Superposé : Sagittaire Diane
UN VERNEY-CARRON AU FÉMININ
Cela fait plus de trois saisons maintenant que l’on a vu naître des gammes féminines parmi les armes de chasse. Les premiers à se lancer ont été Merkel avec la gamme Lady, Caesar Guérini avec sa collection Syren ou encore Beretta avec ses fusils Victoria. D’autres se sont engagés dans cette voie mais pas de Français. Sommes-nous machistes ou est-ce que les fabricants jugent les chasseresses trop peu nombreuses pour s’y attaquer ? Pourtant, si l’on en croit les statistiques et les témoignages des personnes qui encadrent l’examen du permis de chasser, les jeunes filles forment aujourd’hui une part non négligeable des candidats au petit laissez-passer vert. Voilà peut-être pourquoi, en mars dernier, lors de l’ouverture du salon de Nuremberg, l’IWA, Verney-Carron dévoilait un nouveau fusil dont le nom ne laissait planer aucun doute sur la clientèle visée : le Sagittaire Diane. Un superposé donc, puisqu’il s’agit tout de même avant tout d’un Sagittaire, mais aussi une arme nouvelle et entièrement pensée, conçue, dessinée et réalisée pour et avec les femmes. Pas question en effet pour VerneyCarron de se lancer à l’aveuglette sur un chemin aussi peu défriché ou de faire comme d’autres, alléger l’arme et raccourcir la crosse en se disant « l’essentiel est fait ». Chez VerneyCarron il y avait une vraie volonté de faire quelque chose de nouveau et de réellement adapté aux femmes. Seulement voilà, on a beau être fabricant de fusils depuis presque deux siècles, on ne devient pas du jour au lendemain créateur de fusils pour femmes. Une étude de marché et une enquête s’imposaient pour réussir un tel projet. C’est ce qui fut décidé et accompli. Dans un premier temps, les dirigeants de la firme stéphanoise ont décidé de se rapprocher des chasseresses afin de connaître leurs attentes, de savoir ce qui leur plaisait sur les armes de chasse actuelles, ce qu’elles en attendaient, comment elles imaginaient leur fusil de chasse et surtout ce qui leur manquait, ce dont elles rêvaient et qu’elles ne trou
Verney-Carron est le premier des fabricants français à concevoir un fusil uniquement destiné aux femmes : le Diane. Construit sur la base du Sagittaire, ce superposé d’un autre genre et à la décoration imaginée par l’artiste Stéphane Alsac, répond à une enquête réalisée auprès des chasseresses de l’Association nationale de la chasse au féminin.
vaient jamais sur un fusil de chasse au masculin ; sur les plans pratiques, techniques, morphologiques mais aussi esthétiques. Ensuite, ils ont décidé de faire appel à un artiste animalier, et non à un spécialiste de la gravure ou des armes de chasse, pour la décoration de l’arme. De l’enquête effectuée auprès de l’Association nationale de la chasse au féminin (Anlcf) sont nés des pistes, des idées et des thèmes. Et ce qui revenait comme un leitmotiv dans la bouche de toutes les chasseresses interrogées étaient l’envie d’avoir un fusil orné de gravures faisant la part belle aux chiens de chasse, et plus particulièrement aux chiens d’arrêt, au petit gibier bien sûr mais aussi à des gibiers de taille plus conséquente comme le brocard. C’est avec ce cahier des charges, ces idées et une ébauche du futur fusil qu’un projet fut demandé à l’artiste animalier Stéphane Alsac. Très vite il fut décidé que pour laisser la part belle à la gravure ce fusil serait muni de contreplatines qui offrent une surface à décorer presque double par rapport à un fusil à bascule entaillée.
Une aide d’un autre genre
C’est donc ainsi qu’eut lieu la genèse du fusil que nous découvrons ce mois-ci. Et puisque je ne peux pas raisonnablement me considérer comme une des cibles de cette arme, j’ai demandé, exceptionnellement, de l’aide à une personne pour tester mais aussi juger ce fusil sur le plan pratique et esthétique. Cette personne est une femme bien sûr. Il s’agit de Myriam Logghe qui, depuis dix ans, est la responsable de Ball-Trap Club de Gonesse où sont menés tous nos essais. Elle a fait du tir sportif et connaît bien les superposés de tir mais aussi de chasse. C’est avec elle
que nous allons réellement découvrir ce nouveau fusil.
Le Diane est un calibre 12/76. Je m’attendais à un calibre 20, le calibre dit de dame mais non, chez Verney-Carron on a préféré un douze et un douze magnum qui plus est. Il semble que ce choix soit celui des membres de l’Anclf, désireuses d’avoir un outil capable d’envoyer d’importantes charges de plombs. Les canons mesurent 71 cm, ce qui est la norme actuelle, et sont dotés de chokes internes. Trois chokes sont livrés avec l’arme, ¼, ½ et full choke, de quoi faire face à toutes les situations. Les tubes sont surmontés d’une bande droite et ventilée de 7 mm de large. Elle a été striée pour éviter les reflets lumineux parasites. Les canons sont frettés et reliés entre eux par une bande acier soudée à l’étain. Une bande discontinue, puisqu’à l’abri des regards, sous la longuesse, les canons sont laissés libres de toute entrave. Ce choix permet d’alléger l’arme sans la fragiliser pour autant. Et puis reconnaissons que Verney-Carron a bien fait les choses. À la différence de la plupart de ses concurrents, le jour entre les deux bandes intermédiaires a été bouché par une soudure afin d’empêcher toute intrusion de poussière, débris végétaux ou surtout humidité. Les canons éviteront ainsi une corrosion insidieuse, celle de l’intérieur de la bande intermédiaire qui, à terme, provoque une séparation des deux tubes.
La frette monobloc sur laquelle ils sont soudés à l’argent abrite un imposant extracteur. On y trouve aussi les deux découpes qui permettront aux tourillons d’assurer le basculage de l’arme et les deux mortaises, de part et d’autres du canon supérieur dans lesquelles viendra se glisser chacun des deux verrous cylindriques rétractables qui prennent place dans les tonnerres de la bascule. Car le verrouillage de ce fusil, là encore identique à celui des autres Sagittaire, est dérivé de celui du Woodward, à la différence que sur l’anglais il est situé au niveau du canon inférieur.
Une bascule légère et très basse
Une telle fermeture associée à l’emploi de tourillons de basculage et non de broches ou goupille permet à la frette d’avoir une faible hauteur, limitée à celle des deux canons puisqu’il n’y a pas de crochet inférieur. De ce fait la bascule est des plus basses. Et celle de notre Diane ne mesure que 63 mm, soit une des moins hautes du marché avec celle des Beretta.
Cette bascule est réalisée en ergal forgé et comporte, nous l’avons dit, des contreplatines. C’est sur cette vaste surface de métal que Stéphane Alsac a pu opérer, non pas avec un burin et un marteau – notre homme n’est pas un graveur – mais avec un crayon. Ses esquisses, une fois acceptées, ont été numérisées, vectorisées et transformées en un programme informatique pour devenir au final une gravure laser. Avant de vous les décrire, sachez qu’elles sont non seulement bien réalisées, le trait du dessinateur n’a pas été trahi par le faisceau laser, mais surtout que leur composition est aussi originale qu’élégante. J’apprécie tout particulièrement le côté droit de la bascule et le dessous du devant fer.
Sur le côté droit de la bascule, le laser a délimité une zone qui ressemble peu ou prou à une platine de fusil. cette délimitation est purement visuelle puisqu’elle est constituée d’un filet d’un millimètre de large creusé dans le métal. À l’intérieur de la
platine » on trouve trois coqs faisans vénérés dont le panache court jusqu’à la partie fine. À l’opposé, face aux faisans, un braque allemand truité, à l’arrêt et en gros plan, occupe presque tout l’espace. Une fine branche de chêne parsemée de quelques feuilles vient effleurer la truffe du chien. C’est vivant, et réussi, à la fois couvrant et très aéré, très japonisant. Côté gauche, le platineau est occupé par un épagneul breton à l’arrêt sur une bécasse qui semble s’être réfugiée dans la partie la plus fine de cette partie de la bascule. À côté, un setter anglais regarde une bécasse qui a pris son essor et tente de s’enfuir vite et loin. Là encore en quelques traits la scène est esquissée et le décor planté, les émotions suscitées. Le dessous de la bascule est plus classique avec un lièvre qui occupe
La gravure est vivante, réussie, à la fois couvrante et très aérée, très japonisante.
presque tout l’espace. Enfin, le large fer de devant des Sagittaire a été mis à profit par Stéphane Alsac pour y implanter un brocard en pied dont on distingue le tiers avant du corps, comme si le bois de la longuesse en masquait le reste. Tout ceci est très bien réalisé et surtout sans aucune délimitation ou gravure d’accompagnement. Pas de bouquet de roses, pas de feuilles d’acanthe ni de rinceaux ou autres motifs habituellement requis pour décorer une bascule. Le métal est utilisé ici comme une toile vierge sans qu’il soit besoin de la remplir à tout prix. Il n’y a que le sujet et le gris du métal et c’est très bien ainsi.
La crosse est tirée d’un noyer trois étoiles qui de mon point de vue est plus proche d’un deux étoiles. Il est très blond et veiné de manière ondulante.
Une crosse très particulière
La crosse est de type anglais mais légèrement galbée, afin sans doute de répondre à la morphologie féminine. Elle mesure 35,7 cm, auxquels il faut ajouter 7 mm de plaque de couche bois, soit une longueur totale de 36,5 cm. Une dimension qui semble convenir à la plupart des femmes si l’on en croit l’enquête menée par le fabricant stéphanois. La plaque de couche a son importance car elle est très particulière. Elle est très douce, ronde, creusée en son centre et dépourvue de toute strie à l’exception du logo VerneyCarron creusée dans le bois à la façon des dessins pyrogravés de notre enfance. Dans l’ensemble la plaque de couche est assez large, plus peut-être que sur un fusil tradi«
tionnel, ce qui a sans doute pour but d’augmenter la zone de contact et donc de rendre le recul moins sensible, moins blessant. Autre point, le bec de crosse et le talon, considérablement adoucis, rejoignent la crosse et le busc droit de façon douce et progressive, et le bec est également plus court. Là encore, ce dessin et ces dimensions ont pour objectif d’offrir aux femmes un plus grand confort de tir en tenant compte de leur poitrine plus volumineuse que celle des hommes. La poignée de la crosse est fine mais sans excès, il ne s’agit pas d’un fusil d’enfant. Pour le devant, on a eu recours à une forme enveloppante avec un usinage longitudinal sous les canons pour offrir à l’extrémité des doigts une bonne prise en main, quelle que soit la taille de cette dernière. Enfin, le pontet court en acier bronzé noir abrite une double détente combinée. Elle peut s’utiliser comme une double détente classique en passant l’index de l’une à l’autre dans l’ordre souhaité, ou comme une monodétente en restant sur la première détente. Cette détente remarquable est propre à Verney-Varron et il est heureux que la firme continue de la proposer même si elle n’a pas le retentissement qu’elle mérite. C’est donc ce fusil de 2,635 kg seulement, soit 65 g de moins que celui annoncé dans le catalogue, et de 115 cm que je vais désormais confier à celle qui va avoir en charge de le tester avec son regard de femme et de tireur aussi. Pour ce faire direction le stand de tir de Gonesse.
Un test au féminin singulier
Avant de glisser deux cartouches dans les chambres, Myriam Logghe épaule le fusil à vide. La longueur de la crosse lui convient, la forme aussi. Elle affiche une légère moue en constatant que la plaque de couche est lisse, « ça ne va pas accrocher », dit-elle. Le premier plateau est finalement lancé et au premier coup les canons remontent brutalement. « La plaque a glissé », confirme Myriam. Deuxième essai, cette fois le fusil est bloqué et les deux coups s’enchaînent. « La détente combinée est une vraie bonne idée », ajoute notre essayeuse, « moi qui suis habituée au monodétente je ne suis pas désorientée. » Les plateaux commencent à faire les frais des tirs de Myriam qui contrôle mieux son swing. Au terme de notre essai, elle a le sourire, « j’appréhendais le fait de tirer avec un fusil léger » explique-t-elle. « Je tire d’ordinaire avec des fusils pesant entre 800 g et 1 kg de plus que ce modèle, c’est beaucoup, pourtant je n’ai pas eu l’impression d’aller trop vite ou de me battre avec l’arme. Je me suis senti à l’aise même si, encore une fois, j’utilise d’ordinaire des modèles tir et non chasse. Les jeunes chasseresses auront ce que je n’ai pas eu à mes débuts, la possibilité d’essayer un fusil fait pour elle, et rien que pour ça, ce Diane est une vraie bonne idée. »