Opportuniste comme un goupil
Un automne 2017 très sec a contraint l’avifaune migratrice aquatique, de passage à cette époque dans les marais de la Manche, à se concentrer sur les rares points d’eau libre. Ce fut le cas notamment dans la célèbre réserve de Beauguillot, où le photographe amateur Pierre Aillery a ses habitudes (lire reportage dédié au canard siffleur dans le n° 502 de février 2018, p. 50). Ce jour de novembre, de belles densités de siffleurs sont au rendez-vous mais le chasseur d’images peine à engranger des clichés car les oiseaux sont noyés dans l’herbe, affairés à se nourrir. Il y a peu de canards en mouvement et le temps est très calme, trop calme même pour prétendre faire des scènes sensationnelles. Alors qu’il songe à quitter l’affût et à se replier, Pierre voit subitement s’envoler d’un coup les becs-plats installés à paître sur terre pour se reposer immédiatement au milieu des rares nappes d’eau libre disponibles. Les cous sont
tendus, les sifflements caractéristiques retentissent de toutes parts, l’agitation règne. Il lui est sur l’instant impossible d’expliquer cette surprenante agitation. Un long moment s’écoule avant que n’apparaisse, en fond de marais, la silhouette d’un renard. De toute évidence,
le goupil est un habitué des lieux. Il longe méthodiquement les bordures de nappes, museau au sol, à la recherche d’une carcasse fraîche ou d’un oiseau déficient. La gent ailée est aux aguets au passage du canidé alors que, de toute évidence, ce dernier feint de l’ignorer. Le renard repartira bredouille de sa vingtaine de minutes de quête. Aussitôt l’alerte passée, les oiseaux reprendront leurs activités. Plus tard dans la saison, le photographe reverra un renard sur le même site. Celui-ci se fera littéralement pourchasser par un vanneau et devra quitter son périmètre de chasse plus tôt que prévu. Pierre Aillery, avec Philippe Aillery