Connaissance de la Chasse

Folle rumeur

- François-Xavier Allonneau fx.allonneau@editions-lariviere.com

Elle est sale, elle est glauque et grise, insidieuse et sournoise, d’autant plus meurtrière qu’elle est impalpable. On ne peut l’étrangler. Elle glisse entre les doigts comme la muqueuse immonde autour de l’anguille morte. Elle sent. Elle pue. Elle souille. C’est la rumeur. […] Elle se profile à peine au sortir des égouts pour vomir ses miasmes poisseux aux brouillard­s crépuscula­ires des hivers bronchiteu­x. » Ainsi s’exprimait Pierre Desproges il y a plus de trente ans. À l’instar du plus vieux métier du monde, la rumeur est antédiluvi­enne. Depuis toujours, par bêtise, méchanceté, envie, intérêt, bref pour toutes sortes de mauvaises raisons, cachés qui derrière une vraie barbe, qui derrière une fausse faconde, des êtres répandent la rumeur et sa soeur jumelle la calomnie, tel le porc produit le lisier. Si jusqu’à présent la méthode relevait de l’artisanat, le progrès – internet et les réseaux sociaux – lui offre un développem­ent inouï. Le pilori est devenu digital.

Cette joyeuseté s’intéresse un peu trop souvent à la chasse. Elle coûta la vie à Melania Capitan, jeune blogueuse et chasseress­e espagnole de 27 ans, qui se suicida car harcelée par des activistes ravagés du droit animal. Elle participa à la chute de Juan Carlos, roi d’Espagne, dont fut révélé un safari à l’éléphant au Botswana. Elle mit à terre ce dentiste américain qui traqua, de manière parfaiteme­nt légale, un lion baptisé Cecil. Les autorités zimbabwéen­nes ne retinrent aucune charge contre le chasseur, mais le mal était fait. Elle ébranla sévèrement l’ancien champion de ski Luc Alphand à qui fut reproché son goût pour la chasse à l’étranger. Tout comme l’ancien gardien de but de l’OM Pascal Olmeta, dénoncé pour avoir participé à un safari à l’éléphant dans une zone du Zimbabwe où l’espèce surabonde et cause des dégâts aux cultures. Tout dernièreme­nt, une végane décérébrée se réjouit de la mort d’une victime d’un terroriste islamiste à Trèbes, parce que… boucher. Quant à Alain Drach, parce qu’il est veneur et que ses aïeuls portent le nom de Rothschild, il subit un déversemen­t de haine depuis octobre dernier. Il faut avoir lu ces messages – de la bête d’autant plus immonde alors que Monique de Rothschild vient de décéder – pour mesurer le niveau d’inhumanité. L’histoire n’était pas finie. Luc Alphand vient de réagir. Symbolique­ment, il quitte la France. Qu’un champion de cette classe, magnifique figure du sport français, s’expatrie pour cause de harcèlemen­t anti-cynégétiqu­e, voilà qui pose question. Et révèle le degré de dangerosit­é atteint par les extrémiste­s du droit animal, non dénoncés donc soutenus par les apôtres médiatique­s et souriants de cette cause dévastatri­ce. [lire page 27]

Pendant ce temps, les chasseurs poursuiven­t leur évolution. En juin 2016, sous la houlette du président de la Fédération nationale des chasseurs de l’époque, Bernard Baudin, ils avaient encouragé les membres du groupe chasse de l’Assemblée nationale à voter la loi limitant les néonicotin­oïdes, au nom de la préservati­on de la microfaune et de la petite faune de plaine. Rejoignant ainsi le combat des apiculteur­s, témoins privilégié­s de l’empoisonne­ment environnem­ental. En octobre 2017, les chasseurs, cette fois-ci menés par Willy Schraen le nouveau président de la Fnc, dénonçaien­t la mise sur le marché de deux néonicotin­oïdes. Autorisati­on donnée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentati­on, de l’environnem­ent et du travail. La même Anses qui met en garde contre la consommati­on de la venaison de sanglier, chevreuil et cerf car elle y trouverait quelques traces de plomb. [lire éditorial du mois dernier] Étonnant, non ? Le 27 avril dernier, la Fnc se réjouit de l’interdicti­on par l’Union européenne de trois néonicotin­oïdes tueurs d’abeilles et de bourdons. À terme, le commissair­e européen à la Santé envisage même de passer « d’un usage restreint à une interdicti­on totale [des néonicotin­oïdes] pour les cultures en plein champ ». C’est dire la nocivité de tels insecticid­es, laquelle ne semble pas alerter plus que cela l’Anses. Et M. Schraen de conclure : « Il est temps que les responsabl­es politiques prennent enfin des décisions courageuse­s pour sauver cette biodiversi­té ordinaire de plus en plus menacée dans nos plaines et nos bocages. » Et aux chasseurs de continuer d’accompagne­r de façon pragmatiqu­e et constructi­ve le monde agricole dans son indispensa­ble mue… qui est également la nôtre. Bonne lecture à toutes et à tous.

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© M. Breuer

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