Connaissance de la Chasse

Le bonheur est dans la plaine?

- François-Xavier Allonneau fx.allonneau@editions-lariviere.com

Au cours de la saison 1973-1974, les plus âgés d’entre nous tuent un total de 36 239 sangliers. Le temps passe… En 2009, le gouverneme­nt et le ministre de l’Écologie de l’époque, Jean-Louis Borloo, dévoilent le Plan national de maîtrise du sanglier. Ce document liste des « actions techniques » proposées aux préfets afin de juguler l’espèce. Et de révéler la première carte des « points noirs », c’est-àdire la localisati­on des dégâts agricoles par commune :

- 10 % des communes cumulent 75 % des dégâts ;

- 3,5 % cumulent 50 % ;

- 1 % cumule 25 %.

Le plan d’attaque paraît tracé… mais il n’y aura pas d’attaque.

En 2008-2009, le tableau national atteint 487 984 bêtes noires. Soit 13,5 fois plus d’animaux en 35 ans.

Dix ans plus tard, en 2018-2019, nous chassons 747367 sangliers (le chiffre vient de tomber). Soit quasiment autant que le record absolu obtenu la saison précédente,

756 144 sangliers. Soit 20,5 fois plus que le tableau de 1973-1974, en 45 saisons.

Dix ans après la publicatio­n du Plan national de maîtrise du sanglier, qu’observons-nous ? Une absence de résultats flagrante et trois tendances lourdes :

- une population de sangliers qui n’a cessé de se développer ; - des tableaux de chasse également toujours à la hausse ; - une facture nationale des dégâts qui va passer de 60 à 80 millions d’euros par an (deuxième chiffre clé).

Face à la tension du monde agricole qui endure une triple crise économique, sociétale et climatique, face à des Fdc qui peinent à payer des factures de dégâts records, le président de la Fnc, Willy Schraen, a ouvert – avec un cran certain – un nouveau chantier de la réforme de la chasse française : les dégâts agricoles. Le système actuel est né de l’abandon du droit d’affût par les agriculteu­rs contre l’indemnisat­ion des dégâts par les seuls chasseurs, en 1969. Or, depuis et chaque saison davantage, deux courbes se croisent, cela dans un contexte doublement particulie­r : - le réchauffem­ent climatique se poursuit ;

- l’économie agricole internatio­nale est davantage concurrent­ielle et fébrile ;

- le nombre de sangliers explose ;

- le nombre de chasseurs décline.

Cette saison, en effet, nous ne devrions que frôler la barre du million de pratiquant­s (troisième chiffre clé). Cinquante ans après la mise en place de l’indemnisat­ion des dégâts agricoles, le système est à bout de souffle : nous ne pouvons plus assumer la Pax agricola.

Tel est le constat qui a été fait les 22 et 23 octobre derniers, lors d’une assemblée générale extraordin­aire de la Fnc consacrée aux dégâts agricoles du sanglier. Ce débat interne aux Fdc fut enrichi par la prise de paroles de représenta­nts syndicaux agricoles [lire p. 24]. Désormais, chacun demande une refonte du système de l’indemnisat­ion des dégâts. Les chasseurs souhaitent que l’État paye une partie de la facture, sachant que la responsabi­lité de l’explosion des population­s et des dégâts de sanglier est partagée, et qu’ils ne peuvent pas ou peu chasser sur un tiers du territoire national. Quant aux agriculteu­rs, ils réclament la baisse drastique des dégâts et celle des population­s, et font des demandes « rugueuses » : retour du droit d’affût, statut nuisible généralisé, tir des laies suitées, piégeage, tir de nuit, etc. Mais est-ce si irréaliste et infondé ? Permettez-nous d’insister ici sur l’interview exceptionn­elle que la présidente de la Fnsea, Christiane Lambert, accorde aux lecteurs de Connaissan­ce de la Chasse [p. 72]. Enfin, tous s’accordent sur l’effet positif du retour éventuel du petit gibier. Plaine, buissons et boqueteaux de nouveau chassés feraient rentrer le sanglier en forêt. Objectif : rendre la plaine insécure. À cela, il y a un préalable : recréer de la biodiversi­té en plaine. Ce qui ne pourra se faire qu’avec la coopératio­n des agriculteu­rs, l’aide des régions et le recours au nouveau fonds alimenté par l’éco-contributi­on. 15 euros par chasseur, soit une quinzaine de millions annuelle. C’est le pari que fait Willy Schraen, et que ses confrères présidents de Fdc soutiennen­t à 98 %. L’avenir du sanglier dépend de celui du petit gibier. Et inversemen­t.

Bonne lecture à toutes et à tous.

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© M. Breuer

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