Unique : un lanceur de 6 plateaux !
Connaissez-vous le tir de pigeons d’argile volants en compagnie ? Un exercice ludique et utile pour les chasseurs. Nous sommes allés voir l’unique installation présente en France.
JUSQU’À 6 PLATEAUX SIMULTANÉS
Rabbit, bourdon, hélice, battue…, il existe plusieurs types de plateaux de tir, mais connaissezvous le tir de pigeons d’argile volants en compagnie ? Un exercice ludique et utile pour les chasseurs. Nous sommes allés voir l’unique installation présente en France.
Direction la Normandie. À 45 minutes de Paris, nous avons rendez-vous dans un cadre verdoyant. Jean-Baptiste Mallet, propriétaire des lieux, nous y attend pour nous présenter une machine qu’il est le seul à posséder en France. Notre homme, diplômé de l’École d’armurerie de Liège, a fondé en 1981 sa propre enseigne qu’il étoffe par la suite d’un ball-trap. À l’Armurerie Mallet s’est greffé le stand des Fiefs Mancels, basé à Criquebeuf-sur-Seine.
En marge des nombreuses compétitions de tir qui sont organisées annuellement chez lui, Jean-Baptiste, également passionné par la chasse, a développé des infrastructures entièrement dédiées aux chasseurs. Aux incontournables sangliers courants et parcours de chasse qui équipent habituellement les meilleurs ball-traps de l’Hexagone, JeanBaptiste a dernièrement ajouté une machine rare : « C’était l’année dernière. Une société anglaise, Promatic, pour ne pas la citer, qui fabrique ce type de lanceurs multiples, faisait une démonstration dans le Nord de la France de son dernier modèle : le Grouse. Séduit par son potentiel, j’ai décidé d’en faire l’acquisition », nous explique-t-il.
Une batterie de 1008 plateaux
Au sommet d’une imposante butte de terre, qui culmine à une vingtaine de mètres de hauteur, trône « la bête ». « J’aménagerai prochainement une cache, soit végétale, soit en bois, de manière à ce que le lanceur
demeure invisible pour les tireurs situés en contrebas », explique Jean-Baptiste Mallet. C’est une machine imposante qui repose sur une remorque. La plateforme rassemble six lanceurs d’une contenance de 168 plateaux d’argiles chacun. Ce « monstre » peut donc abriter un millier « d’oiseaux » (1008 plateaux précisément). « L’envoi simultané peut s’échelonner de 1 à 6 plateaux. » C’est la seule machine connue du genre en France. Les autres ne permettent que l’envoi d’un plateau unique quand, elle, peut tourner à une cadence de 300, 400 ou même 600 plateaux en une heure, le tout entrecoupé de pauses. Ce n’est cependant pas dans sa capacité de stockage que cette ma
Chacun des six lanceurs peut fonctionner seul, par alternance et même simultanément.
chine détonne, mais plutôt dans ses différentes formules d’envoi. Ainsi, chacun des lanceurs peut fonctionner seul, par alternance et même simultanément. Ce lanceur multiple permet d’envoyer par exemple 6 plateaux ensemble avec une trajectoire variant légèrement, de manière à ressembler à s’y méprendre à une compagnie en vol. Chaque lanceur peut être réglé et propulser le plateau sur un angle compris entre 7 et 45°.
Pour notre armurier et ancien champion de tir, voilà enfin une excellente occasion de confronter le chasseur à un tir sur une compagnie en vol. Si chacun pense à la perdrix, de moins en moins abondante, d’autres imagineront davantage une volée de canards à la pose ou le survol d’une bande de ramiers, ou encore quelques bouquets de faisans jaillissant de la forêt, poussés par une ligne de traque. Bref, le tir de chasse au petit gibier, qu’on le veuille ou non, se fait régulièrement sur un groupe d’oiseaux tout autant que sur un sujet isolé. Un exercice bien différent, comme chacun peut le constater. « Je chasse régulièrement l’étourneau sansonnet, raconte Camille Guillou, conseiller en tir au Stand des Fiefs Mancels. À mes débuts, j’ai remarqué qu’en tirant “dans le tas”, on n’arrivait à rien. À l’inverse, en visant un oiseau précisément dans le groupe, il est possible d’en faire tomber plusieurs. »
Deux gerbes pour un oiseau
Un constat pour le moins étonnant, qui est d’ailleurs partagé par Éric Delaunay, actuel numéro trois mondial dans l’épreuve du skeet olympique et également chasseur : « À partir de trois oiseaux, et selon leur formation, on peut parler de tir de groupe où certains tireurs font l’erreur de viser le vol dans sa globalité en tirant au milieu. »
De l’avis de ces professionnels, la réussite d’un tir d’un oiseau évoluant au sein d’un groupe est plus
délicate, car elle exige davantage de concentration de la part du tireur. Cela nécessite une capacité d’abstraction du chasseur, qui doit oublier les autres plateaux (oiseaux). « Il faut en choisir un seul et ne jamais le quitter des yeux durant toute la phase du tir. Cela suppose effectivement d’être capable de faire abstraction des autres, ce qui n’est pas toujours simple pour tous les chasseurs », ajoute Éric Delaunay.
Pour ceux qui parviennent à franchir cette difficulté de concentration, reste un autre aléa. Nos professionnels font un constat identique : « Dans un groupe, c’est souvent le même oiseau qui est choisi par les tireurs. » Il n’est donc pas toujours facile de savoir qui est l’auteur du tir heureux. Le choix du même oiseau répond sans doute à un procédé inconscient qui cible celui qui s’isole un tant soit peu ou qui ressort davantage. Mais pour remédier au tir
concentré sur le même sujet, surtout lorsque les tireurs sont proches (au poste commun par exemple), mieux vaut s’entendre au préalable en partant du principe que celui de gauche choisit ses cibles sur la partie gauche et idem pour celui de droite.
Si cette « machine » fera merveille pour ceux qui souhaitent se perfectionner en tir sur un groupe de volatiles, elle se révélera également très ludique pour un petit groupe d’amis qui souhaitent se replonger dans une ambiance de tir de battue. « Les plateaux peuvent être envoyés de manière groupée comme éclatée. Cette machine permet donc de reproduire des faisans ou perdrix poussés par le rabat et franchissant la ligne en diverses directions », explique JeanBaptiste Mallet, qui propose des simulations de battue de haut vol dans la limite de 5 tireurs alignés. C’est à la fois très ludique et assez physique compte tenu de la fréquence des envois.
Sécurisé et ludique
Les modulations qu’autorise cette machine télécommandée sont nombreuses. Il est également possible de faire varier la fréquence d’envoi. En mode standard, le lanceur propulse des séries de plateaux dans différentes directions, mais il est également possible de figer leur orientation. L’autre intérêt de l’exercice est de rappeler à certains les règles de sécurité élémentaires, ce qui n’est pas un luxe ! Pour assurer un maximum de sécurité, Jean-Baptiste place les tireurs dans des cages de compak sporting. Ces cadres métalliques bloquent la rotation du tireur et de ses canons sur les côtés et sur la verticalité.
Si vous n’êtes pas séduit par les opportunités d’entraînement qu’offre cette machine, tant sur le tir d’un groupe d’oiseaux que sur une ambiance de tir de battue, peutêtre le serez-vous par le caractère ludique de l’exercice, avant de découvrir une autre machine que Jean-Baptiste ira piocher au gré de ses déplacements : « Dernièrement, en Angleterre, j’ai vu un lanceur qui projette un plateau assez lentement et sur une courte distance. C’est une trajectoire qui s’apparente un peu au “saut de crapaud” de la bécasse. Ce système me rappelle que certains tireurs manquent facilement des gibiers “lents” parce qu’ils sont trop habitués au tir de plateaux, souvent plus rapides. »