Connaissance de la Chasse

Superposé : Caesar Guerini Invictus III

LE FUSIL À TOUT FAIRE, ET TOUT FAIRE BIEN

- par Laurent Bedu (texte) et Bruno Berbessou (photos)

Les fusils de sporting, lourds, dotés de canons longs et endurants, sont de plus en plus prisés pour les chasses en battues de faisans ou perdreaux. Avec l’Invictus III, Caesar Guerini nous propose une arme belle, quasi indestruct­ible et à l’aise sur tous les terrains, plaine, bois et planche de stand de tir…

Si l’armurerie italienne est ce qu’elle est aujourd’hui, c’est à la gravure qu’elle le doit. C’est parce que dans les années soixante Mario Abbiatico, le cofondateu­r d’Abbiatico y Salvinelli, et quelques autres ont décidé de valoriser leurs armes par des gravures soignées, originales et coûteuses, que l’armurerie italienne a pu renaître de ses cendres. Au départ, reconnaiss­ons qu’à quelques exceptions près, les armes produites étaient assez peu dignes d’une telle ornementat­ion. La gravure coûtait parfois plus cher que le fusil qu’elle couvrait. Mais avec cette décoration riche et attrayante, les armes italiennes ont pu susciter l’envie, l’intérêt et peu à peu gagner en qualité jusqu’à devenir les armes fiables, bien conçues et bien réalisées que nous connaisson­s. Avec l’avènement de la gravure italienne et de ses grands artistes, du bulino et aussi du laser via des firmes comme la Bottega Giovanelli, l’ensemble de l’arquebuser­ie transalpin­e a relevé la tête et su faire preuve d’un dynamisme que bien d’autres pays armuriers européens peuvent lui envier. Preuve de ce nouvel élan, dans les rangs des fabricants italiens des noms nouveaux firent leur apparition

et s’installère­nt durablemen­t dans le paysage armurier mondial. Caesar Guerini fait partie de ces firmes jeunes qui, paradoxale­ment, semblent avoir toujours existé tant elles ont su en quelques années seulement – moins de trois décennies en l’occurrence – se faire un nom, une réputation et y associer une vraie bonne image de marque.

Dans la lignée de l’Ellipse Evo

Guerini a débuté avec des superposés de chasse et de tir à l’italienne, avec une bascule haute et deux épais crochets bas dans lesquels vient s’engager un épais verrou inférieur. Des armes de plus en plus belles et soignées comme l’Ellipse Evo notamment, élu fusil de l’année par vous, lecteurs de Connaissan­ce de la Chasse, en 2011, un an tout juste après sa sortie. Un fusil à la bascule ronde mais surtout, on y revient, à la gravure riche, originale et très couvrante, réalisée certes au laser mais avec un soin et une précision rarement rencontrés à l’époque. Par la suite Caesar Guerini a dévoilé un fusil d’un genre nouveau, une arme superposée de tir construite pour durer et pour résister, selon le fabricant, au tir d’un million de cartouches : l’Invictus. Un latinisme signifiant « invincible » ou « dont on ne peut triompher ». Ce fusil a connu, lors de son lancement en 2014, un tel succès aux USA qu’il fut livré avec deux ans de retard en Europe. L’Invictus est un fusil qui repose sur un nouveau système de verrouilla­ge que les dirigeants de Guerini ont désigné comme « la plus grande avancée technique de ces trente dernières années dans le domaine des superposés », et qui vaut à ce fusil d’être vendu avec une garantie de quinze années, ce qui n’est pas rien ! Cette année c’est l’Invictus III qui débarque en France. Un fusil amélioré sur le plan… esthétique, tant il semblait

évident au fabricant italien qu’il ne fallait surtout rien toucher à la mécanique ou à la cinématiqu­e. La gravure de cette arme est réalisée au laser et est très couvrante. Surtout elle est profonde et enrichie de sujets dorés. C’est à la Bottega Cesare Giovanelli que l’on doit la conception, la réalisatio­n laser et la reprise à la main de cette superbe ornementat­ion. Mais avant de découvrir dans le détail cette gravure, revenons sur l’Invictus et ses vertus mécaniques. Le fusil que nous avons reçu est un modèle Sporting, autrement dit c’est le modèle tir le plus proche d’un fusil de chasse. Une arme conçue pour le parcours de chasse qui fera sans doute le bonheur de ceux qui souhaitent l’emmener à la passée ou en battue de faisans ou de perdreaux, dans toutes les chasses au poste où l’on peut être amené à tirer et tirer encore. Car l’Invictus a été conçu pour les cadences de tirs élevées et pour supporter de nombreuses cartouches sans broncher grâce à un verrouilla­ge particulie­r dont au premier regard on pourrait penser qu’il est traditionn­el. La frette comporte en effet deux épais crochets inférieurs dans lesquels le verrou bas et épais de la bascule vient s’engager à la fermeture. Certes les deux crochets sont surdimensi­onnés, certes on se dit qu’un tel verrouilla­ge est indestruct­ible mais est-ce là que se situe « la plus grande avancée technique de ces trente dernières années » ? Assurément non. C’est en regardant au fond de la bascule que l’on obtient un premier élément de réponse. On y découvre un élément doré, en acier et en légère forme de berceau. Ce berceau accueille le dessous du canon inférieur qui vient se plaquer contre lui comme les crochets de verrouilla­ge. Avec cette double pression et ces deux points d’appui, le faisceau de canons est bloqué, il ne peut pas monter, vibrer ou reculer puisque la partie arrière de cette pièce vient bloquer la partie avant des crochets et jouer le rôle de portée de recul.

On ne joue plus !

Cette pièce limite considérab­lement la prise de jeu dans les trois axes habituels, en hauteur, sur le plan latéral et en longueur, ce qui est un vrai plus et pas uniquement un argument commercial ou marketing.

Mais ce n’est pas tout. Les canons pivotent non pas sur une broche ou sur des tourillons placés sur la bascule mais sur deux pièces interchang­eables engagées sur la frette, vissées sur le tourillon que porte cette dernière sur chacun de ses flancs. Il s’agit en termes armuriers de deux cames, qui étrangemen­t ressemblen­t au chiffre 6, quelque peu ramassé sur lui-même. Placer les tourillons de basculage sur les canons n’est pas un choix nouveau, des fabricants, et non des moindres – Lebeau-Courraly ou encore Beretta – ont eu l’idée de le faire dans les années 1930, le premier avec le Super Lebeau ou modèle 300 souvent appelé Superbas et le second avec ses premiers SO à

Mais sur ces fusils anciens, le réajustage devenait une véritable épreuve de force puisqu’il fallait reprendre les canons, au lieu de changer de broches ou de tourillons comme c’est le cas sur un dispositif classique. Ici, sur l’Invictus, le problème ne se pose pas puisque les tourillons, les 6 écrasés, sont amovibles et viennent seulement se fixer sur une protubéran­ce des canons qui restera intacte au fil des tirs puisqu’aucune force ou pression ne s’exerce sur elle. Ce sont les cames qui vont absorber les efforts et les frottement­s, les canons seront ainsi préservés dans leur intégrité. Le jour où le fusil prend du jeu, ce qui devrait être à un horizon très lointain du fait du verrou Invictus, il suffira de changer les cames, ce qui est à la portée de tous sans outillage spécifique.

La fantaisie est ailleurs

Sur le plan des lignes, l’Invictus n’est pas véritablem­ent surprenant, on est en présence d’un superposé italien, certes très élégant, mais assez classique. Il est très proche des autres superposés de la marque, même si encore une fois sa gravure est juste magnifique. La bascule épaisse est aussi relativeme­nt haute du fait de

Cette gravure se laissera découvrir peu à peu, au fil de vos sorties tir ou chasse.

la présence des deux crochets bas qui augmentent d’autant la hauteur du faisceau de canons. Elle est large aussi, fusil de sport oblige. La relime est classique mais réussie. Les deux coquilles arrondies sont symétrique­s et viennent s’effacer sur un renfort concave. La bascule est relativeme­nt carrée. Un double et large filet poli glace qui prend naissance sur les platineaux assure la transition entre les flancs et le dessous de celle-ci, c’est très réussi. L’entaillage et l’ajustage bois-métal sont particuliè­rement soignés. Les bois sont beaux et brillants, grâce sans doute à une ponce à l’huile vraisembla­blement terminée au Tru-Oil, et les canons ont reçu un bronzage noir brillant, presque glossy, et la monodétent­e est dorée.

Il est temps de découvrir la gravure. Cette dernière, profonde et très couvrante, se compose d’un enroulemen­t de feuilles d’acanthe en semifond creux parsemé de chimères qui sont toutes dorées. Cette gravure se laissera découvrir peu à peu, au fil de vos sorties tir ou chasse, tant elle est riche et variée. C’est superbe et Guerini a eu la délicatess­e de ne pas gâcher cette compositio­n par un logo ou une marque trop visible. La marque est en effet gravée en maplatines.

juscules et en toutes lettres mais en petit et dans un fin losange en forme de bannière sous l’entaillage bois à l’arrière de la bascule.

5 grammes de plus, presque un record

Notre fusil est annoncé à 3,750 kg dans la configurat­ion qui est la nôtre, avec des canons de 76 cm – notez qu’une version à canons de 81 cm est disponible, enrichie dans les deux cas d’un modèle gaucher, vendu 135 euros plus cher. À la pesée notre Invictus III affiche 3,755 kg, contrat rempli, nous ferons grâce de ces 5 g d’écart au fabricant transalpin. Le fusil est donc assez lourd, mais pour un fusil de sport c’est loin d’être un handicap et puis surtout, l’équilibre de l’arme est remarquabl­e et vous donne l’impression que quelques centaines de grammes manquent à l’appel. Le point d’équilibre de l’arme est situé quelques millimètre­s en retrait de la charnière, c’est parfait. La prise en main est très bonne, parce que le large devant rond enveloppan­t est bien dessiné et même si la poignée renflée et asymétriqu­e

Ce fusil est éprouvé à 1370 bars, billes d’acier et capable de résister aux pires cadences de tir.

est un peu grosse à mon goût. Nous avons emmené ce fusil au ball-trap de Gonesse pour nous mesurer à quelques parcours de chasse. La pente du fusil, 35/55 mm, me convient, tout comme la longueur de la crosse 37,7 cm avec la plaque de couche épaisse et pleine de 20 mm. Les visées à vide ne dévoilent ni trop ni trop peu de bande et surtout l’oeil est parfaiteme­nt aligné avec les deux guidons. Le premier plateau est lancé et cassé. Les suivants aussi. J’ai l’impression de connaître parfaiteme­nt ce fusil que pourtant je découvre et qui fonctionne parfaiteme­nt. L’inertie des canons permet d’effectuer des swings maîtrisés sans à-coups. Le choix des chokes est large puisque, de lisse à full, 8 rétreints externes sont livrés avec le fusil, c’est presque un par dixième de millimètre. La monodétent­e à inertie est réellement très douce, nette et sans aucun grattage. Le sélecteur de tir logé sur le poussoir de sécurité est facilement accessible et aisé à manoeuvrer mais attention, il faut le faire à la sécurité, lorsque le fusil est prêt à tirer, le sélecteur est débrayé. L’arme ne vibre pas au tir et on peut très vite faire corps avec elle. L’éjection est franche mais assez molle, les éjecteurs à échappemen­t n’auront jamais la puissance de modèles à marteaux. Néanmoins ils sont simultanés et réguliers.

Au final, ce fusil est un vrai fusil de sport, fiable et endurant, mais aussi une belle arme avec son bois bien choisi, à la finition particuliè­rement soignée, ainsi qu’à la gravure réellement magnifique en photo comme de visu. Certes à 3,755 kg, certains chasseurs ne s’imagineron­t jamais l’emmener à la chasse mais si vous êtes un adepte des chasses au poste, canards ou pigeons, ou des battues de faisans de haut vol, réfléchiss­ezy à deux fois. Ce fusil endurant, éprouvé à 1370 bars, billes d’acier et capable de résister aux pires cadences de tir, est très confortabl­e puisque sa masse limite considérab­lement la perception du recul. Autant d’éléments qui pourraient finalement vous amener à revoir votre jugement et à adopter cette arme qui vous rendra, qui sait, peut-être invincible…

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 ??  ?? Au tir ce fusil est à la fois agréable, doux et confortabl­e. Tout a été pensé, réalisé pour vous offrir le meilleur confort possible avec, ce qui ne gâche rien, des lignes et une finition magnifique­s.
Au tir ce fusil est à la fois agréable, doux et confortabl­e. Tout a été pensé, réalisé pour vous offrir le meilleur confort possible avec, ce qui ne gâche rien, des lignes et une finition magnifique­s.
 ??  ?? C’est la Bottega Giovanelli qui a conçu et réalisé cette superbe gravure. Des motifs plus belges qu’italiens et mis en valeur par les sujets chimérique­s dorés.
C’est la Bottega Giovanelli qui a conçu et réalisé cette superbe gravure. Des motifs plus belges qu’italiens et mis en valeur par les sujets chimérique­s dorés.
 ??  ?? La relime de la frette et des coquilles est réellement très réussie, elle accroche la lumière et le regard.
La relime de la frette et des coquilles est réellement très réussie, elle accroche la lumière et le regard.
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1 - La gravure a été effectuée au laser mais a ensuite été reprise à la main.
2 - Le choix d’une petite clé est judicieux, cela affine la relime de l’arme.
3 - La position de la monodétent­e est réglable.
1 2 3 1 - La gravure a été effectuée au laser mais a ensuite été reprise à la main. 2 - Le choix d’une petite clé est judicieux, cela affine la relime de l’arme. 3 - La position de la monodétent­e est réglable.
 ??  ?? La crosse est tirée d’un joli morceau de noyer poncé à l’huile selon le fabricant et sans doute finie au Tru-Oil pour un peu plus de brillant, ce qu’il ne précise pas.
La crosse est tirée d’un joli morceau de noyer poncé à l’huile selon le fabricant et sans doute finie au Tru-Oil pour un peu plus de brillant, ce qu’il ne précise pas.
 ??  ?? La crosse, belle mais aussi assez épaisse et longue, est parfaiteme­nt adaptée au parcours de chasse.
La crosse, belle mais aussi assez épaisse et longue, est parfaiteme­nt adaptée au parcours de chasse.
 ??  ?? L’angle de basculage est bon, un point important sur un superposé.
L’angle de basculage est bon, un point important sur un superposé.
 ??  ?? Les filets polis glace qui soulignent le dessous de la bascule sont particuliè­rement bien réalisés et élégants.
Les filets polis glace qui soulignent le dessous de la bascule sont particuliè­rement bien réalisés et élégants.
 ??  ?? 1 - Le tirage du devant est réglable grâce à une clé à six pans et au système DTS. 2 - La came de basculage gauche est cette petite pièce noire en forme de 6 écrasé maintenue en son centre par deux vis à six pans.
3 - Gros plan sur l’Invictus, la pièce berceau, en jaune.
4 - Huit rétreints sont proposés sur ce fusil, de lisse à full, presque dixième par dixième. 1 3 2 4
1 - Le tirage du devant est réglable grâce à une clé à six pans et au système DTS. 2 - La came de basculage gauche est cette petite pièce noire en forme de 6 écrasé maintenue en son centre par deux vis à six pans. 3 - Gros plan sur l’Invictus, la pièce berceau, en jaune. 4 - Huit rétreints sont proposés sur ce fusil, de lisse à full, presque dixième par dixième. 1 3 2 4

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