Sur le fil
C’est lors d’un énième séjour printanier en Champagne-Ardenne, à la recherche de grands cerfs à immortaliser dans les champs de colza, que Julien Picot, photographe talentueux et fin connaisseur des moeurs des grands cervidés, a saisi cette scène. Pour le néophyte, il n’y a sans doute rien d’exceptionnel à voir une biche sauter une clôture, et pourtant. Pour l’auteur de l’image, il en va tout autrement et explique : « Cela faisait trois jours que je me rendais à l’affût dans l’espoir de croiser des cerfs coiffés dans les fameuses cultures en fleurs. J’avais découvert un champ reculé en limite du massif forestier. Celui-ci était ceinturé par une route au bord de laquelle était posée une clôture électrique destinée à empêcher les sangliers de sortir du bois. Ce rempart n’avait en revanche aucun effet sur les cervidés qui allaient et venaient à leur guise. Ce matin-là, c’est une biche et une bichette qui quittaient le colza pour rejoindre le sous-bois. Parvenues devant la clôture, il leur faudra plusieurs minutes et de multiples essais pour sauter l’obstacle, pourtant largement à la portée de leurs facultés de franchissement. C’est une caractéristique de leurs limites visuelles. Les grands cervidés éprouvent une difficulté à évaluer les distances et les hauteurs lorsqu’ils sont confrontés à des lignes horizontales. Ceci est expliqué dans l’ouvrage Le Clan des cerfs de Jean-Pierre Verhoeven (éditions du Perron, 2003). Dans l’heure qui suivra cette observation, je verrai des cerfs avoir le même comportement et passer les rubans de manière tout aussi laborieuse. » Julien Picot, avec Philippe Aillery