Pigeon pour tous: une palombière idéale…
Un territoire hors norme, un appelant magique (le très rare volantini), une philosophie exemplaire. Bienvenue dans l’univers de Michel Gandon, paloumayre de Touraine.
Un territoire hors norme, un appelant magique (le très rare volantini), une philosophie exemplaire. Bienvenue dans l’univers de Michel Gandon, paloumayre de Touraine.
Bien loin des cols pyrénéens et des forêts landaises, nous franchissons une immensité rase, fraîchement labourée, fendue par un chemin herbeux. Sur ce haut plateau qui surplombe la Loire, nous tournons le dos aux vignobles de Vouvray. Face à nous se dresse un bois isolé au milieu des cultures. C’est le « royaume » de notre hôte. Michel Gandon inspirerait bien des leçons de savoir-vivre à d’autres chasseurs chagrins. Portrait d’un humaniste pour qui la chasse inspire le don. Tout un art de vivre.
Entre poésie et réalisme
Avant de pénétrer sur son territoire, le propriétaire des lieux prend soin d’ôter un cadenas qui ceinture un portail discret. Nous entrons dans ce bois de plaine ceinturé d’un grillage à maille large, haut d’un peu plus d’un mètre. Pour Michel, l’intention première de cet aménagement n’est pas tant de barrer l’entrée aux éventuels sangliers de passage, mais plus de dissuader l’intrusion de l’homme : « Dès lors que votre territoire ne présente ni panneau, ni portail, ni un quelconque fil marquant votre propriété, vous pouvez être tenu responsable en cas d’accident, même s’il s’agit d’un intrus (lire encadré p. 63) ». Quelques mètres plus loin, les véhicules sont garés au pied d’un cabanon qui trône devant un parterre de cyclamens en fleur. C’est une vraie poésie qui se dégage de ces boutons rose et blanc, égayant singulièrement l’environnement assombri par un ciel pluvieux. « J’ai rapporté des bulbes ici. Depuis, les fleurs se propagent sur le couvert forestier. On dit qu’elles poussent à la Saint-Michel », commente notre hôte, qui nous convie à l’intérieur pour s’attabler autour d’un café. Le ton est donné. Le verre tendu est à l’effigie de sa passion : la palombe, ou plutôt le pigeon ramier.
7 années de travail
Pour notre Tourangeau, aucune structure comme la sienne n’existe
« Pour certains, la chasse ne vaut que par le partage »
à cette latitude bien nordique pour un paloumayre. « J’ai commencé à aménager mon bois en 1998, soit un an après son acquisition. » Au fil des années, Michel ne cesse de bâtir, pour freiner en 2005. Aujourd’hui, il entretient l’existant.
Sur son territoire, Michel dispose d’une palombière au sol, agrémentée de tunnels. « En hiver, nous tirons les oiseaux uniquement au posé. Ce genre de structure nous permet de mieux nous placer », explique celui qui, avec son Marlin Goose Gun monocanon, parvient à décrocher un oiseau à bonne distance. Pour attirer les palombes de passage, Michel a mis en place des ascenseurs, ou « guillotines ». Ces systèmes permettent de disposer des appelants vivants jusqu’à la cime des arbres. « Quand le vent souffle fort, je laisse les oiseaux aux deux tiers de la hauteur, c’est plus naturel comme comportement. » Cette chasse pratiquée au posé n’a lieu qu’en période hivernale. Michel sort à partir de mi-décembre et jusqu’à fin février car « les arbres doivent être effeuillés ».
En dehors de l’hiver, Michel y consacre également quelques sorties en tout début de saison : « À l’ouverture générale, je chasse un peu les ramiers, que je tire au vol cette fois-ci. » Les appelants sont alors disposés, soit au sol, soit en haut de quelques chênes.
Le tir peut être opéré depuis le sol comme en hauteur depuis les jouquets, ces impressionnants pylônes perchés à plus de dix mètres de hauteur. « Avec le temps, j’en ai aménagé trois, successivement, selon les orientations du vent qui conditionnent le sens d’arrivée des oiseaux. » Chacune de ces installations comporte deux cabines de tir ainsi qu’un ascenseur pour les appelants. Mais, comme pour Michel la chasse n’est qu’une histoire de partage, six postes de tir au sol qui ceinturent la partie ouest et nord de son bois ont été aménagés pour les copains. « Là encore, nous choisissons un
poste selon les conditions du moment. Mais mieux vaut voir par vous-même », commente celui qui va nous guider durant la journée. Inventaire de la palombière.
Grimper est un risque
Nous nous arrêtons rapidement au pied d’un premier pylône. L’ouvrage est impressionnant, entièrement réalisé en acier. Facile, vous direzvous, pour cet homme qui, 37 années durant, exerça le métier de professeur en métallerie dans un lycée professionnel. « On peut travailler avec le bois, mais cela vieillit moins bien. Mes premiers pylônes ont vingt ans. Ils n’ont pas bougé. » Le bâtisseur insiste. Quel que soit le matériau choisi, il faut être sérieux sur la sécurité et avoir conscience que grimper à une échelle n’est pas sans risque. Pour Michel, les barreaux ne doivent pas être glissants et donc lisses. Certaines échelles sont de fait réalisées en fer à béton torsadé. Surtout, il s’enorgueillit d’avoir complété ses échelles d’une crinoline (photo ci-contre) : « À défaut, j’utilise un harnais relié à une corde sur poulie. Au bout, un copain maintient la tension lorsqu’on monte. » Nous nous dirigeons en bordure de la façade ouest de son bois. Calé contre un chêne, un autre pylône. À une trentaine de mètres sur l’angle se trouve un poste de tir au sol. « De là, je peux commander mes appelants en haut de l’arbre comme ceux que je dispose au sol dans le champ. Le système de va-et-vient est assuré par une ficelle spéciale palombe de 6 mm, qui longe la clôture, calée dans des anneaux », détaille-t-il. Après être passés devant quelques postes de tir au sol, nous nous arrêtons devant une mare envahie de lentilles d’eau. « Je l’ai fait creuser par un ami. Les palombes viennent y boire, mais pas que. J’aime me dire que toute la faune de plaine profite de cet aménagement. C’est bon pour la biodiversité. » Nous achevons la visite par l’édifice principal, la palombière au sol. Un ouvrage unique sous cette latitude. Michel a repris l’esprit qui prévaut dans le Sud-Ouest : une petite cabane centrale avec une table pliante relie deux couloirs d’une quinzaine de mètres chacun. « Pour les réaliser, j’ai récupéré des embouts de portique de balançoires usagées. Puis je recouvrais l’ensemble de ces structures en tipi d’un grillage à maillage de dix centimètres pour apporter de la rigidité. Par-dessus, je dispose une bâche lourde. Les meurtrières sont réalisées en incisant au cutter dans mon carré de dix et les rebords sont agrafés. »