L’homme invisible
Mi-novembre 2015. La migration des oies des neiges bat son plein au Québec. À Victoriaville, entre Québec et Montréal, environ 100000 de ces grands palmipèdes stationnent aux portes de la ville, sur le réservoir Beaudet, le plus important site de rassemblement du Canada. Dans quelques jours, leur nombre va doubler. Si ces oies se reposent et se toilettent sur le vaste lac, elles se nourrissent, en périphérie immédiate de l’agglomération, sur les innombrables vestiges de maïs à grain. C’est sur ces étendues qu’ont lieu les séances d’affût organisées par la pourvoirie Destination le Mirage de Martin Poisson. L’homme et son équipe de guides sont les spécialistes incontestés de la chasse des oies des neiges. Le matériel et les ruses qu’ils déploient pour faire venir à portée de tir le gibier est époustouflant. Mais la réussite de la chasse passe d’abord et avant tout par le camouflage minutieux des chasseurs. Conviés un matin, avant le lever du jour, à prendre part à une volée sur l’un des fameux sites de gagnage fréquentés par les ansérinés, nous nous allongeons dans un poste dit « cercueil ». Autour de nous, plus de 300 formes. En attendant les voiliers, nous discutons avec nos guides. Mais alors que nous sommes certains d’être placés en bout de ligne sur la droite, une voix se mêle régulièrement à la conversation plus à droite encore. À plusieurs reprises, nous nous redressons légèrement pour tenter, en vain, de voir cet interlocuteur mystère. Ce n’est que dans les premières lueurs que nous devinerons enfin péniblement la silhouette de Sébastien, l’homme invisible. Le mimétisme est parfait, pourtant, lui n’a pas de cache. Seuls ses vêtements, l’habillage de son arme et les tiges de maïs rassemblées sur son corps lui permettent de disparaître totalement dans l’environnement. Bluffant ! Les oies n’y verront que du feu. Philippe Aillery