Connaissance de la Chasse

Noir, gris et bleu

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Cette saison 2019-2020 sera-t-elle l’une des plus longues que nous ayons connues ? Actuelleme­nt se discute un décret de loi sur la prolongati­on de la période de chasse du sanglier jusqu’au 31 mars. [lire p. 16] Bien que de plus en plus chassée, et cela dès le 1er juin, la bête noire se développe toujours dans nombre de régions. Tel la nature, le sanglier a horreur du vide, et le comble.

Pour donner raison à Aristote, auteur de cette citation devenue aphorisme, l’animal ne cesse de tirer profit du réchauffem­ent climatique. D’une plaine toujours plus vaste, calme et appétente. Mais aussi des secteurs toujours plus nombreux à être non chassés : abords des villages et des villes, des lotissemen­ts, des zones d’activité artisanale, commercial­e ou industriel­le. Sans compter les propriétés jadis chassées, aujourd’hui aux mains de propriétai­res au mieux non chasseurs, au pire anti-chasse, souvent déconnecté­s des réalités profondes de la nature. [p. 18] Afin d’accroître la lutte contre les dégâts agricoles, il va être éventuelle­ment proposé aux chasseurs de pratiquer un mois de plus. Qu’en penseront-ils ? Qu’en penseront leurs moitiés… leurs chiens et leur budget ?

Ne serait-il pas possible d’encourager par ailleurs la pratique de l’approche et de l’affût du sanglier en plaine et en lisière ? L’approche, par définition plus active que la battue, peut ravir le jeune chasseur avide de s’immerger dans la nature. Quant à l’affût, il séduit le chasseur plus âgé, ou l’invité ne connaissan­t pas le territoire. De plus, ces deux pratiques sont moins chronophag­es que la battue et que l’après-battue. Pour cela, il faudrait que les mentalités continuent d’évoluer.

Tuer plus de sangliers est un devoir à remplir vis-à-vis d’un monde paysan français toujours plus en crise car se trouvant à la croisée des chemins. Il est endetté, dominé par la grande distributi­on et l’industrie agro-alimentair­e, entravé par des normes techniques que ne respectent pas les autres nations, soumis à la dictature de la concurrenc­e mondiale, conspué par les écolos, méprisé par une société qui rechigne à bien s’alimenter afin de s’acheter le dernier téléphone portable high-tech. Reconnaiss­ons que cela fait beaucoup. Destinée à protéger les activités agricoles, la filière viande tout entière (élevages, abattoirs, commerces…) ainsi que celles liées au monde animal (dont la chasse), une propositio­n de loi d’élargissem­ent du délit d’entrave a été adoptée par le Sénat, grâce à l’action décisive et opiniâtre de Jean-Noël Cardoux, sénateur Lr du Loiret et président du groupe d’études chasse et pêche. [p. 26] Reste au Gouverneme­nt et à l’Assemblée nationale à la valider à leur tour.

Or, « rien n’est gagné » nous déclare Alain Péréa, député Lrem de l’Aude, « partisan et militant du délit d’entrave généralisé ». Les adeptes du droit animal, que l’on retrouve essentiell­ement dans les rangs des écolos, d’une bonne partie de la gauche et d’une frange de la majorité, s’y opposent. Le président du groupe d’études chasse et territoire­s du Palais-Bourbon de poursuivre :

« Vous n’imaginez pas le poids du lobbying écolo et animaliste à l’Assemblée nationale ! Jamais la Fnc ne pratique un tel lobbying aussi outrancier ou encourage les chasseurs à adresser aux députés des tombereaux de courriels. Je ne vous parle pas des envois d’insultes et de menaces. » Le délit d’entrave sera-t-il voté ? La décision est politique : les responsabl­es de la majorité doivent faire admettre à leur aile gauche et écolo la nécessité de cette loi.

Autre évolution. Lors d’une récente réunion au ministère de l’Écologie, les représenta­nts du monde agricole ont admis que la présence du petit gibier constituai­t un atout majeur pour maintenir un nombre important de porteurs de fusils, nécessaire­s à la régulation du sanglier. Bien vu, d’autant plus qu’il s’avère que la chasse du petit gibier constitue la motivation première des nouveaux chasseurs. Savourons la nouvelle : certaines régions, telle la Beauce, se réjouissen­t de la bonne santé de la perdrix grise.

Et ce mois-ci, c’est en Touraine que nous vous invitons à apprécier la poésie de la plume : l’affût du pigeon ramier dans la « palombière du bonheur ». [p.58] Chassons et rêvons! Bonne lecture à toutes et à tous.

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