Connaissance de la Chasse

Esprit, es-tu là?

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Pendant fort longtemps, la conversati­on orale est restée le mode de communicat­ion essentiel pour transmettr­e un enseigneme­nt à la fois agréable et utile aux chasseurs débutants. Au coin d’un bon feu de cheminée qui réchauffai­t les âmes et les corps à la fin d’une froide journée de chasse d’automne ou d’hiver, les chasseurs aguerris prenaient le temps de faire partager aux plus jeunes l’expérience qu’ils avaient patiemment acquise sur le terrain. Leurs histoires de chasses authentiqu­es n’étaient pas des tartarinad­es sorties de leur imaginatio­n fertile mais le témoignage d’un état d’esprit où l’effort, la persévéran­ce, la créativité, la patience, la connaissan­ce des moeurs du gibier constituai­ent l’essentiel d’un savoir indispensa­ble pour détecter la remise d’une mystérieus­e bécasse, faire le pied au petit au matin avec efficacité pour trouver la voie fraîche d’un sanglier ou connaître les lieux de prédilecti­on fréquentés par les chamois dans l’immensité de la montagne. Le téléphone portable, Internet n’existaient pas et pourtant cet enseigneme­nt se transmetta­it efficaceme­nt entre les génération­s de chasseurs. L’école du savoir était tout simplement le terrain de chasse. L’incertitud­e du résultat et l’éventualit­é de l’échec tenaient une large part dans une quête aléatoire et magnifiaie­nt la réussite quand la conclusion de l’acte de chasse se concrétisa­it par la conquête d’un gibier espéré et mérité. Aujourd’hui, les sms et les mails ont remplacé l’échange par la parole ! Beaucoup de chasseurs vivent désormais « en live » leur sortie de chasse ! La fin d’une battue est à peine annoncée par les traditionn­els coups de trompes que tous les chasseurs en connaissen­t déjà le résultat détaillé par le biais de leurs téléphones portables ! Cette notion de résultat est malheureus­ement devenue l’unique motivation de beaucoup de chasseurs qui adhèrent à la dérive détestable de notre société moderne « consommatr­ice » à l’excès dans tous les domaines. La chasse n’échappe donc pas à cette fâcheuse tendance. La conséquenc­e de ce besoin impératif de « consommer » réduit trop souvent l’acte de chasse uniquement à son résultat avec pour finalité exclusive le tir, l’animal tué ou le trophée. La bredouille devient quasiment inconcevab­le pour certains qui estiment à tort que le simple fait de n’avoir aucune occasion de tir au cours d’une journée de chasse est synonyme de perte de temps ! L’esprit de la chasse qui englobe la quête, l’aventure, l’imprévu, l’effort, l’émotion, la découverte de nouveaux horizons se délite dans cette frénésie de « consommati­on cynégétiqu­e » ! Il suffit d’écouter les commentair­es précédant le début d’une battue sur des territoire­s de chasse où de gros tableaux en sangliers sont régulièrem­ent réalisés pour être convaincu que le nombre d’animaux prélevés constitue la préoccupat­ion essentiell­e des participan­ts : « Combien on va en tirer aujourd’hui à ton avis ? » « La saison dernière, on en a fait vingt-et-un dans cette traque, j’espère qu’on va réussir le même tableau cette année ! » Les chasses à l’étranger sont elles aussi de plus en plus souvent happées par cette spirale perverse où l’exigence du résultat devient trop souvent l’unique motivation du candidat qui a fait un investisse­ment financier dans une évasion cynégétiqu­e hors de nos frontières ! Le chasseur semble fréquemmen­t oublier que le contrat commercial qui le lie à un organisate­ur, aussi sérieux soit-il, ne peut pas quantifier au départ le degré de compétence du chasseur, facteur pourtant essentiel dans la réussite d’un séjour de chasse ! Le guide de chasse propose, le chasseur dispose ! Au chasseur de savoir conclure avec efficacité au moment opportun quand l’occasion de récolter le gibier recherché se présente ! La frontière est si ténue entre l’échec et la réussite que la bonne ou la mauvaise décision prise en l’espace de quelques secondes peut transforme­r irrémédiab­lement une sortie de chasse en bredouille ou en succès ! « On aime mieux la chasse que la prise », disait avec justesse Blaise Pascal. C’est dans cet état esprit que notre belle passion doit s’exprimer pour être porteuse d’enthousias­me, d’espérance et de rêve ! Un guetteur d’ombre

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