Prise de bec
« Résidant dans le nord de la Manche, j’aime, à l’intersaison de chasse, me rendre aux abords des réserves naturelles pour épier et photographier la faune. C’est ainsi qu’au début du mois de mai 2015, j’ai rejoint la “Mare de Vauville”, une nappe d’eau douce d’une soixantaine d’hectares enclavée entre dunes de sable et falaises granitiques. Comme d’habitude, le site grouillait de vie. Mon regard de sauvaginier s’est immédiatement porté sur les colverts, les milouins et les morillons. Pour mon plus grand plaisir, j’observais à quelques mètres seulement plusieurs canes suivies de leur progéniture. Un peu plus loin, un couple de milouins, sans jeunes, glissait paisiblement le long d’une roselière. C’est alors qu’une foulque macroule, sortie des profondeurs de l’écran végétal, a déboulé comme une furie et s’est mise à courir sur l’eau en fonçant délibérément sur la femelle de milouin. Cette dernière a immédiatement pris la tangente et son mâle n’a pas tardé à la rejoindre. Plus tard, une cane de colvert et sa nichée de très jeunes oiseaux ont subi le même sort. Peu après, c’est un ragondin qui a essuyé les foudres de l’oiseau noir, surprenant. À chaque fois, l’agresseur s’empressait de rejoindre les roseaux après ses attaques. Poursuivant mon affût, je compris bientôt que le rallidé protégeait jalousement ses poussins âgés, tout au plus, de quelques heures. Quel instinct protecteur et quelle combativité ! » Pierre Aillery L’humeur belliqueuse de la foulque macroule n’est plus à démontrer. Très territorial, ce rallidé n’hésite jamais à venir au contact, même d’animaux de taille beaucoup plus imposante, lorsqu’il sent que l’on empiète sur son domaine. Ce trait de caractère est en toute logique accentué quand l’oiseau est en période d’élevage des jeunes.
Philippe Aillery