Folle rumeur
Elle est sale, elle est glauque et grise, insidieuse et sournoise, d’autant plus meurtrière qu’elle est impalpable. On ne peut l’étrangler. Elle glisse entre les doigts comme la muqueuse immonde autour de l’anguille morte. Elle sent. Elle pue. Elle souille. C’est la rumeur. […] Elle se profile à peine au sortir des égouts pour vomir ses miasmes poisseux aux brouillards crépusculaires des hivers bronchiteux. » Ainsi s’exprimait Pierre Desproges il y a plus de trente ans. À l’instar du plus vieux métier du monde, la rumeur est antédiluvienne. Depuis toujours, par bêtise, méchanceté, envie, intérêt, bref pour toutes sortes de mauvaises raisons, cachés qui derrière une vraie barbe, qui derrière une fausse faconde, des êtres répandent la rumeur et sa soeur jumelle la calomnie, tel le porc produit le lisier. Si jusqu’à présent la méthode relevait de l’artisanat, le progrès – internet et les réseaux sociaux – lui offre un développement inouï. Le pilori est devenu digital.
Cette joyeuseté s’intéresse un peu trop souvent à la chasse. Elle coûta la vie à Melania Capitan, jeune blogueuse et chasseresse espagnole de 27 ans, qui se suicida car harcelée par des activistes ravagés du droit animal. Elle participa à la chute de Juan Carlos, roi d’Espagne, dont fut révélé un safari à l’éléphant au Botswana. Elle mit à terre ce dentiste américain qui traqua, de manière parfaitement légale, un lion baptisé Cecil. Les autorités zimbabwéennes ne retinrent aucune charge contre le chasseur, mais le mal était fait. Elle ébranla sévèrement l’ancien champion de ski Luc Alphand à qui fut reproché son goût pour la chasse à l’étranger. Tout comme l’ancien gardien de but de l’OM Pascal Olmeta, dénoncé pour avoir participé à un safari à l’éléphant dans une zone du Zimbabwe où l’espèce surabonde et cause des dégâts aux cultures. Tout dernièrement, une végane décérébrée se réjouit de la mort d’une victime d’un terroriste islamiste à Trèbes, parce que… boucher. Quant à Alain Drach, parce qu’il est veneur et que ses aïeuls portent le nom de Rothschild, il subit un déversement de haine depuis octobre dernier. Il faut avoir lu ces messages – de la bête d’autant plus immonde alors que Monique de Rothschild vient de décéder – pour mesurer le niveau d’inhumanité. L’histoire n’était pas finie. Luc Alphand vient de réagir. Symboliquement, il quitte la France. Qu’un champion de cette classe, magnifique figure du sport français, s’expatrie pour cause de harcèlement anti-cynégétique, voilà qui pose question. Et révèle le degré de dangerosité atteint par les extrémistes du droit animal, non dénoncés donc soutenus par les apôtres médiatiques et souriants de cette cause dévastatrice. [lire page 27]
Pendant ce temps, les chasseurs poursuivent leur évolution. En juin 2016, sous la houlette du président de la Fédération nationale des chasseurs de l’époque, Bernard Baudin, ils avaient encouragé les membres du groupe chasse de l’Assemblée nationale à voter la loi limitant les néonicotinoïdes, au nom de la préservation de la microfaune et de la petite faune de plaine. Rejoignant ainsi le combat des apiculteurs, témoins privilégiés de l’empoisonnement environnemental. En octobre 2017, les chasseurs, cette fois-ci menés par Willy Schraen le nouveau président de la Fnc, dénonçaient la mise sur le marché de deux néonicotinoïdes. Autorisation donnée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. La même Anses qui met en garde contre la consommation de la venaison de sanglier, chevreuil et cerf car elle y trouverait quelques traces de plomb. [lire éditorial du mois dernier] Étonnant, non ? Le 27 avril dernier, la Fnc se réjouit de l’interdiction par l’Union européenne de trois néonicotinoïdes tueurs d’abeilles et de bourdons. À terme, le commissaire européen à la Santé envisage même de passer « d’un usage restreint à une interdiction totale [des néonicotinoïdes] pour les cultures en plein champ ». C’est dire la nocivité de tels insecticides, laquelle ne semble pas alerter plus que cela l’Anses. Et M. Schraen de conclure : « Il est temps que les responsables politiques prennent enfin des décisions courageuses pour sauver cette biodiversité ordinaire de plus en plus menacée dans nos plaines et nos bocages. » Et aux chasseurs de continuer d’accompagner de façon pragmatique et constructive le monde agricole dans son indispensable mue… qui est également la nôtre. Bonne lecture à toutes et à tous.