Sanglier et petits calibres: union impossible?
IL EST TEMPS DE DÉCOUVRIR LE 7X57, LE 7-08 REM ET LE .308 WIN !
Si vous pensez que pour tuer proprement un sanglier il faut un calibre musclé à vous démonter l’épaule, et qu’au propre comme au figuré cela vous fatigue un peu… Il est peut-être temps de découvrir trois petites cartouches « magiques » qui vous surprendront sans vous maltraiter.
Nous en avons déjà parlé mais l’emploi de « petites cartouches » et leurs balles relativement légères est un sujet récurrent chez beaucoup de chasseurs, dans les magazines et bien entendu les forums ou blogs. Nous allons essayer de revenir sur la question sans être trop redondants. Vous savez désormais qu’il vous faut, pour chasser le grand gibier en France un minimum de 1000 joules (lire encadré p. 107), une valeur un peu abstraite et, sans vouloir donner raison aux pays du Nord et aux Germains, il faut reconnaître que leur règlement, même s’il est loin d’être parfait, est plus réaliste que le nôtre. Si on admet qu’il tient un minimum la route, et tous ceux qui fréquentent à des fins cynégétiques ces pays en conviendront certainement, le 7x57, le 7-08 Rem et le .308 Win, auxquels on pourrait ajouter le 6,5x55, un des calibres préférés des Suédois, offrent au moins un voire plusieurs chargements qui cadrent parfaitement. On peut donc dire que ces trois cartouches sont adaptées à nos bêtes noires et aux battues hexagonales pour peu que le tireur place bien ses balles. Comme avec n’importe quel calibre d’ailleurs. Étayons notre propos à l’aide de comparaisons et d’un court rappel historique.
Le cas de la 7x57 Mauser
Dans le monde des cartouches de chasse comme dans celui des armes, des motos, voitures ou même des locomotives, il y en a qui sont devenues des mythes. Une fois encore nous reparlerons de la 7x57 Mauser même si ce ne sera jamais un « blockbuster ». Nous n’allons pas revenir sur le glorieux passé militaire de la 7x57 Mauser mais sans retomber dans les poncifs nous sommes obligés de parler de ce qu’elle fut et est encore en tant que cartouche de chasse. « C’est une des cartouches les mieux équilibrées jamais conçue… À la chasse elle s’est révélée être une des meilleures cartouches “tous gibiers” et a été utilisée avec succès sur toutes les espèces de grand gibier que compte la planète » Que dire de plus ? Elle a été rendue célèbre par W.D.M Bell, qui l’utilisa
pour prélever plus de 800 éléphants. Sa carabine était une Rigby chambrée pour le .275 Rigby, l’autre nom du 7x57 Mauser avec le 7 mm Mauser espagnol. Bell employait aussi sa Rigby pour le tir de toutes les autres sympathiques « bestioles » africaines, lion et buffles inclus, ne se servant que de la balle blindée cylindroogivale de 11,2 g lancée à environ 720/730 m/s. Jim Corbett n’hésitait pas à affronter seul à seul les plus féroces des tigres du Bengale mangeurs d’hommes. La encore la 7x57 assurait le boulot. Puissance et pénétration suffisante dans les mains de tireurs calmes et entraînés font toujours mieux que puissance brute mal utilisée. Aujourd’hui le 7x57, longtemps prohibé, est rare sous nos cieux mais sa version à bourrelet se rencontre encore fréquemment chez de nombreux traqueurs qui utilisent un vieux mixte Brno ZH. Moins puissante que la version à gorge, la 7x57R continue d’empiler les carcasses et je n’ai jamais entendu un de ses utilisateurs se plaindre.
Une offre de balles conséquente
Dans les pays de l’Est, le 7x57 et le 7x57R restent très utilisés avec une redoutable efficacité sur tous les ongulés, y compris en battue sur de grands sangliers, mouflons ou cervidés. Tuant proprement sans transformer la venaison en viande hachée. Dans ces pays, le chasseur ne possède souvent qu’une seule arme et les mixtes ou drillings sont fréquents. Il est normal que la 7x57R soit plus utilisée que la version à gorge. Norma et RWS confirment ce point par l’offre de deux nouvelles balles en 7x57R : Tip Strike de 10,4 g pour les Suédois et Evo Green de 8,3 g pour les Allemands. Gageons que nous retrouverons bientôt ces deux balles chargées en 7x57 Mauser. En Afrique du Sud, la vieille munition germano-espagnole reste très employée par « monsieur toutle-monde » lorsqu’il va chasser. Musgrave, le fabricant, la propose en chambrage courant et PMP la charge. Aux Usa c’est la munition européenne la plus respectée et appréciée. Souple à l’épaule, incroyablement précise, utilisant les propriétés balistiques des balles de 7 mm, le 7x57 Mauser et le 7x57R ne fatiguent pas le tireur mais offrent une très bonne efficacité terminale. Avec les chargements disponibles, le chasseur équipé d’une carabine de ces calibres ne sera jamais ridicule face à nos plus grands sangliers.
De nombreux spécialistes et adeptes du magnum à tout prix vont rire mais nonobstant sa vitesse réduite par rapport à tous les nouveaux calibres, magnums ou pas, la 7x57 Mauser ne sera jamais ridicule dans les mains de ceux qui privilégient précision du tir, placement de la balle et adéquation de cette dernière au gibier tiré, que ce soit à l’approche ou en battue. Sa version à bourrelet très utilisée en Europe continentale le prouve à chaque saison avec des chasseurs qui ne se posent pas de question et tirent juste. Bien que peu répandu au nouveau royaume de France si vous décidez d’utiliser votre vieille carabine en 7x57 ou votre nouvelle Rigby, vous trouverez un choix assez honnête de cartouches d’usine. Sellier & Bellot offre 8 chargements de 9,1 g à 11,4 g pour des vitesses s’échelonnant de 735 à 810 m/s. Si les 735 m/s vous font sourire, gardez en mémoire que c’est avec ce genre de performance que Bell a collecté l’ivoire qui le faisait vivre et que bien d’autres chasseurs, y compris de nos jours, empilent les trophées de cerfs, sangliers, kudu, antilopes jusqu’aux très lourds élands du cap ou de Derby. Norma ne propose plus qu’une balle, mais quelle balle ! L’Oryx de 10,1 g reste une référence en termes de précision, pénétration et expansion. Lancée à 805 m/s et avec un zéro à 150 m, elle reste dans la zone vitale du plus petit de nos ongulés jusqu’à 200 m. Distance qui, n’en déplaise à beaucoup, reste importante pour tous tirs de chasse. En battue, dans la zone de zéro à cent mètres, la 7x57 et son Oryx, lancées d’un canon de 60 cm, ne sont pas très loin des 7x64 ou 280 Rem tirées par des canons courts de semi-auto de battue. Recul et onde sonore moins prononcés étant au
rendez-vous avec la vieille munition Mauser. Chez RWS nous trouvons deux balles, l’ID Classic (Brenneke Tig) de 10,4 g et la KS de 8,3 g. Avec ses 800 m/s, l’ID Classic offre une DRO 4 cm de 162 m. Ses performances terminales sont connues de tous. La KS à 900 m/s intéressera ceux qui tirent chevreuils, chamois, renards et petits sangliers. Attention toutefois : les carabines anciennes dont le canon était optimisé pour les longues balles de 11,2 g risquent de ne pas offrir la précision optimale avec cette balle. Partizan PPU offre aussi 4 chargements, souvent regardés avec condescendance par les chasseurs et tireurs mais je n’ai jamais eu à me plaindre de ces cartouches en général un peu plus « chaudes » que celles des « majors », comme on dit dans l’industrie du disque. Ceux qui désirent un peu plus de vitesse avec la balle lourde originale, demi-blindée, pourront choisir la PPU qui sort à 750 m/s du canon de 61 cm. La balle Grom de 10,2 g qui reprend peu ou prou l’idée de l’ancienne ABC d’Hirtenberger sort aussi à cette vitesse (pressions CIP obligent). Elle devrait constituer un excellent choix pour la battue. Hornady est le seul fabricant américain à proposer un chargement moderne pour la 7x57 avec sa 139 grs SST lancée à un honnête 840 m/s. Si ces chargements usine sont trop mous à votre goût, le 7x57 facile à recharger peut être amélioré légèrement par un chargement individuel intelligent et réfléchi. Dans ce cas de figure il se positionnera entre deux cartouches redoutables : le 7-08 et le 7x64. Certains penseront peut-être que je veux créer un « nouveau standard » avec cette cartouche et, tel un député pondant une loi inutile, gagner la postérité. Il n’en est rien. Si j’insiste sur le cas du 7x57, qui restera toujours confidentiel chez nous, c’est surtout parce que c’est la cartouche qui démontre le mieux que lorsque la balle est adaptée, que le tireur connaît ses limites et sait placer ses balles, il peut affronter n’importe quel gibier ou situation de chasse. Mais la 7x57 n’est pas la seule cartouche efficace et douce, allons voir plus loin et passons à une cartouche qui est mal comprise et souvent dénigrée par des professionnels qui ne l’ont jamais utilisée ni au tir ni à la chasse : le .308 Winchester.
Le cas de la .308 Winchester
En 2013, les anciens calibres de guerre sont légalisés pour la chasse. Sous l’impulsion des importateurs et fabricants, particulièrement ceux qui distribuent de la cartouche made in Usa, le nemrod français apprend que tout ce qui tuait avant ne tue plus et que la seule munition qu’il lui faut c’est le .30-06, la munition des vainqueurs…
Pourtant quelques chasseurs ouverts, fans de balistique, chassant à l’étranger et lisant des revues françaises et étrangères, des livres, se rendent compte qu’il y a plus moderne, aussi efficace sous nos latitudes mais qui plus est plus précis, reculant moins, disponibles dans tous types d’arme et ne coû- tant pas plus cher : le fameux .308 Winchester. Lorsqu’ils veulent acheter chez l’armurier une BAR, une R8, une Helix ou même une simple carabine à verrou d’entrée de gamme, on leur explique que le .308 c’est pour le tir, que c’est une munition de « sniper » , que les modèles ne sont pas disponibles. « Ce qu’il vous faut Monsieur c’est de la .30-06. » La situation perdure pendant trois ou quatre ans puis, sous l’influence de la demande qui s’étoffe, les professionnels prennent le train en marche et le .308 commence à gagner des fidèles. En général plus intéressés par la balistique que le chasseur de base, ils ont appris à lire les tables balistiques et savent qu’il faut comparer pommes et pommes. Bien entendu il reste plus de sceptiques que de convaincus. Nombreux sont les professionnels et les chasseurs qui considèrent la petite cartouche comme faiblarde, insuffisante pour la battue et nos sangliers blindés, surtout par rapport à la redoutable .30-06… Mais les faits
sont têtus, de l’Europe du Nord à l’Afrique du Sud en passant par l’Allemagne et l’Amérique du Nord, la cartouche de Winchester gagne du terrain, remplaçant peu à peu les anciens standards. Comment cela se peut- il alors qu’un raz-de-marée semble toucher le .30-06 ? Tout simplement parce que lorsque l’on reste dans des poids de balles standards de 9,7 g à 11,7 g, les deux cartouches font jeu égal et si le 308 est insuffisant, le .30-06 le sera tout autant. Pour en avoir une vision plus claire il faut se pencher sur les tables balistiques et analyser de façon précise et objective les données. Pour des raisons de facilités de lecture et de clarté (graphisme et police), je ferais encore appel au catalogue Ruag France pour les deux calibres avec Norma, RWS et Geco en référence. Afin d’avoir des points de repère je vais, comme je l’ai déjà fait, rappeler quelques valeurs d’énergie cinétique. Chez RWS, une 22LR haute vitesse produit 193 joules à la bouche, certaines munitions Us offrant plus de 200 joules. En 22 Magnum, toujours chez RWS, l’énergie initiale atteint 460 joules. Comme l’énergie reste le moyen le plus simple pour comparer les munitions entre elles, nous utiliserons cette valeur pour notre explication.
Et avec une Oryx…
Prenons une redoutable cartouche de .30-06 à balle Norma Oryx de 11,7 g et comparons-la à une fai-
blarde 308 Winchester dotée de la même balle. À la bouche la munition du Springfield produit 3964 joules, une puissance honorable. À 100 m, cette énergie tombe à 3 206 joules. Passons à la .308 Winchester, à la bouche nous obtenons 3708 joules pour 2990 joules à 100 m. Si on en reste là, il est évident que le .30-06 est le plus puissant. Je ne le nie pas. Mais à quoi se monte cette différence qui rendrait le premier supérieur au second en battue : 216 joules à 100 m, soit un peu plus qu’une 22LR HV de chez RWS et un peu moins que certaines 22LR américaines. Les détracteurs me répondront que j’ai choisi un exemple qui m’arrange, que je deviens fou, alors passons chez Geco avec la balle Express de 10,7 g. En .30-06, l’Express produit 3994 joules à la bouche pour 3650 joules à 100 m. La même balle lancée par un 308 ne produit plus que respectivement 3 641 et 3222 joules. D’accord le .30-06 domine la encore mais la différence de 428 joules n’atteint pas l’énergie du 22 Magnum. Nous pourrions continuer longtemps ce petit jeu mais ça deviendrait lassant. De vous à moi, croyez-vous que ce soit 400 joules de plus qui feront que vous culbuterez votre sanglier à 100 m ou que ce dernier ira mourir 300 m plus loin ? Si vous y croyez tant mieux pour vous mais à ce moment-là, pourquoi ne pas assurer un maximum et acheter une .300 Wby Mag ou une 9,3x62 voire 66 ? Autre point non négligeable à prendre en compte, l’utilisation aujourd’hui légale du modérateur de son. Brûlant moins de poudre et générant moins de gaz et de chaleur, le .308 enfonce le .30-06 dans cet usage. Sans compter qu’à longueur de canon égal il est déjà un peu moins bruyant. Sans vouloir paraître dogmatique ou donner l’impression de vouloir casser à tout prix le nouveau standard qu’on veut nous imposer depuis 2013 à la place de nos vieux 7x64, 8x57 IRS ou .300 magnum, j’affirme que le .308 fait jeu égal avec le .30-06 pour nos battues, nos sangliers et nos cervidés. Il en sera de même à l’approche ou à l’affût. La encore c’est le chasseur et son habi- leté au tir qui feront la différence et ce quel que soit la munition qu’il tire.
Le cas de la 7-08 Remington
Pour clore le chapitre des cartouches trop faibles pour la battue selon certains, je parlerai du 7-08 Remington, lui aussi victime d’un marketing borné et peu objectif renforcé par un choix limité de munitions lors de son arrivée sur le sol français. Dès que l’étui du .308 Winchester devient accessible aux chasseurs et tireurs américains, vers 1953, il va être modifié et adapté à différents diamètre de balles. Les adeptes de la silhouette métallique trouvent qu’une balle de 7 mm est un bon compromis pour leur discipline, le 7-08 gagne sa renommée.
En 1980, Remington le standardise et l’homologue. Avec sa précision intrinsèque, son recul modéré, et son classement en 5e catégorie, il talonne le .308 Winchester soumis à autorisation en France. Rivolier qui importe Remington vendra quantité de Rem 700 Varmint qui feront le bonheur des tireurs francophones. Cependant, même si ce calibre est disponible dans des 700 BDL et Seven de chasse, il va rester confidentiel, réservé à des passionnés qui souvent chargent leurs cartouches. Si Remington qui l’a standardisé ne s’y est plus trop intéressé (comme avec le 260), le 7-08 a connu un net regain de popularité depuis septhuit ans dans son pays d’origine. Un choix de balles modernes et performantes a vu le jour et le rendent encore plus performant qu’à son début. La encore je parle d’expérience. La mienne et celle de chasseurs sérieux qui l’emploient souvent, de façon exclusive ou non. Sans m’éterniser, je citerai quelques marques et balles qui offrent un bon potentiel pour la battue. Je m’en tiendrai aux balles au poids compris entre 9 et 10,4 g. Pour ne pas refaire un catalogue, je citerais les cinq charge- ments qui m’interpellent le plus pour la battue. Pour commencer, un cocorico avec la Sologne GPA de 9,7 g. J’ai connu cette balle via le rechargement en 2001. J’avais acheté chez André Quinsa 50 balles GPA pour ma Scout. Sa chambre assez serrée demandait un chargement soigné. Que dire si ce n’est que tout ce qui fut tiré est tombé, vite, propre et net. Cette balle toujours décriée par certains « puristes » (mais moins ouvertement) reste avec la FIP la seule balle spéciale battue du marché. Ensuite je me tournerais vers la Suède et la Norma Tip Strike de 10,4 g. Balle conçu pour combiner expansion importante et pénétration, elle devrait réussir aux chasseurs autant qu’elle me réussit. Ceux qui aiment les chiffres seront ravis de savoir que passé les 15 premiers mètres elle développe légèrement plus d’énergie que la .308 Win à balle Tip Strike de 11 g avec laquelle j’ai abattu ou vu tuer un nombre conséquent de grands sangliers. Pour ceux qui veulent gagner en recul sans trop perdre en performance, j’ai retenu la Federal Trophy Bonded Tip de 9,1 g que je préfère aux Trophy Copper de même poids. Mon expérience limitée avec les deux balles (6 et 8 animaux tirés respectivement) favorisant une fois de plus celle qui contient du plomb. Mon quatrième choix se fixera sur la Hornady Full Boar et sa balle GMX de 9 g. Optimisée pour le tir des cochongliers qui envahissent les Usa et gagnent le Canada, cette balle efficace devrait plaire à ceux qui recherchent efficacité et recul réduit.
Un petit trio gagnant
Même si ce qui précède n’engage que moi et que d’autres alternatives sont possibles, sans renier mon attachement (moins fort aujourd’hui) aux grosses balles lourdes, il me semble qu’il est évident que les munitions précitées pourront satisfaire aux lois de la battue sans être ni ridicules ni insuffisantes. Comparées aux classiques que furent et sont les 8x57IRS, 7x65R, 7x64 ou 280 Rem et au .30-06, notre nouveau standard, les cartouches citées dans cet article sauront apporter de grandes satisfactions au chasseur pour peu qu’il vise juste et tire droit. Si elles vous tentent, ne vous gênez pas. Avant de passer au chapitre suivant, je vais aller nettoyer ma petite Schoenauer en 7x57. Une carabine rare, faite surtout pour le marché belge et luxembourgeois au début du XXe siècle, cet article m’a redonné envie de m’en servir.