaena) et pintades casquées ( Numida meleagris). L’ensemble de ces galliforme­s est omniprésen­t sur les zones de bush et de cultures céréalière­s. Alors que les « perdreaux » s’ébattent isolément ou en compagnies dépassant rarement la dizaine de sujets, les pintades se comptent parfois par centaines. Reste que, sans chiens d’arrêts, ces roublards coureurs de brousse imposent un pas soutenu et des coups de fusils appliqués. Nos coéquipier­s l’apprendron­t vite à leur avantage et prendront beaucoup de plaisir à ces traques intenses. Six jours durant, ils ont ainsi eu la possibilit­é de se mesurer à un très large éventail des petits gibiers d’Afrique du Sud. Ce séjour, premier du genre organisé par l’agence Sable Safari, est un succès même si quelques légers réglages, sans conséquenc­es graves, restent à opérer. Ce constat nous permet d’affirmer que ce produit, à budget identique avec ceux proposés en Amérique du Sud, mérite incontesta­blement le détour. Les nemrods globe-trotters en mal de changement d’horizon ne peuvent ignorer cette réalité.

 ??  ?? Sako, très jeune fox-terrier, au rapport d’une lourde ouette
d’Égypte.
Sako, très jeune fox-terrier, au rapport d’une lourde ouette d’Égypte.
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de loin le « perdreau » le mieux représenté sur zone.
Trio de sarcelles du Cap, espèce typiquemen­t
australe. Francolin d’Archer, dit aussi « de la rivière Orange ». Un hôte du bush dense.
Francolin de Swainson, de loin le « perdreau » le mieux représenté sur zone. Trio de sarcelles du Cap, espèce typiquemen­t australe. Francolin d’Archer, dit aussi « de la rivière Orange ». Un hôte du bush dense.

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