À pleines dents
Petit matin tranquille sur le bord du barrage d’Akwaéna, aux portes du Ranch à gibier de Nazinga exploité par la compagnie Nahouri Safari de Benjamin Bassono. Dans la naissance du jour, nous quittons le camp, en compagnie d’une équipe de pisteurs, pour tenter de repérer un bon cob Defassa à l’intention d’un chasseur qui doit arriver dans les prochains jours. Traversant la digue surplombant la retenue d’eau, notre chauffeur est contraint de stopper son véhicule car une importante bande de cynocéphales (ou babouins) est installée. Totalement inféodés aux va-et-vient des hommes et de leurs engins motorisés, les primates de ce secteur font preuve d’une confiance absolue. Ignorant notre présence, ils vont et viennent tranquillement, s’assoient, s’étirent, stationnent sur la chaussée ou vont boire quelques gorgées. De toute évidence, ils ont passé la nuit dans les boqueteaux alentours et sont en pleine phase de réveil. En témoignent leurs regards embrumés. Nous sommes loin du bruyant chahut engendré par ces singes à d’autres heures de la journée. Sur notre gauche, un mâle de taille respectable, assis, bras croisés sur les genoux, finit de sortir de sa douce torpeur. Devant lui, à quelques mètres à peine, une femelle visiblement en chaleur s’approche de la nappe. Son congénère n’y prête aucune attention. Alors que nous immortalisons ce duo, le mâle est pris d’un terrible bâillement à s’en décrocher la mâchoire. La scène est surprenante et pourrait laisser croire une certaine moquerie. Il n’en est absolument rien. Les apparences sont parfois trompeuses, même au coeur de la brousse.
Philippe Aillery