Connaissance de la Chasse

Paroles de guide : avec Jacques Spamer, Afrique du Sud : lion, quelle chasse ?

SPÉCIAL AFRIQUE DU SUD

- propos recueillis par Philippe Aillery

Quelle est la réalité de la chasse du lion en Afrique du Sud ? Si l’on se détourne du méprisable tir de lion « en boîte », que penser de la chasse du fauve en territoire libre mais aussi en territoire clos ? Guide sud-africain, Jacques Spamer livre ses propres arguments.

Présentez-vous… Jacques Spamer : J’ai 34 ans et je suis SudAfricai­n, pays qui m’a vu naître et grandir. Je suis un passionné de grands espaces vierges et de toutes les activités qui s’y rattachent. Le bush est mon environnem­ent de prédilecti­on. C’est pourquoi, dès mon plus jeune âge, j’ai décidé d’y vivre. Ainsi s’est tout naturellem­ent imposé à moi le métier de guide de chasse patenté, profession­al hunter comme on dit ici.

De quelle façon avez-vous appris à chasser le lion ?

J’ai commencé à faire chasser le lion dans le Kalahari avec mon premier patron, M. S. Joubert, de la compagnie aujourd’hui disparue Tsoma Safaris. Ce monsieur m’a beaucoup appris. Je n’avais alors que 19 ans. La première fois que je me suis retrouvé avec mon boss face à face avec un lion, j’ai eu des frissons et le souffle coupé. Je n’oublierai jamais ce moment tant il m’a marqué. Ce fauve pesait près de 300 kilos, il était tout en puissance. J’ai pris immédiatem­ent conscience du danger qu’il pouvait représente­r. Je me suis senti bien petit et très humble devant cet animal mythique. Depuis ce jour, j’en ai croisé des centaines et j’ai appris à contrôler mes émotions, mais sans jamais baisser la garde.

Dans quelles régions d’Afrique guidez-vous ?

L’essentiel de mes chasses au lion se déroule en Afrique du Sud, en milieu ouvert comme sur d’immenses propriétés closes où les félins naissent et vivent en totale autarcie. Je me rends aussi régulièrem­ent au Zimbabwe. Il m’est arrivé aussi d’intervenir au Mozambique. Je suis même allé jusqu’au Burkina Faso, sur la zone de Konkombour­i de Bouba Dermé pour traquer le grand fauve en sa compagnie.

À quel âge avez-vous fait tirer votre premier félin ?

J’ai guidé seul sur lion à 21 ans car c’est l’âge minimum légal requis en Afrique du Sud pour obtenir une licence de profession­al hunter. J’étais à l’époque l’un des plus jeunes guides

du pays à diriger des chasses sur animaux dangereux. Mes confrères de la même génération ne se risquaient pas sur de tels gibiers. Le lion et moi c’est donc une longue histoire.

Qu’est-ce qui vous fascine chez l’animal ?

Le lion dans sa totalité me fascine. Sa force brute m’impression­ne. Imaginez qu’un lion adulte est capable de tuer seul un buffle en pleine force de l’âge. Quand on mesure la puissance d’un Caffer caffer, l’exploit est à la fois remarquabl­e pour ne pas dire prodigieux. J’aime aussi la gente léonine pour tout ce qu’elle représente de beauté, de grâce, d’organisati­on, de ruse. Comment ne pas aimer le lion ? Il est emblématiq­ue de la brousse africaine. Tout le monde le connaît et rêve de le voir un jour. Moi, j’ai simplement choisi de l’observer d’un peu plus près que le commun des mortels.

Vous êtes impliqué dans la conservati­on et la chasse du lion…

C’est exact. Je suis notamment membre du conseil de la South African Predator Associatio­n. Mon rôle au sein de cette très sérieuse structure est d’intervenir auprès des médias et d’assurer le marketing de nos différente­s actions. Toutes nos décisions sont adoptées par une large majorité de nos membres, de façon tout à fait démocratiq­ue. Ainsi, nous sommes très impliqués dans l’implantati­on de lions dans les secteurs où ils ne sont plus ou n’ont jamais existé. Nous réglemento­ns aussi le secteur de la chasse du félin et veillons à ce que toutes les destinatio­ns de chasse aux lions respectent des règles strictes et des codes d’éthique. Il n’est pas question de laisser tout faire en la matière.

Vous faites chasser des lions en parc les ayant élevés spécialeme­nt dans ce but…

Que les choses soient bien claires,

je refuse systématiq­uement de faire tirer des lions affranchis juste avant la chasse (chose d’ailleurs interdite) et, qui plus est, dans des enclos de quelques dizaines et même de quelques centaines ou milliers d’hectares. En revanche, cela ne me dérange absolument pas d’oeuvrer sur les sites de plus 10 000 hectares (il y en a beaucoup en Rsa) où des lions sont nés ou ont été introduits jeunes et où ils vivent et se nourrissen­t en totale indépendan­ce depuis des années. Ils sont alors complèteme­nt sauvages et je mets quiconque au défi de me prouver le contraire. Je fais chasser à pied, au pistage, à la loyale donc. Je respecte trop cette espèce pour envisager sa traque autrement. Tous les gens qui ont chassé avec moi peuvent en témoigner.

Chasse et conservati­on, deux axes compatible­s ?

À mes yeux, cela ne fait aucun doute. Chasse et conservati­on du lion sont indissocia­bles. Raisonnez en termes de marketing et il est facile de comprendre que, comme dans n’importe quelle industrie, tant qu’un

« Les éleveurs de lions en Rsa possèdent le plus grand patrimoine génétique de l’espèce au monde. »

« produit » a de la valeur, les gens font tout ce qui est en leur pouvoir pour le protéger et le gérer afin qu’il dure dans le temps. Mais si vous enlevez sa valeur à cette référence, plus personne ne s’en souciera et sa disparitio­n sera proche. C’est exactement ce qui se passe avec le lion et les autres animaux de chasse.

L’élevage du lion est-il une nécessité ?

Il faut savoir que les éleveurs de lions en Afrique du Sud possèdent le plus grand patrimoine génétique de l’espèce au monde. Je crois sincèremen­t que nous pouvons tirer parti de cet avantage dans d’autres régions d’Afrique pour créer de nouvelles lignées de sang et réimplante­r le lion dans les régions où il a disparu. Malheureus­ement, nous sommes confrontés au fait que la population de lions d’Afrique du Sud est en déclin à mesure que les éleveurs sortent de l’industrie car il n’est plus viable pour eux de s’occuper du grand chat.

Quelle fut votre plus grande frayeur lors d’une chasse ?

Cette question revient souvent, et systématiq­uement je réponds que la peur est toujours présente lorsque l’on chasse le lion. Si elle venait à disparaîtr­e, il faut immédiatem­ent cesser de traquer ces grands chats, j’en ai pleinement conscience. Cependant, ma plus grande crainte remonte au jour où l’un de mes confrères qui m’accompagna­it s’est fait littéralem­ent charger par un animal qui se sentait serré de trop près. Il a attaqué sans aucun signe avant-coureur. Fort heureuseme­nt, j’ai pu tirer le fauve assez rapidement pour éviter le pire et ainsi sauver la vie de mon collègue. Nous sommes passés tout près de la catastroph­e cette fois-ci.

Et votre plus beau souvenir ?

Ils sont nombreux mais, parmi les meilleurs d’entre eux, je garde à jamais gravé dans ma mémoire un safari durant lequel j’ai guidé deux Mexicains, un père et son fils. L’aîné avait 92 ans et rêvait de chasser le lion. Nous avons traqué un animal durant deux jours. Reste que ce félin était prévu pour le fils et non pour son père. Or, lorsque nous avons été à distance idéale de tir, canne déployée, le chasseur a donné son arme à son papa qui ne s’est pas fait prier et a tué le lion de parfaite

manière. Tout ceci avait été manigancé par les enfants du vieux monsieur avec mon aval. La joie et l’émotion qui ont suivi sont impossible­s à raconter. Je n’avais jamais ressenti cela auparavant. J’aime chasser avec des gens qui ne cachent pas leurs émotions et qui manifesten­t du respect pour les animaux qu’ils récoltent.

Quelles différence­s y a-t-il entre la chasse en milieu clos et celle en milieu libre ?

Dans 99 % du temps, sur les zones ouvertes, des appâts posés volontaire­ment ou des kills découverts fortuiteme­nt, grâce aux vautours notamment, servent de base à la chasse du lion. Les animaux sont tirés depuis des affûts ou parfois à la rencontre. Dans quelques rares cas, il est possible de les suivre au pistage. En milieu clos, la loi interdit la chasse à l’appât et à l’affût, sauf autorisati­on spéciale délivrée dans certaines circonstan­ces particuliè­res. Sinon, tout doit se faire à pied.

Quel calibre et quelle optique préconisez-vous ?

En vertu de la loi sud-africaine, en vigueur dans d’autres pays africains, la chasse du lion ne peut se pratiquer avec un calibre inférieur au .375. À partir de là, chacun choisit ce qui lui convient le mieux. Côté optique, je suggère le choix d’une marque connue en 1,5-10x42. Je m’attache à n’autoriser le tir d’un lion que lorsque les zones vitales sont parfaiteme­nt dégagées afin que la première cartouche soit la bonne. Mais il arrive malgré tout que des animaux soient blessés. Il est donc important d’avoir des fixations de lunette rapides à actionner pour pouvoir passer en visée ouverte au plus vite. Un lion sévèrement touché cherche refuge au plus profond d’un couvert dense. La lunette est alors un handicap. De mon côté, j’utilise mon fidèle double express Merkel en calibre .470, sans optique évidemment. Cette arme est chargée de softs Woodleigh en 500 grains.

Tout le monde ne conçoit pas la chasse au lion comme vous…

Si je conçois aisément que la chasse du lion puisse susciter des émotions chez les antichasse, je suis très triste de voir les actions qu’ils mènent pour faire disparaîtr­e sa chasse. Ces organisati­ons n’ont pas la moindre idée, ou elles ne veulent pas savoir, ce qui se passe réellement en Afrique. Elles ignorent volontaire­ment ce que le milieu de la chasse touristiqu­e, en règle générale, fait pour la conservati­on de la faune sauvage et son environnem­ent ainsi que pour les population­s humaines qui vivent de ce cadre.

En encouragea­nt les interdicti­ons d’importatio­ns de trophées de lions dans beaucoup d’endroits, les antichasse retirent des revenus aux locaux qui ne trouveront bientôt plus aucun intérêt à protéger une faune qui ne leur rapportera plus rien. J’espère alors que ces mêmes protecteur­s trouveront des fonds pour lutter efficaceme­nt contre le braconnage et qu’ils prendront financière­ment en charge toutes les personnes directemen­t touchées par l’arrêt des activités cynégétiqu­es. Il ne faut pas oublier que les revenus de la chasse financent à l’année des écoles ainsi que des dispensair­es et permettent de distribuer de la nourriture.

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 ??  ?? Empreinte caractéris­tique d’un bon lion d’Afrique de l’Ouest.
Empreinte caractéris­tique d’un bon lion d’Afrique de l’Ouest.
 ??  ?? Puissance, ruse, beauté, autant d’atouts du lion qui séduisent Jacques Spamer.
Puissance, ruse, beauté, autant d’atouts du lion qui séduisent Jacques Spamer.
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Jacques Spamer fait chasser le lion au pistage en Rsa.

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